À l'abordage !, c'est un choc frontal entre la jeunesse ardente des uns et la frilosité quasi sénile des autres. Marivaux est dans les coulisses, car la rouerie rhétorique, le travestissement, les fausses confidences et les heureux stratagèmes conduisent évidemment au triomphe de l'amour.
Traduction nouvelle
De ce texte théâtral, une véritable opérette avec lyrics, voici ce que dit Valère Novarina : 'C'est une forme acérée, un théâtre acide et en relief : une eau-forte. La pâte théâtrale a disparu : reste le trait, l'élan, la gravure. Par projections, sauts projetés, par passage d'un plan à l'autre, par pointillés, par découpes, le théâtre vient ici se débarrasser du tendre, de la plainte, du partage ému. L'opérette : ossature et forme cruelle du théâtre.' Ou encore : 'Le temps avance par irruption de personnages rythmiques - affublés d'un air animalesque ou trop humain, ils entrent, traînant ritournelles et romances. L'action avance par secousses de l'espace : le public vient voir se percuter des sentiments, s'entrechoquer la vie (...) : pas de personnages mais des vêtements habités. Vêtus de langue, voici des masques, des cavaliers d'anatomies, tournant en cercles, spirales, en figures de quadrilles, carrés, constellations : comme les personnes d'un jeu de carte. Souffrance du Valet de carreau. Joie du 8.
La nouvelle pièce de Valère Novarina, telle qu'elle sera représentée dans le cadre officiel du Festival d'Avignon 2015.
Un père et une mère parlent de leur fille : Alexandrine, seize ans. Ce pourrait être une conversation normale, mais Alexandrine ne l'est pas et il se peut que le couple parental ne l'ait jamais été non plus. Leurs inquiétudes portent essentiellement sur la vie sexuelle future d'Alexandrin... Le dénouement, comme toujours, est un escamotage qui dérobe heureusement à nos yeux les protagonistes de la farce.Mon Père m'a donné un mari reprend, en le caricaturant, l'argument des comédies classiques : des parents prennent en main la vie amoureuse de leur fille. Sauf qu'il ne s'agit plus d'arranger un mariage mais d'organiser un dépucelage. Comme la fille est autiste, elle consent à cette prise en main. Elle autorise même ses parents à assister à sa défloration, conçue comme l'aboutissement spectaculaire de cette pièce.
Confronté au problème de l'adaptation théâtrale de certains de ses livres non directement écrits pour le théâtre, comme Le Discours aux animaux, ou difficiles à monter, comme Le Drame de la vie, et pour éviter des interventions extérieures hasardeuses, Valère Novarina a décidé de proposer lui-même aux éventuels metteurs en scène des adaptations en quelque sorte 'clé en mains'. Le Repas est une adaptation pour la scène des première pages de La Chair de l'homme.
- Peur, j'ai si peur. Je n'ai pu l'oublier... Nuit noire. Pas de mémoire. Et pour ne plus l'aimer cent fois j'ai combattu chacune et chacun d'entre nous. J'ai cherché des sujets au-delà de la terre et dans des pays inconnus à leurs habitants, des déserts que le ciel refuse d'éclairer. Ouvre les yeux. Quelqu'un m'attend dans ces lieux, dans ces temps. C'est dans ma tête. Avec les gestes oubliés.
L'Acte inconnu est un archipel d'actes contradictoires : acte forain, prologue sous terre, cascades de duos, accidents de cirque, spirales, rébus. Autant de figures, d'attractions, comme autant de mouvements d'un ballet... «L'Ordre rythmique», «Comédie circulaire», «Le Rocher d'ombre», «Pastorale égarée» : quatre mouvements renaissent l'un de l'autre et sont jetés aux points cardinaux. Entrent et tournent : Le Bonhomme Nihil, Le Coureur de Hop, Jean qui corde, Raymond de la matière, L'Ouvrier du drame, La Machine à dire beaucoup, Le Chantre, La Dame de pique, L'Homme nu, La Femme spirale, Le Déséquilibriste, L'Esprit, Autrui. On déplace le socle du monde : la scène est divisée en deux, en quatre... Tout passe de cour à jardin, dans le tournoiement du magnétisme animal. Entre les actes, le Bonhomme Nihil glisse des prières dans le mur humain. Au-dehors le monde court à son renouveau.
