Communément célébré pour sa parole lumineuse, Michel Serres a été souvent critiqué pour la complexité de ses livres, notamment les premiers. Paru en 1992, Éclaircissements s'était donné pour mission de rendre le travail du philosophe transparent et limpide. La discussion menée par Bruno Latour, qu'il connaissait bien, a permis à Michel Serres de s'exprimer librement et sincèrement tout en simplifiant son propos. Un dialogue amical mais sans concession où l'on apprend beaucoup sur sa formation intellectuelle (la guerre, les sciences renouvelées), sur les enjeux de ses livres et le dessein global d'une oeuvre qui, à ce moment, n'en était encore qu'au premier tiers : 24 livres sur 80 ! Michel Serres explicite les raisons de son passage des sciences à la philosophie, sa position singulière, construite sur la remise en cause du progrès des sciences devant Hiroshima et la responsabilité scientifique : « J'ai été formé intellectuellement par les révolutions intérieures à la science, et philosophiquement par le rapport de la science à la violence. » Pour construire l'avenir, notamment celui de la cohabitation des hommes et de la nature, il insiste sur l'importance du droit, du récit, incarnation nécessaire, de la beauté de la langue, qu'il cultive, ou celle de la pluridisciplinarité, qu'il prônera activement. Avec le recul, on est étonné de voir à quel point il était lucide sur l'état du monde et sur ce qui nous attendait.
Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ? Pour asseoir sa domination sur le sexe féminin, l'homme a, dès les origines de la civilisation, théorisé sa supériorité en construisant le mythe de la virilité. Un discours fondateur qui n'a pas seulement postulé l'infériorité essentielle de la femme, mais aussi celle de l'autre homme (l'étranger, le « sous-homme », le « pédéraste »...). Historiquement, ce mythe a ainsi légitimé la minoration de la femme et l'oppression de l'homme par l'homme.
Depuis un siècle, ce modèle de la toute-puissance guerrière, politique et sexuelle est en pleine déconstruction, au point que certains esprits nostalgiques déplorent une « crise de la virilité ».
Si la virilité est aujourd'hui un mythe crépusculaire, il ne faut pas s'en alarmer, mais s'en réjouir. Car la réinvention actuelle des masculinités n'est pas seulement un progrès pour la cause des hommes, elle est l'avenir du féminisme.
Aux États-Unis, pour 20000 dollars, il est possible d'augmenter de 5 cm la taille de son enfant à naître. Qu'y a-t-il de problématique à créer un bébé sur mesure? Qu'est-ce qui dérange dans la manipulation de notre nature?Pour répondre à ces questions, l'auteur part d'un constat simple:quand la science progresse plus vite que la morale, nous ressentons un certain malaise. Les concepts traditionnels de la philosophie, comme l'autonomie, la justice ou l'égalité, ne suffisent pas pour traiter des questions complexes et nouvelles que posent le clonage, les cellules souches ou les athlètes bioniques.En défendant une éthique du don contre une éthique de la «domination» et de l' «augmentation», le philosophe ouvre des pistes de réflexion, guidé par une idée forte:si les manipulations génétiques annulent notre capacité d'agir librement, elles altèrent aussi nos qualités naturelles et portent atteinte à notre humanité.
Invraisemblables, dénuées de preuves, réfractaires à la critique, les théories du complot prolifèrent. La popularité dont elles jouissent est l'indice que quelque chose ne tourne pas rond dans la culture politique de nos sociétés contemporaines. Mais comment comprendre un tel succès ?
Dans cet essai bref et incisif, Quassim Cassam soutient qu'on ne peut se contenter d'expliquer pourquoi les gens adhèrent aux théories du complot. Il faut s'interroger aussi sur leur fonction : ce sont des écrans de fumée masquant les objectifs politiques de leurs promoteurs. Et si le complotisme était la politique continuée par d'autres moyens ?
Dans la mesure où ces théories constituent un problème majeur pour la démocratie, nous ne pouvons ni les ignorer ni les laisser prospérer.
