L'action d'Ulysse se passe en un jour, à Dublin, en 1904. Le personnage d'Ulysse est un petit employé juif, Leopold Bloom ; Stephen Dedalus, jeune Irlandais poète, est Télémaque ; Marion, femme de Bloom et qui le trompe, est Pénélope. Rien n'arrive d'extraordinaire au cours de cette journée. Bloom et Dedalus errent dans la ville, vaquant à leurs affaires, et se retrouvent le soir dans un bordel. Chaque épisode correspond à un épisode de L'Odyssée.
Mais la parodie débouche sur une mise en cause du monde moderne à une époque de muflisme. Joyce exprime l'universel par le particulier. Bloom, Dedalus, Marion sont des archétypes. Toute la vie, la naissance et la mort, la recherche du père (Dedalus est aussi Hamlet), celle du fils (Bloom a perdu un fils jeune), toute l'histoire sont contenues en un seul jour. C'est à Rabelais, à Swift que l'on peut comparer l'art de Joyce qui a écrit, dans Ulysse, la grande ouvre épique et satirique de notre temps.
En 1928, Virginia Woolf nous présente un héros dont la vie s'étend du milieu du XVIe siècle jusqu'à nos jours et qui change de sexe à mi-parcours. Sa vie de poète commence à l'époque élisabéthaine, passe par Constantinople où il est ambassadeur. Il change de sexe au XVIIIe siècle et devient bohémienne, s'habitue à sa condition de femme et traverse l'époque victorienne, puis atterrit dans les années vingt, où, redevenu écrivain, Orlando est à la recherche du sens du temps
Après la publication en 1907 de poésies de jeunesse, James Joyce publie en 1914 un recueil de nouvelles commencé dès 1902. Il s'agit de Dublinois. Quelle surprise pour les lecteurs de découvrir ces quinze nouvelles, si sages, si classiques, si claires.
Dans ce livre, Joyce décrit, avec un sens profond de l'observation, les moeurs de la bourgeoisie irlandaise, l'atmosphère trouble et le destin tragique de la société de l'époque. Les thèmes favoris de Joyce, l'enfance, l'adolescence, la maturité, la vie publique sont ici incarnés par divers types d'habitants de Dublin, « ce cher et malpropre Dublin » que Joyce aimait tant.
C'est le premier succès achevé de joyce, terminé vers 1914.
Roman autobiographique, l'auteur y raconte son enfance et sa jeunesse à dublin, son éducation chez les jésuites, ses révoltes contre ces mondes clos, sa libération par la vocation artistique (d'où le titre). le style va du réalisme brutal à la plus grande poésie, de l'ironie à l'émotion. joyce y donne une clarté - ce sont deux ouvrages ultérieurs, ulysse et finnegans wake, qui passent pour obscurs - sa vision du réel et de l'imaginaire.
Ce roman de formation, document capital sur joyce, est aussi un grand livre.
Cette édition propose, dans des traductions pour la plupart nouvelles, tous les livres de fiction publiés par Woolf ou, pour Entre les actes, au lendemain de sa mort : dix romans, et un recueil de nouvelles, Lundi ou mardi, qui n'avait jamais été traduit dans notre langue en l'état. S'y ajoutent les nouvelles publiées par l'auteur mais jamais rassemblées par elle, ainsi qu'un large choix de nouvelles demeurées inédites de son vivant. Les nouvelles éparses qui présentent un lien génétique ou thématique avec un roman sont réunies dans une section Autour placée à la suite de ce roman. On trouvera ainsi, Autour de «Mrs. Dalloway», un ensemble de textes dans lequel Woolf voyait «un couloir menant de Mrs. Dalloway à un nouveau livre» ; ce «nouveau livre» sera un nouveau chef-d'oeuvre, Vers le Phare.
Romans et nouvelles, donc, mais ces termes ne s'emploient ici que par convention. Woolf en avait conscience : «Je crois bien que je vais inventer un nouveau nom pour mes livres, pour remplacer «roman». Un nouveau ... de Virginia Woolf. Mais quoi? Élégie?» L'élégie, qui a partie liée avec la mort, est une forme poétique, et le roman, chez Woolf, emprunte en effet à la poésie («Il aura une part de l'exaltation de la poésie»), aussi bien qu'à l'essai et au théâtre («Il sera dramatique»), jusqu'à un certain point («mais ce ne sera pas du théâtre»). Play-poem, «poème dramatique», qualifiera Les Vagues ; essay-novel, «roman-essai», désigne Les Années ; Flush et Orlando partagent la même indication de genre: a Biography, ce qui ne dit à peu près rien de ces deux livres, mais confirme qu'il faut ici renoncer aux catégories reçues et, plus largement, considérer d'un oeil neuf tout ce qui semblait définir le romanesque: «Le récit peut-être vacillera; l'intrigue peut-être s'écroulera; les personnages peut-être s'effondreront. Il sera peut-être nécessaire d'élargir l'idée que nous nous faisons du roman.» Élargir : rompre avec la continuité chronologique, en finir avec l'hégémonie de la représentation, faire du vécu subjectif de la conscience la véritable matière du roman. Woolf le reconnaissait, elle n'avait pas le don de la réalité: «J'immatérialise le propos...» Il s'agissait moins pour elle de bâtir des intrigues que d'isoler des «moments d'être», déchirures éclairantes dans l'obscur tissu d'une existence, témoignant «qu'une chose réelle existe derrière les apparences». «Je rends [cette chose] réelle en la mettant dans des mots. Ce sont mes mots et eux seuls qui lui donnent son intégrité; et cette intégrité signifie qu'elle a perdu le pouvoir de me faire souffrir.»
