Alexandre Dumas (1802-1870)
Un jeune cadet de Gascogne, pauvre mais rempli d'espoir et d'orgueil, monte à Paris pour devenir mousquetaire et servir le roi... Il fait la connaissance de trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis...
Alexandre Dumas publie en feuilleton, dans le journal "Le siècle", ce joyau du style "cape et épée", inspiré du célèbre Charles de Batz de Castelmore d'Artagnan.
Voici le tome premier (d'après l'édition de 1910).
Marcel Proust (1871-1922)
"Le pépiement matinal des oiseaux semblait insipide à Françoise. Chaque parole des "bonnes" la faisait sursauter ; incommodée par tous leurs pas, elle s'interrogeait sur eux ; c'est que nous avions déménagé..."
Ce troisième opus est celui du changement pour le narrateur qui passe de l'adolescence à l'âge adulte avec toutes les hésitations que cela comporte.
Virginia Woolf (1892-1941)
"Mrs Dalloway dit qu'elle irait acheter les fleurs elle-même.
Lucy avait de l'ouvrage par-dessus la tête. On enlèverait les portes de leurs gonds ; les hommes de Rumpelmayer allaient venir. « Quel matin frais ! pensait Clarissa Dalloway. On dirait qu'on l'a commandé pour des enfants sur une plage. »
Comme on se grise ! comme on plonge ! C'était ainsi jadis à Bourton, lorsque, avec un petit grincement des gonds qu'il lui semblait encore entendre, elle ouvrait toutes grandes les portes-fenêtres et se plongeait dans le plein air. Il était frais, calme et plus tranquille encore que celui-ci, l'air de Bourton au premier matin ; le battement d'une vague, le baiser d'une vague, pur, vif, et même - elle n'avait alors que dix-huit ans - solennel ; debout devant la fenêtre ouverte, elle sentait que quelque chose de merveilleux allait venir ; elle regardait les fleurs, les arbres où la fumée jouait, et les corneilles s'élevant, puis retombant..."
Récit d'une journée d'une Londonienne, Clarissa Dalloway, après la première guerre mondiale. Elle prépare une réception et se pose des questions existentielles : a-t-elle fait le bon choix en se mariant avec Richard ? n'aurait-elle pas dû épouser Peter ? Le retour de Peter à Londres va la replonger dans des anciens souvenirs.
Virginia Woolf nous fait naviguer entre le superficiel et la conscience en dédoublant son héroïne : Mrs Dalloway la femme publique et Clarissa, la femme intérieure.
Roman publié en 1925.
Emile Zola (1840-1902)
"Denise était venue à pied de la gare Saint-Lazare, où un train de Cherbourg l'avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d'un wagon de troisième classe. Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s'arrêta net de surprise.
- Oh ! dit-elle, regarde un peu, Jean !
Et ils restèrent plantés, serrés les uns contre les autres, tout en noir, achevant les vieux vêtements du deuil de leur père. Elle, chétive pour ses vingt ans, l'air pauvre, portait un léger paquet ; tandis que, de l'autre côté, le petit frère, âgé de cinq ans, se pendait à son bras, et que, derrière son épaule, le grand frère, dont les seize ans superbes florissaient, était debout, les mains ballantes.
- Ah bien ! reprit-elle après un silence, en voilà un magasin !"
1864 : Lorsque Denise arrive à Paris, suivie de ses deux jeunes frères, pour travailler chez son oncle, elle est fascinée par le grand magasin "Au bonheur des dames". Selon elle, il représente l'avenir et décide d'y travailler.
Octave Mouret, le patron du magasin, est un innovateur qui a compris les femmes et leur offre un véritable paradis où elles trouvent tout ce qu'elles ont besoin ou croient avoir besoin, à grand coups de charme et de publicité ! Mouret invente la "société de consommation".
Mais la puissance et la réussite du grand magasin "Au bonheur des dames" concurrencent et tuent les petits commerces du quartier, comme celui de l'oncle de Denise.
"Au bonheur des dames" : Un roman qui n'a pas pris une ride et qui aurait pu être écrit de nos jours.
Jules Verne (1828-1905)
« Remontons-nous ?
- Non ! Au contraire ! Nous descendons !
- Pis que cela, monsieur Cyrus ! Nous tombons !
- Pour Dieu ! Jetez du lest !
- Voilà le dernier sac vidé !
- Le ballon se relève-t-il ?
- Non !
- J'entends comme un clapotement de vagues !
- La mer est sous la nacelle !