Longtemps sous-évaluée dans la tradition exégétique, la Critique de la faculté de juger (1790) réapparaît aujourd'hui, au fil du libre dialogue entretenu avec elle par une série de philosophes contemporains, pour ce qu'elle est vraiment : le couronnement du criticisme en même temps que l'un des plus profonds ouvrages auxquels la réflexion philosophique a donné naissance. En organisant sa réflexion autour de trois axes (la finalité de la nature, l'expérience esthétique, les individualités biologiques), Kant affrontait le problème de l'irrationnel qui, à travers le défi lancé aux Lumières par Jacobi, faisait vaciller la toute-puissance de la raison. Cette traduction, qui invite à relire la Critique de la faculté de juger à partir de sa première introduction, laissée inédite par Kant, montre que consolider la rationalité, c'était aussi sauver l'unité de la philosophie par la mise en évidence de l'articulation entre raison théorique et raison pratique. Véritable lieu de la politique kantienne selon Hannah Arendt, émergence d'une pensée de la communication selon Jürgen Habermas ou Karl Otto Apel, la dernière des trois Critiques constituait ainsi, surtout, la réponse la plus subtile de la modernité à l'antirationalisme naissant.
« L'exigence phénoménologique à l'égard des images poétiques est d'ailleurs simple : elle revient à mettre l'accent sur leur vertu d'origine, à saisir l'être même de leur originalité et à bénéficier ainsi de l'insigne productivité psychique qui est celle de l'imagination. » Mais comment et pourquoi vouloir inscrire les images poétiques créées par la rêverie, temps distendu, fuite hors du réel, dans « le lourd appareil philosophique qu'est la méthode phénoménologique ? » C'est le défi paradoxal auquel répond Gaston Bachelard dans ce livre :
« J'ai choisi la phénoménologie dans l'espoir de réexaminer d'un regard neuf les images fidèlement aimées ».
Ecoutons son jugement car il dit vrai : oui, nous avons commis un crime en laissant salir la littérature, en sacrant "écrivains" de vulgaires rédacteurs à peine dignes de signer des réclames pour crème de beauté, en laissant les moeurs littéraires s'abîmer dans des bassesses incroyables. Nous en portons tous, douloureusement, la responsabilité. Ces quatre textes de Simone Weil sont là comme un espoir, pour nous rappeler à "la haute littérature" comme valeur à retrouver, et nous faire "pousser des ailes contre la pesanteur" d'un monde qui s'est séparé de l'esprit.
Sylvie Crossman, directrice éditoriale "Le seul grand esprit de notre temps" , disait, de la philosophe Simone Weil, Albert Camus, son éditeur posthume qui gardait toujours sur lui une photo d'elle. Elle s'engagea en usine pour vivre l'oppression de la condition ouvrière ; rejoignit le camp des anarchistes pendant la Guerre d'Espagne ; la France libre du général de Gaulle, à Londres, limitant sa nourriture par solidarité avec les Français soumis au rationnement.
Elle mourut d'épuisement et de tuberculose, le 24 août 1943, au sanatorium d'Ashford, en Angleterre, à l'âge de 34 ans.
« Inactuelle, cette considération l'est encore parce que je cherche à comprendre comme un mal, un dommage, une carence, quelque chose dont l'époque se glorifie à juste titre, à savoir sa culture historique ; (...) nous sommes tous rongés de fièvre historienne, et nous devrions tout au moins nous en rendre compte. (...) Certes, nous avons besoin de l'histoire, mais pour vivre et pour agir, non pas pour nous détourner commodément de la vie et de l'action, encore moins pour embellir une vie égoïste et des actions lâches et mauvaises. Nous ne voulons servir l'histoire que dans la mesure où elle sert la vie. (...) Toute action exige l'oubli, de même que toute vie organique exige non seulement de la lumière, mais aussi de l'obscurité. Un homme qui voudrait sentir les choses de façon absolument et exclusivement historique ressemblerait à quelqu'un qu'on aurait contraint à se priver de sommeil ou à un animal qui ne devrait vivre que de ruminer continuellement les mêmes aliments. Il est donc possible de vivre, et même de vivre heureux, presque sans aucune mémoire, comme le montre l'animal ; mais il est absolument impossible de vivre sans oubli (...) : il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique, au-delà duquel l'être vivant se trouve ébranlé et finalement détruit, qu'il s'agisse d'un individu, d'un peuple ou d'une civilisation ».
