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ALAIN PARUIT
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«Une journée de deuil? Je me rappelle qu'y en a eu une à la mort de Ferdinand Ier... Et ensuite qu'on a mis du violet à la place du noir pour la reine... Quelle cinglée, cette Maria, Dieu ait son âme, toute la vie elle a eu le feu au cul! Moi, c'est ces deuils-là que je m'en rappelle. Et puis plus tard, le deuil de Staline et le deuil de Gheorghiu-Dej. Si vous dites qu'y en a eu d'autres, c'est qu'y en a eu, mais moi j'étais pas au courant... Je voulais pas être au courant de la politique, je voulais même pas en entendre parler! Parce que si c'est pas moi que je m'occupe de moi, ça sera personne!».
À plus de soixante-dix ans, Vica se souvient... Et l'histoire roumaine défile, dans son franc-parler de femme du peuple. Alternent le grave et le comique, la tendresse et l'humour. Considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature roumaine contemporaine, Une matinée perdue a été traduit en plus de dix langues.
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«Parce que je ne suis pas comme les autres, moi, je suis un enfant trouvé. Je ne serai pas un n'importe qui, moi, un jour je deviendrai très grand, plus grand qu'Alexandre de Macédoine. Un jour, je serai le maître du monde. Je le sais. Voilà pourquoi je ne fais pas comme les autres. Je dors la nuit dans la montagne et je n'ai pas peur et je monte aux arbres sans que les oiseaux m'entendent et un jour je pourrai me jeter dans le ravin sans me faire de mal.» Cinq nouvelles qui vont de l'adolescence à la vieillesse, comme un roman. Le talent de Mircea Eliade est rare. Il sait mêler la magie des mythes à l'histoire contemporaine de la Roumanie et de l'Europe. Qu'ils rencontrent la fille d'un capitaine, un lieutenant poète ou un devin des pierres, ses personnages sont en quête:ils cherchent leur salut par le Merveilleux.
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«Cioran avait vingt ans. Vingt ans quand il publiait dans les jounaux roumains, en 1931, les premiers articles qu'on trouvera dans ce recueil. Grand dévoreur de philosophes allemands, il jargonnait un peu à leur manière, mais, quels que soient les sujets abordés, il s'interrogeait - avec quelle maturité pour son âge ! - sur la condition humaine et il en reculait les frontières. Déjà, le Cioran que l'on connaîtra par la suite en France commençait à s'annoncer là : considérations paradoxales, éclairage inattendu des questions traitées, jeu de massacre avec les idées reçues. Amertume et dérision... Déjà, son pessimisme foncier étouffait les rares élans porteurs d'espoir, car "y a-t-il sur cette terre quelque chose qui ne puisse pas être remis en question ? Vraiment, Dieu est trop loin." Cioran d'avant, pour mieux comprendre Cioran d'après.» Alain Paruit.
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Le Bréviaire des vaincus est le livre charnière de Cioran. Il l'a écrit de 1940 à 1944, à Paris, mais en roumain. C'est son dernier (et sixième) livre en roumain, c'est aussi le premier écrit en France. Cioran se veut désormais parisien. «Je me repose dans les nonchalances de la France et je m'adoube chevalier de la langueur parisienne.» Mais il n'arrive pas non plus à se sentir français. «Y avait-il boulevard Saint-Michel un étranger plus étranger que moi ?» Alors, déchiré, sans espoir, il cherche un semblant de consolation en habillant sa pensée mortuaire dans les haillons de lumière de la poésie. Mais le lecteur français trouvera ici pour la première fois les idées et surtout le style de Cioran, celui qu'il a découvert dans les livres qui ont fait le ton et la pensée unique de l'auteur du Précis de décomposition.
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Voici quatre nouvelles qui nous racontent un monde absurde et tragique : dans « L'interrogatoire », un tortionnaire offre sa relative clémence à une prisonnière, en échange, chaque jour, d'un dessin. Dans « L'imperméable », une juge aisée de Bucarest, retrouve un imperméable chez elle après avoir donné une soirée. Elle appelle ses invités, qui découvrent bientôt qu'elle prête son appartement à des indics. Quatre histoires glaçantes, qui décrivent un monde dirigé par la peur et la délation.
Né en 1936 en Roumanie, Norman Manea est déporté dans un camp de concentration à l'âge de cinq ans. Cette expérience est au coeur de son oeuvre, marquée par le traumatisme de la Shoah.
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La danse du coq de bruyere ; problemes d'identite
Mircea Nedelciu
- Esprit Des Peninsules
- Balkaniques
- 17 Mai 2000
- 9782910435806
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Quelques secondes ? ou déjà quelques longues minutes ? elle ne sentait rien.
