Les sciences sociales, lorsqu'elles oublient leur vocation critique, ne produisent plus que de simples discours idéologiques, ou d'expertise, prompts à conforter la pensée commune. Mais comment définir exactement l'exigence critique à laquelle elles sont tenues ? Et comment la réaffirmer dans le contexte actuel de la recherche ? Onze chercheurs tentent ici d'apporter des réponses en prenant appui sur les enquêtes qu'ils ont menées à propos d'objets très différents. Leurs analyses soulignent combien la pratique des sciences sociales demeure incomplète tant qu'elle refuse de penser ses effets politiques. Mais elles montrent aussi qu'en sciences sociales, la critique se joue tout autant à travers la contribution des chercheurs au débat public que, indissociablement, dans leurs démarches d'enquête, la discussion de leurs travaux et la clarification collective de leurs pratiques.
La plupart des recherches reconnaissent à présent que les émotions, loin d'être des impulsions irrationnelles, sont au contraire des médiations cognitives et des appuis pratiques dont aucune action ne saurait se passer. Cette réhabilitation des émotions s'est vue toutefois reprocher son absence d'intérêt pour les sentiments diffus et la résonance parfois indisciplinée des corps. Or, ce sont précisément ces échappées affectives que l'on retrouve de façon particulièrement vive dans les émotions collectives. Ces dernières, sans corps propre, semblent disparaître ou s'évaporer dès que l'on s'en approche de trop près. Comment alors identifier avec certitude les émotions souvent « liquides » ou « gazeuses » qui sous-tendent et animent les conduites publiques ? Et comment les mettre en mots analytiques ? Pendant longtemps, une des façons de résoudre cette question a consisté à associer les émotions collectives aux moments d'effervescence qui leur confèrent une réalité tangible. Mais il y a des manières moins visibles de « partager » les émotions, y compris à distance, notamment par l'intermédiaire des médias ou des réseaux sociaux, qui infléchissent tout autant les comportements. À ces problèmes épistémologiques et méthodologiques s'ajoute un problème ontologique : si l'émotion exige par définition un point d'ancrage corporel et donc singulier, comment peut-elle devenir collective et impersonnelle ? C'est dire si les émotions collectives ravivent certaines questions fondamentales des sciences sociales, notamment celles concernant les liens entre l'expérience individuelle et l'appartenance collective, l'événement éphémère et les sensibilités au long cours, la co-présence des corps et les liens à distance, l'imprévisibilité du ressenti et l'organisation rituelle des conduites. Objet épistémologique et ontologique impossible, l'émotion collective n'en est pas moins un phénomène social que les enquêtes théoriques et empiriques de ce volume tentent, chacune à leur manière, de « sauver ».
À défaut de pouvoir expérimenter, le chercheur en sciences sociales construit ses objets : il les collecte, les classe et les compare, comme l'adepte des sciences de la nature, et s'efforce ainsi de transcender la singularité historique et psychologique de ses observations initiales. Mais dans quelle mesure peut-il généraliser à partir d'un ou de plusieurs faits, et en quoi cette généralisation, qui revient à énoncer une loi, équivaut-elle à une règle universelle ? Et s'il cède à la tentation de l'universalisation, ne risque-t-il pas d'oublier le stade du spécifique ? Les textes rassemblés ici reflètent des positionnements radicalement différents, allant du pessimisme à l'optimisme, quant à la possibilité même de généraliser. Or, dans un monde dont le mouvement vers l'entropie semble s'accélérer toujours davantage et dont les archives sont chaque jour plus ouvertes, généraliser demeure plus nécessaire que jamais, fût-ce au risque de l'erreur ou, plutôt, au prix du dépassement perpétuel.