F.N.
«[...] les hommes sont encore plus paresseux que timorés et ils craignent avant tout les ennuis dont les accableraient une honnêteté et une nudité absolues. Seuls les artistes haïssent cette démarche nonchalante, à pas comptés, dans des manières empruntées et des opinions postiches, et dévoilent le secret, la mauvaise conscience de chacun, le principe que tout homme est le miracle d'une fois ; ils osent nous montrer l'homme tel qu'il est lui-même et tel qu'il est seul dans chaque mouvement de ses muscles, bien plus, qu'il est beau et digne de considération selon la stricte conséquence de son unicité, qu'il est neuf et incroyable comme toutes les oeuvres de la nature et nullement ennuyeux. Si le grand penseur méprise les hommes, c'est leur paresse qu'il méprise, car c'est elle qui leur donne l'allure indifférente des marchandises fabriquées en série, indignes de commerce et d'enseignement. L'homme qui ne veut pas appartenir à la masse n'a qu'à cesser d'être indulgent à son propre égard ; qu'il suive sa conscience qui lui crie : "Sois toi-me même ! Tu n'es pas tout ce que maintenant tu fais, penses et désires."».
Trad. de l'allemand par Henri-Alexis Baatsch, Pascal David, Cornélius Heim, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy. Édition de Giorgio Colli et Mazzino Montinari.
S'il n'y avait qu'une seule chose à dire de Bergson, ce serait celle-ci : l'expérience du temps, qu'il appelle la « durée », est le coeur de toute son oeuvre, ce dont il est parti, ce à quoi il est inlassablement revenu et qu'il invitait à toujours retrouver sous peine de manquer l'essentiel de sa pensée comme de notre vie. Mais de cette intuition centrale du philosophe on a fini par faire une antienne, et presque une banalité, en oubliant qu'elle fut, d'un bout à l'autre de son parcours, une source d'étonnement continue. Car ce fut par hasard, et à la faveur d'un véritable choc, que Bergson découvrit la durée. Ce fut aussi sans l'avoir voulu, et même à contrecoeur, que, d'abord séduit par le mécanisme, il se trouva contraint de reconnaître la contingence et l'imprévisible impliqués dans la compréhension rigoureuse du temps. Et ce fut encore sans s'y attendre, sous le coup d'une surprise, qu'en 1907, dans L'Évolution créatrice, à l'occasion d'une critique de la biologie de son époque, Bergson vit surgir la nouveauté comme cet aspect ultime de la durée qui enflamma littéralement les enjeux critiques et métaphysiques de sa pensée. Philosopher « en durée », ce fut toujours pour lui avancer de manière expérimentale, en se mettant à l'écoute du réel, sans jamais rien considérer comme acquis. Aimer Bergson, ce serait aller en le lisant, comme il a pensé, de surprise en surprise.
Dans Folioplus philosophie, le texte philosophique, associé à une oeuvre d'art qui l'éclaire et le questionne, est suivi d'un dossier organisé en six points :
Les mots du texte : Pouvoir, sexualité.
L'oeuvre dans l'histoire des idées.
La figure du philosophe.
Deux questions posées au texte : Qu'est-ce qu'un pouvoir s'exerçant sur la vie ? Sommes-nous libres de nos désirs ?
Groupement de textes : Écrire la sexualité.
Prolongements.
«Les Grecs, parce qu'ils sont véritablement sains, ont une fois pour toutes légitimé la philosophie elle-même du simple fait qu'ils ont philosophé, et bien plus en effet que tous les autres peuples.Ils ont su commencer à temps ; et cet enseignement qui détermine à quel moment il faut commencer à philosopher, ils l'ont prodigué plus clairement qu'aucun autre peuple. Ce n'est pas à vrai dire une fois qu'on est dans le malheur qu'il faut commencer, mais c'est dans le bonheur, en pleine force de l'âge, fort de la bouillonnante allégresse d'une vigoureuse et victorieuse maturité virile. Le fait que ce moment-là ait été celui où les Grecs ont philosophé nous en apprend autant sur ce qu'est la philosophie et ce qu'elle doit être que sur les Grecs eux-mêmes.» Friedrich Nietzsche.