Cette pièce reprise au Théâtre national de Chaillot du 12 mars au 5 avril 2008, dans une mise en scène de Claude Buchvald, a été écrite par Valère Novarina en 1975 à partir des première et deuxième parties d'Henri IV de Shakespeare et en prenant comme personnage central celui de Falstaff : «non un homme, mais une barrique à figure humaine, sac de toutes les bestialités, boyau gonflé de tous les vices! [...] ce gueux suborneur abominable et bas, ce dindon empiffré de farce jusqu'au col, ce paquet boursouflé de toutes les infamies, ce vieux Satan blanchi, ce fou couvert de rides».
Les textes qui composent cet enregistrement, pièce de théâtre, poèmes, et extraits de recueils, choisis par l'auteur, sont autant de jalons dans cette difficile conquête.
« "L'Incessant" met en présence un homme et une femme qui s'affrontent avec âpreté. Cet homme et cette femme sont en chacun de nous. À certains moments de crise, ils se déchirent, nous harcèlent. Mais la décision qui clôt le débat n'est jamais définitive. À tout instant elle peut être remise en cause. Alors l'affrontement recommence. Maintes et maintes fois. À moins qu'un jour l'homme cède et qu'une seconde naissance l'introduise à une nouvelle vie. » C.J.
Valère Novarina transforme l'écriture théâtrale, il la pousse dans ses derniers retranchements, dans ses nouveaux territoires où naissent et s'épanouissent de nouvelles formes. La Chair de l'homme est un texte constitué de dialogues et de monologues alternés, amples, puissants, spectaculaires. Des multitudes de «personnages», ou une «voix», épuisent la langue, son passé, son présent, son futur : son «histoire». Ce sont des déclamations, des éructations, des étonnements, des colères, des fureurs, des angoisses totales, de la misère, une incroyable richesse de mots, d'images, de sons. Tout cela pour dire la solitude de l'homme, sa bestialité tout autant que son esprit captif, sa pesanteur tout autant que sa gloire, sa grandeur, sa finitude, la viande et l'âme.
L'Équilibre de la Croix, tout comme Le Repas et L'Avant-dernier des hommes, est issu d'un moment de La Chair de l'homme. Ainsi quand il écrit des textes qui ne sont pas directement destinés au théâtre et, aussi, des textes dont la matière est si riche qu'elle peut se décliner à l'infini, Valère Novarina en écrit-il lui même la version scénique. Pour éviter, sans doute, des erreurs d'interprétation. Et très évidemment pour pousser plus loin sa recherche, sa réflexion, son engagement dramatique et littéraire.
Huit employés, tellement privés d'identité qu'ils sont appelés dans la pièce par les lettres de l'alphabet, vivent sous la parfaite domination des époux Boucot. Les patrons sont obsédés par la peur d'une révolte des travailleurs et élaborent divers stratagèmes pour contrôler tous les aspects de leur vie, et principalement le langage. L'Atelier volant est la première pièce de Valère Novarina. Elle a été écrite de février 1968 à novembre 1970 et publiée dan le n° 5 de Travail Théâtral. Elle a été créée en 1974, à Suresnes, dans une mise en scène de Jean-Pierre Sarrazac.
Pourquoi elles sont deux, dans Déplace le ciel? pourquoi la télévision? et les animaux? pourquoi les animaux? pourquoi elles parlent anglais? et pourquoi elles rêvent tout le temps? oui, pourquoi les rêves? Déplace le ciel est une pièce sur l'amour, la recherche de l'amour, le désir et la peur de l'amour, sur la solitude et sur le monde dans lequel nous vivons, et où nous sommes confrontés à une pensée faite de clichés, une pensée télé, c'est une pièce sur la difficulté de dire son expérience sans la rabattre sur des idées reçues et du savoir acquis, c'est une pièce sur le désir de découverte, de nouveau, de départ et de changement, c'est une pièce sur les rêves et le rêve.