- Elle ne doit pas être à cinq cents pieds de nous ! »
Alors une voix puissante déchira l'air, et ces mots retentirent :
« Dehors tout ce qui pèse !... tout ! et à la grâce de Dieu ! »
Telles sont les paroles qui éclataient en l'air, au-dessus de ce vaste désert d'eau du Pacifique, vers quatre heures du soir, dans la journée du 23 mars 1865. »
Cinq prisonniers des Sudistes volent un ballon pour s'évader de Richmond, lors de la guerre de Sécession. Pris dans un ouragan, ils se retrouvent prisonniers sur une île déserte. Petit à petit, Cyrus Smith, Gédéon Spilett, Pencroff, Nab et Harbert (sans oublier Top le chien) colonisent l'île malgré les faits étranges qui s'y produisent...
Jules Verne (1828-1905)
"Pendant la guerre fédérale des Etats-Unis, un nouveau club très influent s'établit dans la ville de Baltimore, en plein Maryland. On sait avec quelle énergie l'instinct militaire se développa chez ce peuple d'armateurs, de marchands et de mécaniciens..."
La guerre de sécession est terminée. Les bouillants membres du "Gun Club", association de créateurs de canons et de boulets, s'ennuient. Aussi leur président, Barbicane, décide d'envoyer un boulet sur la Lune...
"De la Terre à la Lune", paru en 1865, est devenu une référence de la science-fiction.
Jules Verne, quatre ans plus tard écrivit une suite : "Autour de la Lune".
Honoré de Balzac (1799-1850)
"En octobre 1827, à l'aube, un jeune homme âgé d'environ seize ans et dont la mise annonçait ce que la phraséologie moderne appelle si insolemment un prolétaire, s'arrêta sur une petite place qui se trouve dans le bas Provins. À cette heure, il put examiner sans être observé les différentes maisons situées sur cette place qui forme un carré long. Les moulins assis sur les rivières de Provins allaient déjà. Leur bruit répété par les échos de la haute ville, en harmonie avec l'air vif, avec les pimpantes clartés du matin, accusait la profondeur du silence qui permettait d'entendre les ferrailles d'une diligence, à une lieue, sur la grande route. Les deux plus longues lignes de maisons séparées par un couvert de tilleuls offrent des constructions naïves où se révèle l'existence paisible et définie des bourgeois. En cet endroit, nulle trace de commerce. À peine y voyait-on alors les luxueuses portes cochères des gens riches ! s'il y en avait, elles tournaient rarement sur leurs gonds, excepté celle de monsieur Martener, un médecin obligé d'avoir son cabriolet et de s'en servir. Quelques façades étaient ornées d'un cordon de vigne, d'autres de rosiers à haute tige qui montaient jusqu'au premier étage où leurs fleurs parfumaient les croisées de leurs grosses touffes clairsemées. Un bout de cette place arrive presque à la grande rue de la basse ville. L'autre bout est barré par une rue parallèle à cette grande rue et dont les jardins s'étendent sur une des deux rivières qui arrosent la vallée de Provins."
A Provins, Jérôme Rogron et sa soeur Sylvie, deux retraités célibataires, recueillent par intérêt une jeune cousine lointaine que ses grands-parents ne peuvent plus garder : Pierrette Lorrain. L'enfant devient vite le souffre-douleur de Sylvie...
George Sand (1804-1876)
"Par une soirée d'automne pluvieuse et fraîche, trois personnes rêveuses étaient gravement occupées, au fond d'un petit castel de la Brie, à regarder brûler les tisons du foyer et cheminer lentement l'aiguille de la pendule..."
Une jeune femme mariée à un ancien colonel de l'empire passe sa vie ennuyeuse et triste entre son mari, son cousin et sa femme de chambre. Mais l'arrivée d'un jeune et beau voisin va bouleverser tout ce petit monde...
Indiana, une histoire de sentiments dans laquelle le coeur est malmené par ses propres faiblesses, ses violences, ses maux...
C'est le premier roman d'Aurore Dupin publié sous le pseudonyme : George Sand.
Charles Dickens (1812-1870)
"Inutile de préciser la date ; mais de nos jours, vers la fin d'une soirée d'automne, un bateau fangeux et d'aspect équivoque flottait sur la Tamise entre le pont de Southwark, qui est en fonte, et le pont de Londres, qui est en pierre.
Deux personnes étaient dans ce bateau : un homme vigoureux, à cheveux gris et en désordre, au teint bronzé par le soleil, et une jeune fille de dix-neuf à vingt ans qui lui ressemblait assez pour que l'on reconnût qu'il était son père.