Trad. de l'allemand par Jean-Louis Backès, Michel Haar et Marc de Launay. Édition de Giorgio Colli et Mazzino Montinari.
À l'automne 1983, Michel Foucault prononce en anglais, à l'Université de Californie à Berkeley, un cycle de six conférences intitulé Discours et vérité : la problématisation de la parrêsia, dont on trouvera ici, pour la première fois, la traduction française. Il y retrace les transformations de la notion de parrêsia dans le monde antique : d'abord droit politique du citoyen athénien, la parrêsia devient, avec Socrate, l'un des traits essentiels du discours philosophique puis, avec les cyniques, de la vie philosophique elle-même dans ce qu'elle peut avoir de provoquant et même de scandaleux ; enfin, aux premiers siècles de l'Empire, la parrêsia apparaît au fondement des relations entre le maître et le disciple dans la culture de soi. Foucault poursuit un objectif précis : esquisser la généalogie de l'attitude critique dans les sociétés occidentales. Ce volume contient également la transcription d'une conférence prononcée en mai 1982 à l'Université de Grenoble, qui présente un état antérieur de sa réflexion sur la parrêsia.
Cet ouvrage ne se veut pas seulement une présentation du livre Principe Responsabilité de Hans Jonas ; il veut, plus généralement, présenter l'enjeu du « principe responsabilité » que l'homme devrait adopter vis-à-vis de la nature. Il s'agit donc de montrer la nécessité et l'urgence de la sauvegarde de la nature, afin de préserver la possibilité d'une vie humaine sur Terre. Les thèses philosophiques majeures de Hans Jonas sont éclairées à l'aulne des problèmes actuels. On montrera alors quelle place une éthique économique peut faire à la question environnementale.
Qu'exige un philosophe, en premier et dernier lieu, de lui-même ? De triompher en lui-même de son temps, de se faire «intemporel». Sa plus rude joute, contre quoi lui faut-il la livrer ? Contre tout ce qui fait de lui un enfant de son siècle. Fort bien ! Je suis, tout autant que Wagner, un enfant de ce siècle, je veux dire un décadent, avec cette seule différence que, moi, je l'ai compris, j'y ai résisté de toutes mes forces. Le philosophe, en moi, y résistait.
Ma préoccupation la plus intime a toujours été, en fait, le problème de la décadence, - et j'ai eu, à cela, mes raisons. [...] Si l'on s'est exercé la vue à déceler les signes du déclin, on comprend aussi la morale, - on comprend ce qui se dissimule sous les plus sacrés de ses noms et de ses formules de valeur : la vie appauvrie, le vouloir-mourir, la grande lassitude. La morale dit non à la vie. Pour entreprendre une telle tâche, il me fallait de toute nécessité m'imposer une dure discipline : prendre parti contre tout ce qu'il y avait en moi de malade, y compris Wagner, y compris Schopenhauer, y compris tous les modernes sentiments d'«humanité»...
Friedrich Nietzsche.
Personnalité originale et philosophe inclassable, Ludwig Wittgenstein (1889-1951) n'a cessé d'exercer une grande influence sur la pensée contemporaine, et de l'orienter dans de multiples directions qui répondent toutes au caractère protéiforme de son génie. Un génie aussi habile dans les questions de psychologie que dans celles de logique et de mathématique, et aussi subtil dans l'analyse du langage savant que dans le traitement du langage quotidien. Un génie qui ne compose pas un système mais qui, quel que soit l'objet étudié, quel que soit le langage abordé, ne se relâche jamais de la même exigence de rigueur et d'exactitude. Plus qu'une oeuvre à découvrir et à ranger dans l'histoire de la philosophie, les écrits de Wittgenstein constituent une véritable propédeutique à l'acte philosophique. Conformément aux principes de la collection, après une biographie circonstanciée de la vie mouvementée du philosophe, le présent ouvrage expose sa pensée (l'auteur en défend l'essentielle unité) puis analyse les textes principaux, presque tous posthumes et souvent à l'état de notes de travail.