Adramélech, à travers son monologue, vient raconter sa vie. La vie de celui à qui on ne donne pas la parole, tandis que les classes dangereuses babillent. Une vie universelle. C'est l'ouvrier, le petit, le sans-grade qui déblatère jusqu'à plus d'air pour témoigner de sa condition. C'est un bonhomme venu nous dire ses colères, ses peines, ses joies, ses questions, ses doutes et ses inquiétudes. Il est l'ambassadeur d'un monde muet ou muselé, et tout à coup, par trop plein d'air, il craque et dit tout, d'une traite, pour se taire à la fin, vidé, essoufflé...
Ceci est un texte de théâtre. Ou plus exactement un texte qui met le théâtre en scène puisque la pièce est aussi une pièce qu'un narrateur très changeant raconte. On ne s'en étonnera pas, l'action se déroule à Brioine, et tout autour, ce lieu mythique et central de la grande entreprise littéraire de Danielle Mémoire : le corpus. Elle s'en donne à coeur joie, jouant comme à l'accoutumée, mais servie au delà du descriptible par le dispositif théâtral, des niveaux de représentation, des illusions et des changements de rôle. L'écriture y est sans doute plus «raisonnable», apparemment, que dans ses autres textes, elle n'en est pas moins inventive et efficace quand il s'agit de prendre le lecteur dans ses rêts invisibles.
Baudelaire disait que la poésie mène à la critique. Ce livre en est une vérification, une de plus. Jacques Dupin y réunit des textes qu'il a écrits sur d'autres écrivains, des poètes principalement. L'originalité de l'ensemble est qu'il fonctionne aussi comme un recueil de poèmes et, de fait, ces textes qui sont indéniablement des textes critiques sont aussi des poèmes. Comme si seule la poésie pouvait parler de la poésie, rendre présent son mystère sans pour autant essayer, vainement, de l'épuiser, sans l'enfouir sous une rhétorique universitaire inopérante. Une autre caractéristique de ce livre est que, si on y rencontre des auteurs et des oeuvres connus et célèbres (Blanchot, Ponge, Char, Jaccottet, Celan, du Bouchet, etc.), on y découvre aussi la curiosité constante et le goût de Jacques Dupin pour les écritures les plus risquées.
Taille 2.
100 % viscose.
Made in Bangladesh.
Lavage 30o.
Repassage doux.
Chlore interdit.
«J'ai voulu écrire cette tragédie comme un long poème en prose, sportif, souple et acéré. Bannir le romantisme de la traduction. J'ai voulu m'attacher à l'étrangeté poétique de ce monde perdu, peuplé de morts, et dans lequel les survivants tentent d'échapper à leur destin. Un roi non-roi, persécuté par sa propre souveraineté, des rivaux aussi féroces qu'aimants, un félon incapable d'assumer le régicide, une jeune reine résistante et dont la parole fait basculer le drame dans le non sense, pas si loin de Lewis Carroll.» Frédéric Boyer.
Au moment même où l'on croit que c'est Jekyll qui parle, c'est peut-être déjà Hyde qu'on entend. C'est cela que raconte ce monologue, comment la voix de Hyde joue des coudes pour se glisser dans celle de Jekyll et pour prendre progressivement toute la place. Comment elle est dans une sorte de sabotage lyrique de la parole de Jekyll. Comment elle la submerge, la rend instable. Derrière Jekyll, il y a toujours Hyde. Et derrière Utterson, l'ami auquel on s'adresse, il y a nous. La partie se joue donc à plusieurs. On a (peut-être) un seul bonhomme sur scène, mais on est beaucoup, beaucoup plus nombreux.