La jeune fille ramait, et maniait ses avirons avec une grande aisance. L'homme aux cheveux gris, les cordes lâches du gouvernail entre les mains, et les mains dans la ceinture, fouillait la rivière d'un oeil avide. Il n'avait pas de filet, pas d'hameçons, pas de ligne ; ce ne pouvait pas être un pêcheur. Ce n'était pas non plus un batelier ; son bateau n'offrait ni inscription, ni peinture, ni siège où un passager pût s'asseoir ; nul autre objet qu'un rouleau de corde, plus une gaffe couverte de rouille ; et ce bateau n'était ni assez grand, ni assez solide pour servir au transport des marchandises.
Rien dans cet homme, ni dans son entourage, ne laissait deviner ce qu'il cherchait ; mais il cherchait quelque chose, et du regard le plus attentif. Depuis une heure que la marée descendait, le moindre courant, la moindre ride qui se produisait sur sa large nappe, était guettée par l'homme, tandis que le bateau présentait au reflux soit la proue, soit la poupe, suivant la direction que lui imprimait la fille sur un signe de tête du père."
Un corps est repêché dans la Tamise par Gaffer. Ce n'est pas un accident : l'homme a été assassiné. Il s'agit d'un certain John Harmon venu à Londres régler la succession de son père...
Premier tome.
Alexandre Dumas (1802-1870)
"Vers la fin de l'année 1834, nous étions réunis un samedi soir dans un petit salon attenant à la salle d'armes de Grisier, écoutant, le fleuret à la main et le cigare à la bouche, les savantes théories de notre professeur, interrompues de temps en temps par des anecdotes à l'appui, lorsque la porte s'ouvrit et qu'Alfred de Nerval entra.
Ceux qui ont lu mon Voyage en Suisse se rappelleront peut-être ce jeune homme qui servait de cavalier à une femme mystérieuse et voilée qui m'était apparue pour la première fois à Fluélen, lorsque je courais avec Francesco pour rejoindre la barque qui devait nous conduire à la pierre de Guillaume Tell : ils n'auront point oublié alors que, loin de m'attendre, Alfred de Nerval, que j'espérais avoir pour compagnon de voyage, avait hâté le départ des bateliers, et, quittant la rive au moment où j'en étais encore éloigné de trois cents pas, m'avait fait de la main un signe, à la fois d'adieu et d'amitié, que je traduisis par ces mots : « Pardon, cher ami, j'aurais grand plaisir à te revoir, mais je ne suis pas seul, et... » À ceci j'avais répondu par un autre signe qui voulait dire : « Je comprends parfaitement. » Et je m'étais arrêté et incliné en marque d'obéissance à cette décision, si sévère qu'elle me parût ; de sorte que, faute de barque et de bateliers, ce ne fut que le lendemain que je pus partir ; de retour à l'hôtel, j'avais alors demandé si l'on connaissait cette femme, et l'on m'avait répondu que tout ce qu'on savait d'elle, c'est qu'elle paraissait fort souffrante et qu'elle s'appelait Pauline."
Alfred de Nerval raconte au narrateur la sombre histoire de Pauline de Meulien dont il a toujours été amoureux même si celle-ci se marie au mystérieux Horace de Beuzeval.
A son retour d'Angleterre, pour se protéger d'un orage, Alfred de Nerval se réfugie dans une abbaye en ruine...
Jules Verne (1828-1905)
"Pendant la nuit du 9 mars 1860, les nuages, se confondant avec la mer, limitaient à quelques brasses la portée de la vue.
Sur cette mer démontée, dont les lames déferlaient en projetant des lueurs livides, un léger bâtiment fuyait presque à sec de toile.
C'était un yacht de cent tonneaux - un schooner -, nom que portent les goélettes en Angleterre et en Amérique.
Ce schooner se nommait le Sloughi, et vainement eût-on cherché à lire ce nom sur son tableau d'arrière, qu'un accident - coup de mer ou collision - avait en partie arraché au-dessous du couronnement.
Il était onze heures du soir. Sous cette latitude, au commencement du mois de mars, les nuits sont courtes encore. Les premières blancheurs du jour ne devaient apparaître que vers cinq heures du matin. Mais les dangers qui menaçaient le Sloughi seraient-ils moins grands lorsque le soleil éclairerait l'espace ? Le frêle bâtiment ne resterait-il pas toujours à la merci des lames ? Assurément, et l'apaisement de la houle, l'accalmie de la rafale, pouvaient seuls le sauver du plus affreux des naufrages, - celui qui se produit en plein Océan, loin de toute terre sur laquelle les survivants trouveraient le salut peut-être !
À l'arrière du Sloughi, trois jeunes garçons, âgés l'un de quatorze ans, les deux autres de treize, plus un mousse d'une douzaine d'années, de race nègre, étaient postés à la roue du gouvernail. Là, ils réunissaient leurs forces pour parer aux embardées qui risquaient de jeter le yacht en travers. Rude besogne, car la roue, tournant malgré eux, aurait pu les lancer par-dessus les bastingages. Et même, un peu avant minuit, un tel paquet de mer s'abattit sur le flanc du yacht que ce fut miracle s'il ne fut pas démonté de son gouvernail.