Les débats passionnels à propos de l'oeuvre de Pierre Bourdieu et de ses engagements publics ont longtemps limité l'expression d'une critique scrupuleuse de son travail. Alors que ces débats commencent à s'estomper, ce livre propose une analyse du coeur de son projet intellectuel : sa théorie de la pratique. Les textes qu'il réunit examinent l'usage des notions que Bourdieu a introduites dans le lexique de la sociologie et de l'anthropologie et qui en font désormais partie : champ, habitus, capital, réflexivité, familiarité, intérêt, désintéressement, critique, position scolastique. Sociologues, philosophes et linguistes s'attachent ainsi, chacun à leur manière, à rendre compte d'un aspect de la théorie de la pratique de Bourdieu, en ouvrant une réflexion sur sa pertinence et sur les lacunes et contradictions qui ont provoqué sa remise en cause ou son rejet. Ce livre n'est pas un plaidoyer pour ou contre Bourdieu. Il cherche plutôt à présenter une confrontation raisonnée de ses thèses avec celles qui ont été élaborées par les approches qui, depuis une vingtaine d'années maintenant, ont renouvelé l'enquête en sciences sociales, en l'orientant résolument vers l'analyse empirique de la pratique, dont la collection « Raisons pratiques » a été l'un des lieux majeurs de développement en France.
L'expérience humaine est vulnérable. L'erreur y est inévitable. Elle se faufile partout. Si elle est généralement affectée d'une valeur négative - elle est à éviter, à corriger, à réparer -, elle présente aussi un potentiel positif. On apprend de ses erreurs, car les révisions auxquelles conduisent leur découverte et leur examen sont des moments essentiels dans la production du savoir, dans le raisonnement pratique ou dans la détermination des conduites appropriées aux situations. L'étude de l'erreur se développe en grande partie aujourd'hui à partir de travaux de psychologie cognitive, qui traquent les erreurs de raisonnement, les biais cognitifs et la formation de croyances fausses et expliquent causalement ces phénomènes par des mécanismes inconscients ou des inclinations naturelles de l'esprit humain. Le problème est que, pour ce faire, ils doivent présupposer des normes absolues (de vérité ou de rationalité, de raisonnement déductif ou de raisonnement statistique) par rapport auxquelles les erreurs représentent des écarts mesurables. C'est une tout autre approche que propose le présent ouvrage : analyser l'erreur sous l'angle de sa socialité, c'est-à-dire en l'envisageant dans les multiples contextes et dans les dynamiques plurielles où elle se produit, est prévenue, identifiée, relevée, appréciée, attribuée, rejetée, qualifiée, traitée. Des études de cas mettent la thèse de la valeur positive de l'erreur à l'épreuve : elles examinent l'usage de l'erreur aussi bien dans la science que dans l'enseignement de la logique ; dans l'établissement des preuves au tribunal que dans la résolution de problèmes pratiques de la vie courante ; dans la délibération que dans la perception ; dans le diagnostic médical que dans la décision politique.
Comment devient-on chercheur ? Quelles sont les règles implicites et les pratiques qui gouvernent la préparation de la thèse ? Peut-on tenter de répondre collectivement, et de manière réflexive, aux questions que se posent les doctorants ? Ce livre aborde tous les aspects de la vie du jeune chercheur : le choix du sujet et de la méthode d'enquête, les relations avec le directeur de thèse, l'écriture, les publications, les opportunités du numérique, la présentation orale ou encore l'adoption d'une posture de recherche et l'engagement en tant que chercheur. L'objet de cet anti-manuel est d'établir le lien entre une expérience individuelle, conditionnée par la place centrale qu'y occupe l'écriture, et le contexte institutionnel et collectif de la recherche, dans lequel les doctorants se sentent souvent perdus. Une conviction unanime a porté ses auteurs : faire de la recherche et écrire une thèse sont des savoir-faire qui non seulement s'apprennent, mais aussi se transmettent.
