Mon nom est légion

Traduit du PORTUGAIS par DOMINIQUE NEDELLEC

À propos

Un policier en fin de carrière a reçu pour mission de neutraliser une bande d'adolescents se livrant à " des actes antisociaux à caractère violent " et qui a pour base de repli le Quartier du Premier-Mai, amoncellement hétéroclite d'habitations clandestines au nord-ouest de Lisbonne. Les suspects sont " des métis et des Nègres originaires de ce qu'on appelle les ex-colonies, désignation discutable ", et donc naturellement " enclins à la cruauté et à la violence gratuites ". Dans un rapport destiné à sa hiérarchie, le policier détaille l'opération qu'il a pour tâche de superviser. Mais la précision toute professionnelle de " l'agent de première classe " cède bientôt la place à des divagations amères, à des épanchements endoloris : vexations infligées par ses supérieurs et collègues, ratés familiaux et sentimentaux, vague à l'âme abyssal, autant de motifs qui viennent sous sa plume aussi facilement que le descriptif minutieux des exactions commises par les " suspects ".
Le policier n'est cependant que le premier d'une longue série de narrateurs, tous concernés à des titres divers par l'enquête : c'est ainsi qu'on entendra une vieille prostituée usée par toute une vie de malheurs et qu'un des délinquants somme de venir vivre dans le Quartier, le beau-père de l'un des métis qui se remémore son enfance chaotique, un vieillard impotent qui laisse macérer dans une haine increvable le souvenir de sa première épouse, un trafiquant à la petite semaine en cheville avec les suspects, le professeur d'une institution spécialisée dans laquelle l'un des membres du gang a été placé...
Au fil des dix-neuf chapitres, près d'une vingtaine de narrateurs se succèdent. Autant dire, l'humanité tout entière. Que lit-on ? Des vraies fausses dépositions, des monologues imaginaires, des confessions fantasmatiques ? D'où peut bien surgir cette réminiscence du policier : " combien de noyés n'ai-je pas vus dans mon travail les paupières cousues par les poissons, crucifiés sur les rochers ? " Sont-ils seulement vivants, ces protagonistes qui prennent la parole et sondent leurs tourments ? En réalité, peu importe qui parle, qui écrit, qui entonne ce chant. Peu importe qu'il s'agisse d'une multitude ou d'une seule et même voix (" mon nom est Légion ", dit l'homme possédé de l'Évangile), plus ou moins spectrale. S'il aborde des thèmes comme le racisme primaire - et un passé colonial qui décidément ne passe pas -, les inégalités sociales, les déchirures familiales, l'auteur a tôt fait de leur conférer une dimension universelle et ce qui, à première vue, pouvait relever du fait divers gagne une ampleur et une profondeur bibliques.


Né en 1942 sous la dictature salazariste, António Lobo Antunes est issu d'une famille de la grande bourgeoisie portugaise. Médecin, il se spécialise en psychiatrie et exerce à l'hôpital Miguel Bombarda de Lisbonne jusqu'en 1985. Lobo Antunes nourrit son écriture du matériel psychique qui a marqué toute une génération de Portugais : les contradictions d'une bourgeoisie à la fois ravie et mise à mal par la Révolution des oeillets, les traumatismes de la guerre coloniale et le retour désoeuvré des colons en métropole. António Lobo Antunes a reçu le Prix Union Latine en 2003, le Prix Jérusalem en 2005 et le Prix Camoes, le plus prestigieux du monde lusophone, en 2007.

La publication de ce nouveau roman d'António Lobo Antunes coïncide avec la saison théâtrale qui lui sera consacrée à la Maison de la Culture (MC93) de Bobigny. De janvier à juin 2011, un programme de spectacles, de concerts, de lectures et d'installations est entièrement bâti autour de son oeuvre.

Une fois encore, António Lobo Antunes démontre avec virtuosité combien il maîtrise une technique narrative unique en son genre. Des pensées jaillissent sans ordre apparent, en flux irréguliers, indomptables, puis s'agencent inexplicablement, se juxtaposent, s'estompent, reviennent, s'entrechoquent : et des images surgissent, des échos se font entendre. Des récits innombrables se mettent en place simultanément, se mêlent en épaisses torsades et nous offrent mille livres en un seul. Tous les sens sont violemment sollicités et la réalité décrite excède de toutes parts notre monde à trois dimensions, trop étroit pour contenir ce foisonnement kaléidoscopique. Les narrateurs successifs se font les porte-voix d'une puissance qui semble les dépasser (certains confient d'ailleurs écrire sous la dictée - mais de qui ?) et c'est comme une immense et sombre symphonie qui résonne dans le cerveau du lecteur.


Sur Livre de chroniques IV :

" La façon très particulière de poser des questions, cette écriture haletante, sans repos, traversée de tirets, de passages à la ligne, de répétitions, de phrases coupées net, cette langue unique, mélancolique et remplie d'humour est aussi présente dans ses chroniques que dans ses romans. L'écriture obéit à une sorte de pulsion. [...] Il y a, dans sa manière de faire, une sorte de vertige. [...] Sa vie, sa mort et la nôtre : c'est exactement cela qu'on appelle la littérature. " (Raphaëlle Rérolle, Le Monde) Sur Je ne t'ai pas vu hier dans Babylone :

" Il faut littéralement s'immerger dans ce roman hypnotique pour mesurer ce que, dans la connaissance de l'humain, l'oeuvre d'un écrivain de cette trempe est encore à même d'accomplir. " (Bernard Fauconnier, Le Magazine littéraire) ??

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Rayons : Littérature > Romans & Nouvelles


  • Auteur(s)

    Antonio Lobo Antunes

  • Traducteur

    DOMINIQUE NEDELLEC

  • Éditeur

    Points

  • Distributeur

    Mds

  • Date de parution

    28/03/2013

  • Collection

    Points

  • EAN

    9782757832240

  • Disponibilité

    Épuisé

  • Nombre de pages

    528 Pages

  • Longueur

    17.7 cm

  • Largeur

    10.9 cm

  • Épaisseur

    2.5 cm

  • Poids

    272 g

  • Support principal

    Poche

Infos supplémentaires : Broché  

Antonio Lobo Antunes

Né en 1942 à Lisbonne et issu de la grande bourgeoisie portugaise, Antonio Lobo Antunes a fait des études de médecine et s'est spécialisé en psychiatrie, métier qu'il a exercé à l'hôpital Miguel Bombarda dans les années 1970-1980. Au début des années 1970, il a été envoyé en Angola où il a participé à la guerre coloniale, comme tous les jeunes hommes de sa génération. Auteur à ce jour de plus de vingt ouvrages traduits dans les principales langues et publiés pour la plupart chez Christian Bourgois éditeur, il est aujourd'hui l'une des grandes figures de la littérature contemporaine. De nombreux travaux ont été consacrés à son oeuvre, et il a reçu de multiples prix littéraires, dont le prix Union Latine en 2003 et le prix Jérusalem en 2005.

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