Les enfants, qui avaient été renversés du coup, purent se relever presque aussitôt."
1860 : En Nouvelle-Zélande, 14 élèves de la pension Chairman, âgés de 8 à 14 ans, s'apprêtent à participer à une croisière sur le "Sloughi". La nuit précédant le départ, les enfants dorment seuls à bord mais les amarres du bateau sont mystérieusement rompues...
Honoré de Balzac (1799-1850)
"Vers trois heures de l'après-midi, dans le mois d'octobre de l'année 1844, un homme âgé d'une soixantaine d'années, mais à qui tout le monde eût donné plus que cet âge, allait le long du boulevard des Italiens, le nez à la piste, les lèvres papelardes, comme un négociant qui vient de conclure une excellente affaire, ou comme un garçon content de lui-même au sortir d'un boudoir. C'est à Paris la plus grande expression connue de la satisfaction personnelle chez l'homme. En apercevant de loin ce vieillard, les personnes qui sont là tous les jours assises sur des chaises, livrées au plaisir d'analyser les passants, laissaient toutes poindre dans leurs physionomies ce sourire particulier aux gens de Paris, et qui dit tant de choses ironiques, moqueuses ou compatissantes, mais qui, pour animer le visage du Parisien, blasé sur tous les spectacles possibles, exigent de hautes curiosités vivantes. Un mot fera comprendre et la valeur archéologique de ce bonhomme et la raison du sourire qui se répétait comme un écho dans tous les yeux. On demandait à Hyacinthe, un acteur célèbre par ses saillies, où il faisait faire les chapeaux à la vue desquels la salle pouffe de rire : « - Je ne les fais point faire, je les garde ? » répondit-il. Eh bien ! il se rencontre dans le million d'acteurs qui composent la grande troupe de Paris, des Hyacinthes sans le savoir qui gardent sur eux tous les ridicules d'un temps, et qui vous apparaissent comme la personnification de toute une époque pour vous arracher une bouffée de gaieté quand vous vous promenez en dévorant quelque chagrin amer causé par la trahison d'un ex-ami.
En conservant dans quelques détails de sa mise une fidélité quand même aux modes de l'an 1806, ce passant rappelait l'Empire sans être par trop caricature..."
Le musicien Sylvain Pons vit presque pauvrement avec son unique ami Schmucke, un musicien allemand. Mais le "cousin Pons" possède une collection de tableaux et d'objets qui vaut beaucoup d'argent... Son peu de famille, qui le considère comme un vulgaire pique-assiette, est prêt à tout pour être couché sur le testament car le "cousin Pons" est malade... La concierge qui s'occupe du vieux musicien et de son ami n'est pas non plus désintéressée...
Jules Verne
(1828-1905
"
Il y avait une grande affluence d'auditeurs, le 14 janvier 1862, à la séance de la Société royale géographique de Londres, Waterloo place, 3. Le président, sir Francis M..., faisait à ses honorables collègues une importante communication dans un discours fréquemment interrompu par les applaudissements...
Le docteur Fergusson, avec son ami Dick et Joe son serviteur, décide de survoler l'Afrique au moyen d'un aérostat... afin de réussir là où les explorateurs précédents ont échoué par la voie terrestre.
Cinq semaines ! c'est le temps que le docteur Fergusson se donne pour cette traversée qui sera remplie, à n'en pas douter, de nombreuses péripéties !
Première parution : 1862.
Jules Verne (1828-1905)
"Trieste, la capitale de l'Illyrie, se divise en deux villes très dissemblables : une ville neuve et riche, Theresienstadt, correctement bâtie au bord de cette baie sur laquelle l'homme a conquis son sous-sol ; une ville vieille et pauvre irrégulièrement construite, resserrée entre le Corso, qui la sépare de la première, et les pentes de la colline du Karst, dont le sommet est couronné par une citadelle d'aspect pittoresque.
Le port de Trieste est couvert par le môle de San-Carlo, près duquel mouillent de préférence les navires du commerce. Là se forment volontiers, et, parfois, en nombre inquiétant, des groupes de ces bohèmes, sans feu ni lieu, dont les habits, pantalons, gilets ou vestes, pourraient se passer de poches, car leurs propriétaires n'ont jamais rien eu, et vraisemblablement n'auront jamais rien à y mettre. Cependant, ce jour-là, 18 mai 1867, peut-être eût-on remarqué, au milieu de ces nomades, deux personnages un peu mieux vêtus. Qu'ils dussent jamais être embarrassés de florins ou de kreutzers, c'était peu probable, à moins que la chance ne tournât en leur faveur. Ils étaient gens, il est vrai, à tout faire pour lui imprimer un tour favorable.