En 1946, Louis Lavelle, philosophe et professeur au Collège de France, fait paraître l'un de ses plus beaux ouvrages, De L'acte. Ce riche essai philosophique, resté de nombreuses années dans l'ombre, renaît ainsi. Louis Lavelle nous y invite, tout au long d'une réflexion aussi méthodique qu'inspirante à interroger, avec précision et finesse, le sens de notre participation au monde, la nature de notre immersion dans l'existence, une participation qui se réalise précisément dans l'Acte, notre Acte de participation :
« La première expérience n'est pas celle du monde, ce n'est pas celle du corps. C'est celle du monde dont mon corps fait partie. Cette expérience ne me quitte jamais; ma vie tout entière se passe à l'approfondir. La philosophie elle-même ne cesse de se demander comment je puis envelopper le monde par la représentation, alors que l'affection me découvre pourtant combien est chétive et misérable la place que j'occupe au milieu de lui.
Dès que nous avons dépassé pourtant cette idée d'un monde donné, dès que nous avons découvert que l'être du monde réside dans un acte qui s'accomplit éternellement, il devient impossible que nous soyons seulement une partie du monde, il faut que nous coopérions à cet acte même, avec lequel nous ne pouvons pas nous confondre, puisqu'il y a en nous de la passivité. Au lieu de dire, comme le sens commun et peut-être comme le matérialisme, que nous sommes une partie du monde, nous dirons alors que nous participons à l'opération par laquelle il ne cesse de se faire. » (L. Lavelle) Cet acte de participation au monde se révélera ainsi être en même temps l'oeuvre même du monde, et plus encore celle de l'Être lui-même qui « ne fait qu'un avec l'acte par lequel il se pose ». C'est bien au coeur de cette dynamique de la participation de l'humain au monde, et se faisant à l'Être, à quoi la métaphysique de Louis Lavelle tâche de nous initier, montrant en définitive en quel sens notre vie s'accomplit selon la triplicité de notre Acte de participation au monde : l'acte de vouloir, l'acte de penser mais encore l'acte d'aimer, car enfin « l'amour est infini, actuel et toujours vivant ».
Le texte proposé a été publié dans le recueil Attente de Dieu, qui compte parmi les grands livres de Simone Weil. S'il ressort en édition autonome, c'est qu'il est un des textes les plus importants de la philosophe. En outre il s'attache à mettre en valeur une notion très prisée à notre époque, celle de l'attention, qui est devenue un enjeu philosophique majeur depuis que les nouvelles technologies ont bouleversé nos manières de penser et de nous concentrer. Simone Weil insiste évidement sur la nécessité d'une fervente attention. Elle a en perspective la prière, qui suppose une grande attention. « Bien qu'aujourd'hui on semble l'ignorer, la formation de la faculté d'attention est le but véritable et presque l'unique intérêt des études, » écrit Simone Weil qui ajoute en définissant précisément l'attention : « L'attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l'objet, à maintenir en soi-même à proximité de la pensée, mais à un niveau inférieur et sans contact avec elle, les diverses connaissances acquises qu'on est forcé d'utiliser. » L'attention est un trésor qui nous élève. C'est pourquoi il faut la cultiver. Les exercices scolaires constituent un moyen d'y accéder. Simone Weil le rappelle avec grâce et clarté.
« Si l'on veut se rendre présent à la présence de la Nature, ce qui est requis est non pas l'ingéniosité du doute cartésien, mais, au contraire, un supplément de naïveté, par laquelle on revient, en delà même des évidences communes, à une évidence première, plus immédiate. » Les onze essais ici réunis, bien qu'apparentés par leur thème - la Nature -, ainsi que par l'expérience métaphysique qui les sous-tend et par leur visée, n'en sont pas moins indépendants les uns des autres. La composition du livre, plutôt que linéaire, est comme étoilée.