Le cinéma français incarne l'exception culturelle. La figure de l'auteur, née avec la Nouvelle Vague avant de devenir universelle, continue de jouer un rôle central dans l'organisation du secteur. Exemplaire, l'enquête d'Olivier Alexandre prend le contre-pied des discours habituels pour saisir le système à l'origine de cette singularité française. Au-delà des paillettes et de la rituelle montée des marches cannoises apparaît un monde impitoyable caractérisé par une distribution inégalitaire des chances de s'y imposer. Le cinéma français, c'est bien sûr Truffaut et Godard, mais c'est également tout un peuple à d'outsiders qui s'agrège aux marges en tentant de survivre. Dans une étude pionnière sur un sujet souvent laissé aux discours enchantés, l'auteur propose une réflexion aiguë sur les concepts utilisés pour définir les univers de création : champ, monde et marché font l'objet d'un réexamen critique ; il contribue de façon particulièrement novatrice au débat sur le statut de la culture et de ses modes de production.
Quelles sont les transformations les plus significatives intervenues dans les sciences sociales depuis vingt-cinq ans ? À partir de comptes rendus d'ouvrages qui ont fait date, Jean-Louis Fabiani propose un récit cohérent de la trajectoire de la discipline en France et aux États-Unis. Bourdieu, Foucault, Abbott, Passeron, Boltanski et Latour sont parmi les grands noms qui font l'objet de ces textes incisifs. Pour l'auteur, la lecture est une pratique sociologique à part entière. L'analyse des notions majeures à l'oeuvre en sociologie témoigne de l'entrelacs permanent de la structure - le macrologique - et de l'événement - le micrologique - aussi bien que des conditionnements durables et des coalitions éphémères. Qu'en est-il alors des promesses d'une théorie générale dans cette discipline redevenue centrale en sciences sociales ? Ce livre dresse un bilan provisoire et dessine l'espace de discussion dans lequel évolue la sociologie contemporaine.
Dossier : Et si, par-delà la dichotomie classique sujet-objet, les artefacts étaient appréhendés comme des agents voire des événements, et considérés dans leur rapport au temps et à l'espace ? Ce dossier propose l'étude des phénomènes, dispositifs et contextes par lesquels les objets adviennent en Grèce ancienne. Varia : Balles de fronde, noms barbares : la puissance des mots. Imaginaires du passé : la guerre lélantine, la figure de Solon. Le rôle de la peau dans le diagnostic médical. Savoirs et lieux de savoirs.
L'hôpital est en crise. L'hôpital est en recomposition. L'hôpital doit s'ouvrir sur le reste du système de soins, il doit resituer le patient au coeur de son modèle médical. Ces constats, entendus de Paris à New-Delhi, sont symptomatiques d'une institution en profonde mutation depuis plusieurs décennies. Invitant au décentrement de ces enjeux, et rassemblant des chercheurs issus de différentes disciplines (anthropologie, géographie, psychologie, sociologie), ce volume présente un panorama actualisé des transformations de l'hôpital en Asie du Sud, en prenant appui sur la pluralité des pratiques, des normes, des lieux de soins, si particulière à cette région. De la santé de la mère et de l'enfant à la psychiatrie, du secteur public au secteur privé, de l'Inde au Pakistan, ces contributions témoignent de l'émergence de nouvelles aspirations chez les patients comme chez le personnel soignant, d'une redéfinition des relations entre soignants et soignés, et du développement de normes et pratiques novatrices en milieu hospitalier. Par la multiplicité des terrains présentés, ces travaux ne sont-ils pas aussi l'occasion d'interroger plus largement les transformations du rôle de l'État, la persistance de tensions sociales, religieuses et inter-castes, et enfin la circulation de modèles de soins entre global et local ?