L'un s'appelait Sarcany et se disait Tripolitain. L'autre, Sicilien, se nommait Zirone. Tous deux, après l'avoir parcouru pour la dixième fois, venaient de s'arrêter à l'extrémité du môle. De là, ils regardaient l'horizon de mer, à l'ouest du golfe de Trieste, comme s'il eût dû apparaître au large un navire qui portât leur fortune !
"Quelle heure est-il ?" demanda Zirone, dans cette langue italienne, que son compagnon parlait aussi couramment que les autres idiomes de la Méditerranée.
Sarcany ne répondit pas.
"Eh ! suis-je assez sot ! s'écria le Sicilien. N'est-il pas l'heure à laquelle on a faim, quand on a oublié de déjeuner !"
Deux misérables coquins, Sarcany et Zirone, tuent un pigeon pour le manger ; or le volatile est porteur d'un message crypté... Les deux hommes sont persuadés qu'il s'agit d'un message lié à un complot hongrois contre le joug autrichien...
Alexandre Dumas (1802-1870)
"Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois-mâts le Pharaon, venant de Smyrne, Trieste et Naples.
Comme d'habitude, un pilote côtier partit aussitôt du port, rasa le château d'If, et alla aborder le navire entre le cap de Morgion et l'île de Rion.
Aussitôt, comme d'habitude encore, la plate-forme du fort Saint-Jean s'était couverte de curieux ; car c'est toujours une grande affaire à Marseille que l'arrivée d'un bâtiment, surtout quand ce bâtiment, comme le Pharaon, a été construit, gréé, arrimé sur les chantiers de la vieille Phocée, et appartient à un armateur de la ville.
Cependant ce bâtiment s'avançait ; il avait heureusement franchi le détroit que quelque secousse volcanique a creusé entre l'île de Calasareigne et l'île de Jaros ; il avait doublé Pomègue, et il s'avançait sous ses trois huniers, son grand foc et sa brigantine, mais si lentement et d'une allure si triste, que les curieux, avec cet instinct qui pressent un malheur, se demandaient quel accident pouvait être arrivé à bord."
Le jeune Edmond Dantès a tout pour être heureux : un père aimant, un patron qui lui donne sa confiance et un mariage en vue avec Mercédès... Malheureusement il fait des jaloux autour de lui ; le jour de ses noces, il est arrêté...
Tome I
Honoré de Balzac (1799-1850)
"Vers le milieu du mois de juillet de l'année 1838, une de ces voitures nouvellement mises en circulation sur les places de Paris et nommées des milords, cheminait, rue de l'Université, portant un gros homme de taille moyenne, en uniforme de capitaine de la garde nationale.
Dans le nombre de ces Parisiens accusés d'être si spirituels, il s'en trouve qui se croient infiniment mieux en uniforme que dans leurs habits ordinaires, et qui supposent chez les femmes des goûts assez dépravés pour imaginer qu'elles seront favorablement impressionnées à l'aspect d'un bonnet à poil et par le harnais militaire.
La physionomie de ce capitaine appartenant à la deuxième légion respirait un contentement de lui-même qui faisait resplendir son teint rougeaud et sa figure passablement joufflue. À cette auréole que la richesse acquise dans le commerce met au front des boutiquiers retirés, on devinait l'un des élus de Paris, au moins ancien adjoint de son arrondissement. Aussi, croyez que le ruban de la Légion-d'Honneur ne manquait pas sur la poitrine, crânement bombée à la prussienne. Campé fièrement dans le coin du milord, cet homme décoré laissait errer son regard sur les passants qui souvent, à Paris, recueillent ainsi d'agréables sourires adressés à de beaux yeux absents.
Le milord arrêta dans la partie de la rue comprise entre la rue de Bellechasse et la rue de Bourgogne, à la porte d'une grande maison nouvellement bâtie sur une portion de la cour d'un vieil hôtel à jardin. On avait respecté l'hôtel qui demeurait dans sa forme primitive au fond de la cour diminuée de moitié."
Lisbeth Fisher, vieille fille aigrie, s'acharne à détruire la famille de sa cousine Adeline Hulot, par jalousie...
Adolphe, jeune bourgeois désoeuvré, séduit la maîtresse du comte de P***, Ellénore, qui en devient follement amoureuse. Malheureusement, Adolphe est trop faible pour rompre cette passion vouée à l'échec, une passion qui va faire d'eux des victimes, chacun différemment : Ellénore, victime de son aveuglement amoureux qui lui fait oublier ses vrais devoirs et Adolphe, victime de sa propre faiblesse et de sa culpabilité dans la déchéance d'Ellénore.