Elle entendait autour d'elle des voix, des pas, des appels, mais le tout sourd et gris, une sorte de pâte sonore d'oú se détachait parfois, avec une subite clarté, une cloche de tramway ou un cri.
" c'est donc un accident ", se dit-elle, très calme, presque indifférente.
Bucarest, 1938. à la suite d'un banal accident de la circulation, nora va être reconnue par paul dont elle s'éprend aussitôt. mais paul aime follement anna, peintre célèbre qui vient de le quitter.
Les intermittences du coeur, tel va être le thème de ce roman. banal certainement pas, car il a pour toue de fond l'europe centrale à la veille de la guerre et donc la fin d'un monde. entre un bucarest crépusculaire et les montagnes magiques de transylvanie, un homme et deux femmes vont aller jusqu'au bout de leurs rêves et de leurs passions.
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Les deux composantes majeures de cette poésie ont toujours été la dictée automatique et le frisson existentiel, tendre ou révolté, brutal ou à peine suggéré. La suite d'images juxtaposées qui constituent le poème est à la fois le fruit du hasard objectif, comme chez les surréalistes, et le produit d'une science de la construction qui accentue tantôt l'écoeurement ontologique, tantôt la nostalgie. "Une irrésistible attraction / une jeune fille même une jeune fille était / ce fantôme blanc / un ectoplasme qui parlait au téléphone / puis le coup du jour en pleine figure / lorsque le téléphone disparaissait / y compris ses chiffres / il se cachait dans un foret / parmi les champignons rouges / comme des signaux d'alarme / on a déchiré ma réalité / et d'en dessous surgit la face du cheval / qui court seul sans jockey".
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Ce nouvel opus de Dumitru Tsepeneag emprunte singulièrement des voies romanesques déjà traversées, héritières des grands genres littéraires. Entre onirisme et hyperréalisme, l'Histoire et l'humour font bon ménage dans ce roman aux rebondissements picaresques où les fantasmes animaliers de l'auteur accompagnent l'interminable accouchement dans la douleur d'un monde post-communiste avec lequel l'Ouest rechigne à partager ses richesses. Pourtant, et c'est cela que nous raconte ce livre, après la chute du Mur nombreux sont les jeunes qui ont été attirés par le mirage occidental, le miroir aux alouettes de la vie facile. Parmi eux Ion qui s'est lancé à l'aventure et devient une sorte de Jacques le Fataliste des années quatre-vingt-dix, parcourant du Danube à la Vilaine les chemins de traverse tracés par la plume narquoise de Tsepeneag, faisant halte dans cet hôtel borgne qu'est devenu l'Europe de cette fin de siècle. C'est ainsi qu'on le voit traqué par des truands moscovites et des justiciers extraterrestres, ne trouvant de repos provisoire que dans des bras pas toujours féminins. Devant cette fuite en avant une question nous taraude : quel péché doit expier ce jeune homme qui ne veut pas savoir à la lumière du souvenir que le pire est toujours certain? Dans quelles serres finira-t-il son voyage? En roumain, il y a un seul mot pour aigle et vautour.
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Il s'en passe de drôles sur le Pont des Arts : un chat de moins en moins bavard, un auteur sans nom ni pays, le tsar Alexandre et les stars de l'Académie d'en face y surveillent, de près et de loin, les rats qui se prélassent, un truand infirme et sa belle hétaïre qui monnayent le dernier tableau de maître volé au Louvre, les pickpockets qui délestent les touristes japonais en train de manifester contre Chirac.
Pendant ce temps, Marianne la femme adultère, obsédée pas sa faute et harcelée par les interrogatoires d'un juge d'instruction, rapetisse peu à peu, tandis qu'elle s'adonne à cette activité essentiellement féminine qu'est la lecture des romans. Tel est le pouvoir du mot imprimé que la lectrice, prenant la fiction pour la réalité, reproche à son écrivain de mari les fredaines du narrateur de son précédent roman, Hôtel Europa, quand elle ne s'institue pas censeur sans états d'âme.
De livres qu'elle lit, elle fait son jardin privé, où elle est libre de repiquer et d'émonder à sa guise - car la littérature a toujours été un pont, elle a toujours été "interactive ".
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" Le monde qui est le mien est une vallée entourée de toutes parts de rochers impénétrables élevés comme une muraille du côté de la mer si bien que nul être humain ne peut connaître ce paradis terrestre...