Ceux qui venaient de recevoir, en lisant Ulysse, le choc de la révélation d'une oeuvre géniale demeurèrent stupéfaits à la lecture de ces quinze nouvelles, si sages, si classiques, si claires. Ce n'était point encore "le flux de la conscience" mais l'exploration intérieure de thèmes et de personnages chers à Joyce, en un livre qui résume les stades de la vie individuelle et collective de la cité de Dublin : l'enfance, l'adolescence, la maturité et la vie publique. Joyce mit plus de sept ans (de 1907 à 1914) pour convaincre les censeurs anglais que les précisions sexielles d' "Une rencontre" et des "Deux galants", ou que l'hommage à Parnell dans "On se réunira le 6 octobre", étaient des audaces légitimes, que contre-balancent d'ailleurs dans "Les Morts", ou même dans un récit tout simple comme "Eveline", la puissance translutatrice du regard et le don vertigineux de soi, qui sont la marque du poète. Nul ne lira sans gratitude la préface de Valery Larbaud, chef-d'oeuvre de finesse et de lucidité prophétique.
Légendaire par ses héros éponymes, l'oeuvre de Joyce l'est encore par la manière dont elle a affirmé sa présence dans la littérature. oeuvre canonique, référence obligée de la critique, elle s'impose maintenant au lecteur moderne avec toute la force que souhaitait son auteur. Elle est, pour tous les hommes du vingtième siècle, ce qui doit être lu et relu : tel est bien le sens de son accès à la Bibliothèque de la Pléiade, accès qui fut agité pour la première fois, en vain, au moment où l'Irlande, elle, de légende, redevenait histoire. Il est cependant moins important de s'interroger sur une incompréhension passée que sur une méconnaissance aussi actuelle que générale : car il est peu d'oeuvres qui aient aussi bien réussi à décourager son lecteur. Que se passe-t-il donc dans cet agencement de textes, qui leur confère cette insistance, faite de présence fabuleuse et d'inaltérable faculté de s'éluder ? C'est sans doute qu'ils participent à cette «restitution des lettres» qui est le propre de toutes les Renaissances. Peut-être ce dernier vocable prête-t-il à malentendus. Disons alors ceci : l'oeuvre de Joyce culmine sur un livre, Finnegans Wake, auquel fut consacré la moitié de son existence d'écrivain. Plus explicitement encore que son prédécesseur Ulysse, il est placé sous le signe du Phoenix. Mais il est révélateur que ce Phoenix soit un parc, un champ, un lieu en définitive identifiable au livre lui-même. Tel est bien ce que Joyce n'a cessé de viser : la restitution des lettres au livre, à ce champ symbolique de l'homme qui n'existe que pour être donné à lire, et donner à relire.
« Little Chandler accéléra l'allure. Pour la première fois de sa vie, il se sentait supérieur aux gens qu'il croisait. Pour la première fois son âme se révoltait contre l'inélégance de Capel Street, si morne. Aucun doute, si on voulait réussir, il fallait s'en aller. À Dublin, on ne pouvait rien faire. » - Une occasion d'entrer de façon aisée dans l'oeuvre de l'auteur d'Ulysse.
- Une série d'instantanés photographiques d'existences dublinoises au début du vingtième siècle : un modeste employé de bureau soudain pris de rêves de grandeur (Un petit nuage), un vieux garçon près de découvrir enfin l'amour (Un cas douloureux), une bande de jeunes et joyeux fêtards lors d'une nuit de goguette (Après la course), deux séducteurs en goguette arpentant le bitume (Deux galants), les aléas d'une idylle entre la fille de la patronne et l'un des locataires d'une pension de famille (La pension de famille).
Entre 1901 et 1904, James Joyce annonce à plusieurs reprises son désir de composer un recueil d'épiphanies. Plus tard, une définition de son projet apparaît dans Stephen le Héros.
"Il brûlait d'être seul avec elle. Lorsque les autres seraient partis, lorsque lui et elle seraient dans leur chambre d'hôtel, alors ils seraient seuls ensemble. Il m'appellerait doucement :
- Gretta !
Peut-être n'entendrait-elle pas tout de suite : elle serait en train de se déshabiller. Puis, quelque chose dans sa voix la frapperait. Elle se tournerait et le regarderait." Deux des plus célèbres nouvelles du grand écrivain irlandais.
« Où cours-tu donc ? Le ciel est en toi », rappelait Angelius Silesius.
La spiritualité des Pères du désert enseigne un chemin vers la liberté intérieure, chemin qui commence par l'observation de la réalité propre à chaque être. De nombreux chrétiens n'osent plus regarder en eux-mêmes, par crainte de la part d'ombre qu'ils pourraient y découvrir. Ils restent alors enfermés dans la peur d'euxmêmes, s'interdisant ainsi l'accès à ce centre d'où part l'aspiration à la spiritualité, ce foyer qui est le lieu en nous du silence et de la paix, un lieu que la rumeur du monde n'atteint pas.
Les Pères du désert nous permettent d'en retrouver l'accès, en ne réduisant pas la spiritualité à des principes moralisateurs. La voie qu'ils nous indiquent permet d'ouvrir notre coeur afin que la présence de Dieu s'y développe.