Que signifie l'acte de comparer pour les sciences sociales ? Dans ce volume, la démarche comparative est vue comme un éloge de la pluralité : aucune science sociale ne peut se borner à l'étude d'un seul cas. Dès lors, chaque nouveau savoir, chaque nouvel échange entre disciplines se trouvent confrontés aux fausses évidences de leur irréflexion. On tend à décréter le comparable, à stipuler l'incomparable. Comparer en sciences sociales, c'est répondre aux défis du découpage et de l'asymétrie des objets. C'est également forger les outils d'une méthode qui s'ajuste à des écarts. Cet ouvrage reflète les approches très différenciées dans lesquelles s'inscrit la comparaison. Pour les uns, celle-ci est une ressource de l'analyse ; pour les autres, elle constitue la matière d'un programme de recherche. Pour tous, l'acte de comparer pose le cadre théorique de leur réflexivité scientifique. Il définit aussi l'horizon d'un langage commun. Il désigne enfin l'objet observé : des sociétés composées d'acteurs qui ne cessent de qualifier leur situation par comparaison.
La boxe est un affrontement à l'Autre dont l'enjeu dépasse les seules limites du gymnase. Jérôme Beauchez l'a compris en transpirant avec les boxeurs, dont il a partagé les entraînements et recueilli les récits de vie. Décrivant l'expérience du face-à-face dans toutes ses dimensions, l'auteur montre les visages de l'adversité tels qu'ils apparaissent aux combattants. Les existences de ces hommes issus des quartiers populaires et de l'immigration sont vécues à l'intersection des dominations. Boxer équivaut dès lors à résister ; un geste dont la capacité des corps à « encaisser » les coups et en donner ne constitue qu'un aspect. Car il y a un au-delà du corps à corps, dans la quotidienneté des luttes contre le racisme ordinaire et la disqualification sociale. Au plus près de la rudesse charnelle des combats se révèlent ainsi toutes ces épreuves qui légitiment celle du ring et creusent l'empreinte du poing.
Spectacle vivant, cinéma et audiovisuel ont bâti leur expansion sur une exception sociale et culturelle énigmatique : l'hyperflexibilité contractuelle de l'emploi, assortie d'une assurance non moins flexible contre le chômage. Paradoxes : l'emploi augmente, le chômage encore plus vite ; des conflits sociaux répétés, des employeurs solidaires de leurs salariés ; trente ans de réformes, aucune réussie ; des accusations d'abus lancées de toutes parts, un déni général de responsabilité, mais une multiplication des bonnes raisons de s'accommoder d'une croissance déséquilibrée. À partir de données inédites, complétées dans cette nouvelle édition, Pierre-Michel Menger établit les faits, mesure les évolutions, soupèse les avantages et les dérives de l'emploi en contrats courts et chômage long. Le régime des intermittents du spectacle est passé au crible : ses règles, ses comptes, son utilisation, ses jeux stratégiques, ses subtilités paritaires et politiques. Cette analyse clinique, étendue à la réforme de 2003 et à ses effets jusqu'en 2010, permet de dégager et de mieux situer les intermittents dans la flexibilité des marchés du travail.
Les sciences sociales en savent-elles plus aujourd'hui qu'hier ? C'est à cette question que des spécialistes de huit disciplines ont répondu dans l'ouvrage, de manière à la fois qualitative et contrastée. En effet, aucune mesure consensuelle de l'enrichissement du savoir ne saurait être exhibée, même dans les sciences de la nature. Le thème de la cumulativité du savoir touche au coeur même de l'activité et de l'évolution de chacune des sciences sociales. Le savoir ne se présente pas comme une accumulation amorphe de propositions venant s'empiler les unes sur les autres. Il est formé d'énoncés qui sont articulés entre eux et qui se renouvellent sans cesse dans leur contenu comme dans leur interprétation. Tout corpus scientifique peut être segmenté en ces divers objets conceptuels que sont les données, les modèles ou les programmes. Il évolue sous l'influence tant d'apports externes en provenance d'autres disciplines que de diverses restructurations internes. C'est ce mouvement incessant de formation et de révision des croyances savantes que les auteurs essayent d'appréhender.