Benjamin Constant traite l'histoire comme s'il n'en était pas l'auteur... un cahier oublié sur une route italienne...
"Adolphe" est le seul roman achevé de l'auteur. Un petit chef-d'oeuvre de la littérature romantique.
Walter Scott (1771-1832)
"Dans cet heureux district de la riche Angleterre, baigné par le Don, s'étendait jadis une forêt vaste qui couvrait la plus grande partie des belles montagnes et des vallées assises entre l'industrieuse Sheffield et la riante Doncaster. On voit encore des restes de cette forêt dans les superbes domaines de Wentworth, de Warncliffe-Park, et dans les environs de Rotherham. C'est là que le fameux dragon de Wantley exerçait ses ravages ; là, se livrèrent la plupart des sanglantes batailles qu'amenèrent les guerres civiles de la rose rouge et de la rose blanche ; là encore fleurirent, dans les anciens temps, ces bandes de valeureux Outlaws ou proscrits dont les exploits sont devenus si populaires dans les ballades anglaises.
Tel est le lieu de la scène principale de notre histoire, dont la date se reporte à la fin du règne de Richard Ier, époque où le retour de ce prince, retenu captif, était devenu un événement désiré plutôt qu'espéré de ses sujets, que la désolation paraissait accabler, et qui étaient assujétis à tous les genres de tyrannie subalterne. Les nobles, dont le pouvoir avait fini par être exorbitant sous le règne d'Étienne, et que la prudence de Henri II eut tant de peine de réduire à un degré apparent de soumission à la couronne, avaient repris leur vieille licence avec une effrayante étendue, méprisant la faible intervention du conseil d'état anglais, fortifiant leurs châteaux, augmentant le nombre de leurs serfs, réduisant tout ce qui les entourait à un état de vassselage, et essayant, par tous les moyens possibles, de se mettre chacun à la tête de forces suffisantes pour jouer quelque rôle dans les convulsions terribles qui semblaient menacer le pays."
A la fin du XIIe siècle, le prince Jean, profitant que son frère le roi Richard Coeur de Lion est retenu prisonnier en Autriche, s'est emparé du trône d'Angleterre. Les nobles saxons s'opposent aux Normands. Cédric le Saxon accueille des visiteurs : le prieur Aymer, le templier Brian de Bois-Guilbert, un juif du nom d'Isaac d'York et un mystérieux pèlerin...
Voltaire (1694-1778)
L'Ingénu :
"Un jour saint Dunstan, Irlandais de nation et saint de profession, partit d'Irlande sur une petite montagne qui vogua vers les côtes de France, et arriva par cette voiture à la baie de Saint-Malo. Quand il fut à bord, il donna la bénédiction à sa montagne, qui lui fit de profondes révérences, et s'en retourna en Irlande par le même chemin qu'elle était venue.
Dunstan fonda un petit prieuré dans ces quartiers-là, et lui donna le nom de prieuré de la Montagne, qu'il porte encore, comme un chacun sait."
Micromégas :
"Dans une de ces planètes qui tournent autour de l'étoile nommée Sirius, il y avait un jeune homme de beaucoup d'esprit, que j'ai eu l'honneur de connaître dans le dernier voyage qu'il fit sur notre petite fourmilière ; il s'appelait Micromégas, nom qui convient fort à tous les grands. Il avait huit lieues de haut : j'entends, par huit lieues, vingt-quatre mille pas géométriques de cinq pieds chacun."
Contes philosophiques
Emile Zola (1840-1902)
"Onze heures venaient de sonner à la Bourse, lorsque Saccard entra chez Champeaux, dans la salle blanc et or, dont les deux hautes fenêtres donnent sur la place. D'un coup d'oeil, il parcourut les rangs de petites tables, où les convives affamés se serraient coude à coude ; et il parut surpris de ne pas voir le visage qu'il cherchait.
Comme, dans la bousculade du service, un garçon passait, chargé de plats :
- Dites donc, M. Huret n'est pas venu ?
- Non, monsieur, pas encore.