Les amours de Mina de Vanghel, fille d'un général comte prussien vainqueur des armées napoléoniennes, usurpent le pluriel. Mais la seule fois de l'amour, dont elle est une héroïne extrême, en fait une figure de décision et de fermeté fatales que Jacques Jouet admire au point qu'il l'a empruntée à Stendhal, comme Stendhal lui-même affirmait l'avoir empruntée à Adam Oehlenschläger. Du père à la fille se pose aussi la question des conquêtes : «Un peuple a-t-il le droit de changer la manière intime et rationnelle suivant laquelle un autre peuple veut régler son existence matérielle et morale?» (Stendhal), devenant : «Un être a-t-il le droit de changer la manière intime et pas toujours rationnelle suivant laquelle un être différent paraît avoir réglé son existence affective et sexuelle?» Vanghel est une pièce de théâtre en trois actes et une soixantaine de personnages.
Ce livre est plus composé de scènes que de chapitres car il veut approcher quelque chose comme le roman organique de la pensée. La pensée de chacun d'entre nous peut être conçue non seulement comme le drame d'un corps, mais comme un corps dramatique. Quel est le drame de la pensée que chacun d'entre nous porte jusqu'à sa mort tout au fond? Il est sans doute lié à sa respiration même. Ce livre est aussi une suite de gestes. Une mise en mouvement venue d'un toucher. Rien n'est jamais prouvé que par les sens. Le livre est très rimé, assonancé, fuguant, et voudrait édifier quelque chose qui éclôt (qui sort d'enfermement), prouver que l'espace n'est pas devant nous comme un support - un plancher, un plateau - mais qu'il s'ouvre. L'univers est donné. De même que l'acteur ni ne représente ni ne joue ni ne dit, mais donne. «L'esprit respire» était l'un des chapitres de Lumières du corps. Dans L'Envers de l'esprit il devrait être suggéré que l'esprit respire parce qu'il se renverse : et parce qu'il brûle, comme notre respiration qui, toutes les deux minutes, passe un instant par la mort et renaît. Dogmes et systèmes n'ont de sens que s'ils sont inversants, retournants et respirés. Car penser est un drame. S'il y a du système dans les choses spirituelles, il est respiratoire. C'est pourquoi les mots brûlent et c'est pourquoi l'acteur peut être sans cesse observé.
«La poétesse est un livre qu'on peut lire couché, debout ou assis. D'un trait ou par séquences. On peut le feuilleter la bouche pleine. Le résumer hâtivement en disant qu'il tourne autour de la question du sexe des livres. Et de ceux qui les ouvrent. Il y est question du dessin (écriredessiner tout attaché). On y entre dans une littérature accidentée. On y rêve d'une littérature de combat et on y évoque une autre de poubelle. On y rencontre une héroïne qui décide d'étrangler sa soeur jumelle (elle achète une corde mais sa soeur est déjà morte). Pasolini y rappelle qu'il était populiste comme Boulgakov se disait mystique à la cour de Staline. Une femme raconte son goût pour le crabe ou comment on vit quand on découvre qu'on a un cancer du sein. C'est assez simple. Tout travail sur soi-même est un travail sur le langage et par conséquent sur le bien commun. Quelqu'un dit : ma guerre se nourrit d'une guerre, je dois essuyer un féminin terrible. Il y a aussi l'artiste Kara Walker (qui n'est pas Joséphine Baker) et son contre scénario démystifiant la Fable esclavagiste puisque l'oncle Tom n'a plus de case, il est devenu pédophile.»
«Je suis» : les mots les plus usés qui soient. Cette pièce reprend, avec ses trois acteurs, ses trois actrices, plus trois musiciennes et trois machines bruyantes, tout ce qui s'écrit dans Pendant la matière et notamment que la poésie, le théâtre sont là pour rompre notre ensorcellement, pour lutter contre notre capture par les images, en ne représentant plus rien, en nous ouvrant sur la parole qui nous saisit et reste incompréhensible, en nous montrant «ce qui est certain parce que c'est impossible» : la résurrection. C'est la suite de Pendant la matière mais en rapides, en flots de mots, en syncopes, en comique. En vomique de la matière brute chutée brusquement dans des dialogues descendus tout droit de Platon... En un combat de chaque syllabe contre nos perpétuelles idées mécanistes qui toujours se reconstituent. En un combat qui se dit dans l'action, dans la danse, dans le chant des acteurs.