L'épistémologie sociale est une analyse de la dimension sociale de la connaissance. Son point de départ est le constat que bien des phénomènes ne nous sont connus que par l'intermédiaire des autres et donc que la connaissance a non seulement des sources directes, celles auxquelles le sujet a lui-même accès, mais aussi des sources indirectes reposant sur la confiance ou sur l'autorité accordée à autrui. Elle s'intéresse donc aux conditions de la transmission de l'information venant d'autrui, et aux relations de confiance et d'autorité épistémiques, notamment dans le domaine des sciences. Mais ses préoccupations sont plus larges et concernent tout ce qui a trait à la dimension sociale de la connaissance: la construction, au cours d'interactions, de justifications recevables ou acceptables; les modes ordinaires de pensée et de raisonnement; ou encore les relations de coopération et de collaboration dans une « communauté épistémique ». De plus elle reprend des questions qui étaient au coeur de la théorie durkeimienne de la connaissance, celle par exemple des croyances collectives, ou l'idée d'un sujet collectif du savoir. Par là elle se rapproche des social studies of science, tout en s'en distinguant par l'adoption d'un point de vue normatif et par le refus du relativisme. Ce volume présente un ensemble de recherches représentatives de ces différentes préoccupations. Elles ont en commun de reconnaître la spécificité de l'idée de normes de la connaissance, et, s'agissant de concevoir la dimension sociale de celle-ci, de se garder des formes radicales de holisme, pour lesquelles les groupes sociaux sont des entités sui generis.
L'idée que l'on se fait de la polarisation entre l'homme et la femme serait universelle. Tantôt on explique cette dualité par des présupposés tirés de la nature (quelle nature ?) tantôt, comme le font les « études de genre », on la considère toujours et partout comme une pure construction de l'esprit dénuée de toute justification biologique. Emmanuel Désveaux récuse cette alternative avec force. Pour lui, il s'agit d'écouter ce que l'ethnographie - ou ses équivalents, dans le monde occidental, que sont la littérature, la peinture classique et le cinéma - a à nous dire dès lors qu'elle se penche sur trois aires culturelles radicalement distinctes : l'Amérique, l'Australie et l'Europe. L'angle d'attaque se trouve renversé : il est question de comprendre comment les conceptions - qui sont toujours d'ordre phénoménologique - de ce qui fonde la différence des sexes créent de la différence d'un point de vue culturel.
Le 12 janvier 2010, un séisme majeur ravage Haïti. Cet ouvrage apporte un éclairage nouveau à toute une série d'interrogations : comment s'est fait le traitement de la masse soudaine de morts ? Quels changements culturels se sont alors produits par rapport aux morts ? Quelle conception de la terre et de l'environnement a révélé ce désastre ? Comment comprendre la vulnérabilité extrême de la population de Port-au-Prince face aux catastrophes naturelles ? Quelle est l'orientation prise pour la reconstruction du pays et à quels défis est-il confronté ? Les sciences sociales proposent des réponses sur une base résolument interdisciplinaire à ces interrogations. Les contributions présentées invitent justement à penser la liaison entre catastrophe naturelle et catastrophe politique, autant que les modifications survenues à l'heure de la mondialisation dans les rapports entre l'État et la communauté internationale. La problématique de l'environnement et de ses dérèglements naturels et artificiels est au coeur de la réflexion.