Alors, Saccard se décida, s'assit à une table que quittait un client, dans l'embrasure d'une des fenêtres. Il se croyait en retard ; et, tandis qu'on changeait la serviette, ses regards se portèrent au-dehors, épiant les passants du trottoir. Même, lorsque le couvert fut rétabli, il ne commanda pas tout de suite, il demeura un moment les yeux sur la place, toute gaie de cette claire journée des premiers jours de mai. A cette heure où le monde déjeunait, elle était presque vide : sous les marronniers, d'une verdure tendre et neuve, les bancs restaient inoccupés ; le long de la grille, à la station des voitures, la file des fiacres s'allongeait, d'un bout à l'autre ; et l'omnibus de la Bastille s'arrêtait au bureau, à l'angle du jardin, sans laisser ni prendre de voyageurs. Le soleil tombait d'aplomb, le monument en était baigné, avec sa colonnade, ses deux statues, son vaste perron, en haut duquel il n'y avait encore que l'armée des chaises, en bon ordre."
Saccard, le frère du ministre Rougon, après une suite de mauvaises affaires, repart à zéro et ambitionne d'être le maître de la finance : Tous les moyens sont bons.
Bienvenue au royaume de la spéculation.
"L'argent" est le 18e volume de la saga des Rougon-Macquart.
George Sand (1804-1876)
"Sur les confins de la Marche et du Berry, dans le pays qu'on appelle la Varenne, et qui n'est qu'une vaste lande coupée de bois de chênes et de châtaigniers, on trouve, au plus fourré et au plus désert de la contrée, un petit château en ruine, tapi dans un ravin, et dont on ne découvre les tourelles ébréchées qu'à environ cent pas de la herse principale. Les arbres séculaires qui l'entourent et les roches éparses qui le dominent l'ensevelissent dans une perpétuelle obscurité, et c'est tout au plus si, en plein midi, on peut franchir le sentier abandonné qui y mène, sans se heurter contre les troncs noueux et les décombres qui l'obstruent à chaque pas. Ce sombre ravin et ce triste castel, c'est la Roche-Mauprat.
Il n'y a pas longtemps que le dernier des Mauprat, à qui cette propriété tomba en héritage, en fit enlever la toiture et vendre tous les bois de charpente ; puis, comme s'il eût voulu donner un soufflet à la mémoire de ses ancêtres, il fit jeter à terre le portail, éventrer la tour du nord, fendre du haut en bas le mur d'enceinte, et partit avec ses ouvriers, secouant la poussière de ses pieds, et abandonnant son domaine aux renards, aux orfraies et aux vipères. Depuis ce temps, quand les bûcherons et les charbonniers qui habitent les huttes éparses aux environs passent dans la journée sur le haut du ravin de la Roche-Mauprat, ils sifflent d'un air arrogant ou envoient à ces ruines quelque énergique malédiction ; mais, quand le jour baisse et que l'engoulevent commence à glapir du haut des meurtrières, bûcherons et charbonniers passent en silence, pressant le pas, et, de temps en temps, font un signe de croix pour conjurer les mauvais esprits qui règnent sur ces ruines."
Le Berry au XVIIIe siècle : les Mauprat, famille seigneuriale du Berry, sont scindés en deux branches diamétralement opposées : Les Mauprat "coupe-jarrets", la branche aînée, véritable bande de hors-la-loi et les Mauprat "casse-tête", la branche cadette qui cultive la sagesse et la bonté. Bernard, le petit-fils des Mauprat "coupe-jarret" sauve sa cousine Edmée, l'héritière des Mauprat "casse-tête", des violences de son grand-père et de ses oncles. Bernard devient amoureux d'Edmée...
Les idées de Jean-Jacques Rousseau arriveront-elles à rendre meilleur Bernard ?
"Mauprat" oppose le socialisme au féodalisme, la bonté à la cruauté.
Emile Zola (1840-1902)
" Rue Neuve-Saint-Augustin, un embarras de voitures arrêta le fiacre chargé de trois malles, qui amenait Octave de la gare de Lyon. Le jeune homme baissa la glace d'une portière, malgré le froid déjà vif de cette sombre après-midi de novembre. Il restait surpris de la brusque tombée du jour, dans ce quartier aux rues étranglées, toutes grouillantes de foule. Les jurons des cochers tapant sur les chevaux qui s'ébrouaient, les coudoiements sans fin des trottoirs, la file pressée des boutiques débordantes de commis et de clients, l'étourdissaient ; car, s'il avait rêvé Paris plus propre, il ne l'espérait pas d'un commerce aussi âpre, il le sentait publiquement ouvert aux appétits des gaillards solides."
"Pot-bouille" est un synonyme de "popote" ou "tambouille". Emile Zola nous invite dans un immeuble bourgeois "bien comme il faut" mais il nous montre l'envers du décor : un sacré pot-bouille... gaz et hypocrisie à tous les étages !
Un roman avec un sujet encore d'actualité ?