" Cette île où s'achève l'existence d'Euthanasius préfigure-t-elle une cosmogonie aquatique, une initiation par immersion ou, tout simplement, le fleuve des eaux amniotiques menant à l'universelle symbolique des eaux de la renaissance ? Evoquant, tour à tour, les points de vue aussi bien d'ethnologues tels que Boas ou Kroeber que du sociologue Malinowski, de l'historien Calinescu ou du psychologue Rivers, Mircea Eliade resitue le mythe comme dramatisation du symbole.
Dans sa quête du sens ultime, il explore au-delà des mythes et des religions, l'archétype sous son aspect le plus archaïque. Dans ce recueil d'essais, paru en 1943 à Bucarest, l'esprit encyclopédique de Mircea Eliade s'illustre aussi bien dans l'histoire des cultures et des religions (Barabudur, temple symbolique, art indien, histoire de la médecine) que dans la littérature (Julien Green, Joachim de Flore).
Son érudition phénoménale soutenue non seulement par la hardiesse de son propos mais aussi par un enthousiasme passionné, donne à ces textes une actualité toujours de mise quant aux questions fondamentales de l'humanité.
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Si je fermais les paupières, je voyais les dizaines de statues que j'avais regardées dans les yeux et j'essayais de comprendre ce que pouvait être la pensée des personnages de bronze verdi et de pierre, ces hommes illustres auxquels des muses replètes tendaient des plumes d'oie ou des couronnes de laurier du même vert-de-gris.
De comprendre aussi comment ces femmes au vagin de marbre pouvaient faire l'amour. Mais, tard dans la nuit, à l'heure où les bus rentraient au dépôt, les grands hommes descendaient de leur socle, attrapaient les muses par les cheveux et les culbutaient dans les buissons. Les pénis de métal poli les pénétraient, entre les lèvres de pierre humectées par la rosée de la nuit. Les atlantes s'accouplaient avec les gorgones de plâtre au nez cassé, sans se soucier des balcons qui s'écroulaient avec leurs oléandres en pot.
Labyrinthe aux nombreux passages secrets, Orbitor (" aveuglant " en roumain) est un roman de mondes parallèles, peuplé d'extraordinaires chimères animales ou humaines. Tel un médium, le narrateur nous conduit à travers les paysages de différentes époques, comme en des cercles concentriques du rêve et de la mémoire.
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Voyage dans un Bucarest tantôt réel tantôt imaginaire, L'oeil en feu déroule une spirale de souvenirs, de visions et de rêves éveillés. Dans un livre-kaléidoscope où la ville, la mémoire et le corps du narrateur ne font plus qu'un, Mircea Cartarescu déploie une fresque historique qui s'assemble par fragments.
C'est d'abord l'histoire de Vassili, l'enfant sans ombre qui devient capitaine des pompiers dans le Bucarest pittoresque de la fin du XIXe siècle. Puis, dans le carcan de cauchemar de la Roumanie des années 50 et 60, l'enfance du narrateur lui-même, où le rêve façonne entièrement une réalité devenue monstrueuse.
Livre-carrefour de l'oeuvre de Cartarescu, que beaucoup comparent aujourd'hui à Borges, L'oeil en feu transforme le regard de l'enfance en prisme poétique et fantastique qui capte l'histoire de la Roumanie en une série de fulgurantes apparitions.
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...
L'homme allongé à côté d'elle écarte le genou de sa cuisse en geignant doucement. Il se redresse et prend appui de la main sur la table de chevet. Il est maintenant assis sur le bord du lit, les mains sur les genoux, prêt à se lever.
Ou bien, à l'inverse, il vient juste de s'asseoir et va se coucher auprès de la femme qui dort comme un loir : il sent son souffle chaud. Elle remue les lèvres, ses globes oculaires palpitent et elle ouvre parfois les yeux, tout en continuant à rêver...
On entend dans un coin un petit miaulement indécis et une boule s'approche du lit, se blottit sur l'une des deux couvertures qui pendent jusqu'au tapis.
Marianne se retourne sur le dos et se couvre les yeux du bras. Elle ne les ouvre pas. Mais elle ne rêve plus. Elle sort de son cauchemar. Elle humecte de la langue ses lèvres desséchées de sommeil. Elle a soif.
Elle ouvre les paupières. Dans la chambre il fait nuit noire, dehors c'est l'hiver, elle distingue à peine les branches de l'arbre devant la fenêtre : menaçant ou protecteur, qui sait ? Un squelette de géant conservé par le froid...
Quelqu'un a oublié d'éteindre à la salle de bains. Quelqu'un dort à côté d'elle.
Elle ne rêve plus. Mais elle ferme les yeux...