La ville en Asie du Sud, héritière de cités parmi les plus anciennes de la planète, s 'inscrit dans une région à prédominance rurale pourtant génératrice de mégapoles. Ces très grandes villes à l'avant-garde de l'ouverture économique du sous-continent indien vivent des transformations rapides sous l'effet de la mondialisation. Dans l'univers urbain, le poids de la strate coloniale se révèle beaucoup plus riche en hybrides et en créations originales que ce que la logique de la dépossession et de la domination aurait pu laisser supposer. C'est là l'une des spécificités du cas indien, légataire d'un héritage historique unique sur lequel s'est greffée l'empreinte de la modernité, sans que les repères traditionnels perdent tout leur contenu car ils en sont, parfois, fécondés. Trois grandes thématiques traitent ici de l'évolution de ces phénomènes urbains : structure de la ville et recompositions sociospatiales ; tensions sociales et tensions urbaines ; restructuration des espaces économiques. Ce volume collectif mobilise divers champs disciplinaires des sciences sociales et propose une approche comparatiste visant à mettre en perspective l'expérience urbaine indienne avec des situations et des évolutions observées ailleurs en Asie et dans d'autres continents.
Pourquoi la notion de parenté que l'on croyait aussi intangible qu'intemporelle est-elle aujourd'hui soumise aux plus profonds bouleversements ? Quels changements ont affecté la parenté ces dernières décennies ? Les auteurs, issus d'horizons géographiques et disciplinaires variés, confrontent positions et analyses autour de trois thématiques : les cadres et enjeux juridiques des nouvelles parentés, la parenté à l'âge des biotechnologies et des adoptions internationales, les changements de perception du corps et de la personne. Ce livre nous entraîne au coeur des controverses soulevées par les nouvelles techniques de procréation (familles mono- et homo-parentales, fécondation in vitro, dons de gamètes, etc.). Il témoigne de l'évolution profonde de la parenté, tant au niveau des savoirs et des techniques que des représentations et des valeurs communes. La filiation ne va plus de soi... La diversité et la profondeur de l'étude, marquée par une approche anthropologique, rendent cet ouvrage incontournable pour la compréhension des nouveaux défis de la parenté, en pleine (r-)évolution.
Les sciences sociales françaises ont longtemps délaissé ou dévalué le corps et ont notamment combattu le réductionnisme biologique. Depuis quatre décennies un changement profond c'est amorcé. L'ouvrage entend saisir la nature de cette inflexion, dans des oeuvres aux contenus parfois contrastés (Bourdieu et Foucault, par exemple) et dans des disciplines aux liens parfois très lâches (anthropologie et droit). Faut-il voir dans cette inflexion un retour du biologisme ? Le corps étant un thème très investi idéologiquement les auteurs nous livrent ici une étude éclairante, à la fois théorique et concrète (utilisation du terme dans le droit, étude de l'utilisation du thème dans l'édition).
Comment échapper à l'alternative entre étudier l'individu (universel mais asexué) ou les rapports hommes-femmes (sexués mais séparés) ? En apercevant que la distinction masculin/féminin n'est pas une simple différence : elle ne désigne aucune propriété substantielle, aucun attribut identitaire de l'individu. C'est pourquoi de plus en plus d'études en sciences sociales tiennent à définir le « genre » non pas comme un attribut des personnes, mais comme une modalité des relations. Les auteurs de ce livre ne se revendiquent pas d'une théorie commune. Mais tous questionnent les conceptions du genre trop dépendantes des représentations occidentales modernes. Il ne va pas de soi de considérer l'individu comme un être composé de deux entités, «un moi» et «un corps». En nous incitant à renouer avec les ambitions d'une véritable anthropologie comparative, ils montrent qu'étudier le genre c'est revenir aux fondamentaux de nos disciplines. Toujours et partout, ce qui est en jeu à travers le genre n'est jamais simplement ni «l'esprit», ni «le corps», mais cet être vivant capable d'agir et de pâtir à la manière des humains, dont chaque société construit sa propre représentation: la personne. Comment échapper à l'alternative entre étudier l'individu (universel mais asexué) ou les rapports hommes-femmes (sexués mais séparés) ? En apercevant que la distinction masculin/féminin n'est pas une simple différence : elle ne désigne aucune propriété substantielle, aucun attribut identitaire de l'individu. C'est pourquoi de plus en plus d'études en sciences sociales tiennent à définir le « genre » non pas comme un attribut des personnes, mais comme une modalité des relations. Les auteurs de ce livre ne se revendiquent pas d'une théorie commune. Mais tous questionnent les conceptions du genre trop dépendantes des représentations occidentales modernes. Il ne va pas de soi de considérer l'individu comme un être composé de deux entités, « un moi » et « un corps ». En nous incitant à renouer avec les ambitions d'une véritable anthropologie comparative, ils montrent qu'étudier le genre c'est revenir aux fondamentaux de nos disciplines. Toujours et partout, ce qui est en jeu à travers le genre n'est jamais simplement ni « l'esprit », ni « le corps », mais cet être vivant capable d'agir et de pâtir à la manière des humains, dont chaque société construit sa propre représentation : la personne.