Jules Verne (1828-1905)
"Il y a deux chances de ne jamais revoir les amis dont on se sépare pour un long voyage : ceux qui restent peuvent ne se plus retrouver au retour ; ceux qui partent peuvent ne plus revenir. Mais ils ne se préoccupaient guère de cette éventualité, les marins qui faisaient leurs préparatifs d'appareillage à bord du Franklin, dans la matinée du 15 mars 1875.
Ce jour-là, le Franklin, capitaine John Branican, était sur le point de quitter le port de San-Diégo (Californie) pour une navigation à travers les mers septentrionales du Pacifique.
Un joli navire, de neuf cents tonneaux, ce Franklin, gréé en trois-mâts-goélette, largement voilé de brigantines, focs et flèches, hunier et perroquet à son mât de misaine. Très relevé de ses fayons d'arrière, légèrement rentré de ses oeuvres vives, avec son avant disposé pour couper l'eau sous un angle très fin, sa mâture un peu inclinée et d'un parallélisme rigoureux, son gréement de fils galvanisés, aussi raide que s'il eût été fait de barres métalliques, il offrait le type le plus moderne de ces élégants clippers, dont le Nord-Amérique se sert avec tant d'avantage pour le grand commerce, et qui luttent de vitesse avec les meilleurs steamers de sa flotte marchande.
Le Franklin était à la fois si parfaitement construit et si intrépidement commandé que pas un homme de son équipage n'eût accepté d'embarquer sur un autre bâtiment - même avec l'assurance d'obtenir une plus haute paye. Tous partaient, le coeur plein de cette double confiance, qui s'appuie sur un bon navire et sur un bon capitaine.
Le Franklin était à la veille d'entreprendre son premier voyage au long cours pour le compte de la maison William H. Andrew, de San-Diégo. Il devait se rendre à Calcutta par Singapore, avec un chargement de marchandises fabriquées en Amérique, et rapporter une cargaison des productions de l'Inde, à destination de l'un des ports du littoral californien."
John Branican, commandant du "Franklin", laisse son épouse Dolly et son jeune fils Watt à San Diego, pour effectuer un voyage jusqu'aux Indes. Lors d'une traversée du port, mistress Branican tombe à l'eau avec Watt.. Ainsi débute une série de tragédies qui va la mener de l'Amérique aux déserts d'Australie, au fil des années...
Honoré de Balzac (1799-1850)
"Beaucoup de personnes ont dû rencontrer dans certaines provinces de France plus ou moins de chevaliers de Valois, car il en existait un en Normandie, il s'en trouvait un autre à Bourges, un troisième florissait en 1816 dans la ville d'Alençon, peut-être le Midi possédait-il le sien. Mais le dénombrement de cette tribu valésienne est ici sans importance. Tous ces chevaliers, parmi lesquels il en est sans doute qui sont Valois comme Louis XIV était Bourbon, se connaissaient si peu entre eux, qu'il ne fallait point leur parler des uns aux autres ; tous laissaient d'ailleurs les Bourbons en parfaite tranquillité sur le trône de France, car il est un peu trop avéré que Henri IV devint roi faute d'un héritier mâle dans la première branche d'Orléans, dite de Valois. S'il existe des Valois, ils proviennent de Charles de Valois, duc d'Angoulême, fils de Charles IX et de Marie Touchet, de qui la postérité mâle s'est également éteinte, jusqu'à preuve contraire. Aussi ne fut-ce jamais sérieusement que l'on prétendit donner cette illustre origine au mari de la fameuse Lamothe-Valois, impliquée dans l'affaire du collier.
Chacun de ces chevaliers, si les renseignements sont exacts, fut, comme celui d'Alençon, un vieux gentilhomme, long, sec et sans fortune. Celui de Bourges avait émigré, celui de Touraine s'était caché, celui d'Alençon avait guerroyé dans la Vendée et quelque peu chouanné. La majeure partie de la jeunesse de ce dernier s'était passée à Paris, où la Révolution le surprit à trente ans au milieu de ses conquêtes. Accepté par la haute aristocratie de la province pour un vrai Valois, le chevalier de Valois d'Alençon avait, comme ses homonymes, d'excellentes manières et paraissait homme de haute compagnie. Quant à ses moeurs publiques, il avait l'habitude de ne jamais dîner chez lui ; il jouait tous les soirs, et s'était fait prendre pour un homme très spirituel. Son principal défaut consistait à raconter une foule d'anecdotes sur le règne de Louis XV et sur les commencements de la Révolution ; et les personnes qui les entendaient la première fois les trouvaient assez bien narrées."
Alençon, 1816. Rose Cormon est une vieille fille qui espère encore trouver le mari digne de son rang et de sa fortune. Deux prétendants lui font la cour : le chevalier de Valois, royaliste distingué, et M. du Bousquier, républicain assez vulgaire...