La Nature s'offre diversement, et l'on tente de l'approcher de divers points de vue : méditation sur la phusis grecque, sur l'infini, sur le temps, sur telle pensée de Pascal, tel poème de Wislawa Szymborska ou de Rimbaud, aussi bien que sur le cours incertain de la Nature et le risque écologique.
Cet ouvrage est de première importance pour les sciences et la philosophie sociales. Au travers d'un panorama d'ensemble de toute la tradition de la Théorie critique, de Max Horkheimer à Jürgen Habermas, Axel Honneth y élabore en effet les linéaments d'un chemin conceptuel propre tout en tirant certaines conséquences déterminantes pour la suite de son travail, lequel l'a conduit par la suite à l'élaboration de sa désormais célèbre théorie de la « reconnaissance sociale ». C'est aussi dans Critique du pouvoir qu'Axel Honneth développe son importante critique à l'encontre de la conception irénique de la société de Habermas, en insistant sur la nécessité de développer une théorie du conflit et de la lutte.
Mais cet ouvrage offre surtout une lecture tout à fait singulière de l'oeuvre de Michel Foucault, dont il inscrit la contribution dans la filiation de la Théorie critique de l'École de Francfort. La relation entre Foucault et la Théorie critique, souvent évoquée sans être vraiment discutée, trouve ici une explicitation remarquable. En Allemagne, Critique du pouvoir a joué un rôle essentiel dans la réception de l'oeuvre de Foucault, dans le contexte polémique de la tension entre Habermas et le postmodernisme français.
Lorsque Che Guevara disparaît de la vie publique en 1965, il est encore ministre du gouvernement cubain et vient de prononcer un discours, à Alger, au Séminaire économique afro-asiatique.
A cette occasion, il accuse publiquement les pays socialistes de " complicité " avec l'exploitation impérialiste. Quelques jours après, à la veille de son engagement dans la guérilla congolaise, il adresse une lettre d'Afrique au journaliste uruguayen Carlos Quijano, directeur de la revue Marcha, qui sera publiée sous le titre: " Le socialisme et l'homme à Cuba "; il y dépeint les difficultés de la révolution cubaine, tire les leçons de ses propres expériences et met en garde contre les vices du " socialisme réel ".
Six mois avant sa capture et son assassinat par les militaires boliviens, en octobre 1967, ce qui deviendra la revue cubaine Tricontinental publie un message du Che, intitulé " Créer deux, trois, une multitude de Vietnam, telle est la consigne ". Guevara y donne une analyse détaillée de la résistance anti-impérialiste en cours au Vietnam, en Afrique, mais aussi en Amérique latine; il décrit minutieusement la tactique et la stratégie que devraient suivre les pays du tiers-monde dans leurs luttes de libération nationale, en particulier contre l'impérialisme.
Ces trois grands textes du Che, illustrant sa conception éthique du pouvoir, sont incontestablement ceux de sa rupture avec le régime soviétique.
Destiné aux étudiants du Supérieur, cet ouvrage a pour but de présenter l'essentiel des termes dans lesquels s'exprime Marx. Lexique où chaque terme est abordé par ordre alphabétique.
Hitler idéologue ? nombreux sont ceux à qui la formule a paru et paraît encore parfaitement injustifiée.
Il est couramment admis, en effet, que le führer était un homme dénué de toute pensée politique d'envergure. la thèse de hermann rauschning, qui voyait en lui un nihiliste opportuniste à la recherche du pouvoir pour le pouvoir, jouit toujours d'une grande faveur. la livre d'eberhard jäckel montre, en revanche, que, dès les années vingt, hitler se représentait clairement ses buts politiques. cette représentation doit être considérée comme l'esquisse de son action.
C'était un programme, de violence et d'extermination, cependant homogène et cohérent. une nouvelle étude de mein kampf, une interprétation critique des livres, des écrits et des discours de hitler -dont une partie reste inédite- sont les bases sur lesquelles l'auteur a pu fonder son argumentation. un livre polémique, un regard neuf, dans la masse des ouvrages consacrés à hitler.