Depuis le début des années 1990, la plupart des hôpitaux européens ont révolutionné les pratiques entourant la mort du foetus ou du nourrisson. Escamoter l'enfant mort et inciter les parents à « passer à autre chose », tel était l'usage jusqu'alors. Apprendre à « faire son deuil », telle est la règle désormais. Le deuil devient volontariste, presque appliqué. Mais le plus surprenant est sans doute l'invite systématiquement faite aux parents de regarder leur enfant mort. Internationale, cette mutation fut aussi radicale : en dix ans, une page de l'histoire de la mort enfantine a été tournée. Elle cristallise une nouvelle manière de saluer les morts rendant essentielles la matérialité et l'incarnation du souvenir. Que s'est-il passé pour que la présentation ou la représentation du corps devienne, ou redevienne, incontournable pour penser la perte ? Un simple retour au passé ? Fétichisation du corps et psycho-logisation de son usage : le corps, la chair, le donné biologique sont appelés au secours des psychés. Mais le phénomène se limite-t-il bien au cas des bébés morts ? Que nous suggère-t-il de la redéfinition contemporaine des identités ?
Pourquoi vouloir, aujourd'hui, retourner aux sources du pragmatisme américain et à sa conception de la croyance et de l'enquête ? Essentiellement pour mettre en évidence le parallélisme de son effort pour dépasser l'idéalisme de l'héritage cartésien et kantien avec celui opéré par la sociologie naissante à la même époque. Nous découvrons alors que le rapport de ce courant de pensée aux sciences sociales en général, à la sociologie en particulier, est interne. Car s'il est un aspect essentiel dans le pragmatisme, c'est la reconnaissance de la constitution sociale de l'esprit et de l'antécédence de la société sur le soi. Le « facteur social » est Inscrit au plus intime de la croyance et de l'enquête, de la connaissance et de l'action, de la conscience et de la conscience de soi. Et le principe de la société est à chercher non pas dans le psychique, mais dans les processus de la communication humaine. C'est sur un tel constat que doit se fonder tout projet de naturalisation de l'esprit.
Érigée en question de société, l'information mérite d'être réexaminée à la lumière de recherches récentes qui explorent les questions suivantes. Celle de la variété des « formats » de l'information, et leur inscription dans des équipements informatiques, ou plus généralement, dans un environnement matériel. Celle de la relation entre information et action impliquée dans la découverte, l'apprentissage et l'usage de connaissances, selon des agencements différents - jugements publics, pratiques épistémiques, savoir-faire personnel, etc. Celle de l'insertion de l'information dans diverses figures du collectif qui dépendent des coordinations et coopérations en vigueur, conduisant à des représentations communes ou à des connaissances distribuées. Celle, enfin, de l'engagement de systèmes d'information dans des formes de normativité et de gouvernement, via des indicateurs et des classifications statistiques, des qualités normalisées, une saisie informatique locale des activités individuelles. L'examen de ces questions donne corps à une certaine approche sociale et politique de la cognition et de l'information, qui est présentée à partir de travaux internationaux sur l'État, la science, l'organisation, le travail et le jeu.