À sept kilomètres de Smiljevo, haut dans les montagnes, dans un hameau à l'abandon, vivent Jozo Aspic et ses quatre fils. Leur petite communauté aux habitudes sanitaires, alimentaires et sociologiques discutables n'admet ni l'État ni les fondements de la civilisation, jusqu'à ce que le fils aîné, Krešimir, en vienne à l'idée saugrenue de se trouver une femme.
Bientôt, il devient clair que la recherche d'une épouse est encore plus difficile et hasardeuse que la lutte quotidienne des Aspic pour la sauvegarde de leur autarcie.
La quête amoureuse du fils aîné des Aspic fait de ce road movie littéraire une comédie hilarante, où les coups de théâtre s'associent pour accomplir un miracle à la Combe aux aspics.
« Un homme sans moustache est un homme sans âme », écrivait Confucius.
L'arrière-pays dalmate, son maquis, sa pierraille et son village, Smiljevo, avec ses deux mille habitants, son auberge, son église, son école primaire, son bureau de poste et ses deux épiceries. On y trouve une veuve joyeuse, un prêtre timide, alcoolique repenti, un épicier amateur de feuilletons mexicains, un général de l'armée croate, un émigré ayant fait fortune en Allemagne, un ivrogne, un poète haïku incompris, un ministre de la Défense et bien d'autres personnages hauts en couleur. Tout au long de ce roman d'amour hilarant, on découvre une population archaïque, obtuse, amoureuse d'agneaux à la broche, mais excessivement touchante dans son humanité. Ce premier roman d'Ante Tomic, douce satire de l'Église, de l'État et du machisme, aura lancé la carrière de l'auteur de Miracle à la Combe aux Aspics.
Fandango est l'une des plus longues nouvelles d'Alexandre Grine. Si elle ne fut publiée qu'en 1927, la date de sa rédaction remonte certainement à 1924, année de parution de L'Attrapeur de rats, dont l'intrigue est rigoureusement contemporaine.
Fandango s'appuie sur la confrontation entre la réalité (Petrograd en 1921, le froid et la faim) et le monde fantasmagorique de la peinture: un homme traverse un tableau pour se retrouver dans un univers imaginaire.
On y retrouve, non pas en toile de fond, mais au premier rang, le Pétersbourg affamé et dévasté des années d'après-guerre, un héros famélique, et surtout plusieurs détails qui en font une sorte d'oeuvre miroir et la rattachent à L'Attrapeur de rats aussi solidement que si l'auteur y eût écrit le mot « suite ».
Mobilisé par l'armée italienne en 1942, Eugenio Corti, l'auteur inoubliable du Cheval rouge, prend part, comme jeune officier d'artillerie, à l'épopée du front de l'Est. Encerclées dans une poche aux côtés de la 298e division allemande, plusieurs divisions italiennes, désemparées, vont être anéanties par un ennemi féroce et un froid polaire. Seuls quelques-uns des 30 000 compagnons du jeune écrivain retrouveront leur patrie. De ce fourvoiement honteux que l'on s'efforçait d'oublier - l'alliance avec l'Allemagne -, la campagne de Russie était l'épisode le plus douloureux. Une génération entière avait été engloutie dans cette guerre qui n'était pas la sienne, absorbée à jamais par l'immensité russe et les camps. L'un des rares survivants de cet enfer en a rapporté un récit minutieux, insoutenable de précision, et pourtant porté par une inextinguible espérance.
Ce texte bouleversant est la trame historique ayant servi à Eugenio Corti pour écrire son chef-d'oeuvre, Le Cheval rouge.
Ivan et Maritchka, enfants de deux familles ennemies, s'aiment d'un amour interdit par la société traditionnelle des Houtsoules des Carpates. La tragédie de leur destinée - la mort accidentelle de Maritchka, puis celle d'Ivan envoûté par le sorcier épris de sa seconde femme - est restituée dans tout ce qu'elle a de mythologique, dans un monde où les puissances primitives coexistent avec une humanité mi-animiste mi-chrétienne.
Les Chevaux de feu, récit mêlant l'ethnographie au symbolisme, mais aussi l'un des premiers romans modernes ukrainiens, a inspiré le célèbre film de Sergueï Paradjanov.
Dans la mémoire russe, Prichvine est l'écrivain de la nature.
Mais il est aussi philosophe à la manière de Thoreau, voyageur, témoin de son temps (il rappelle Gide par ses engagements et ses désillusions), diariste (la publication posthume de son journal intime secret révélera une figure séditieuse et tragique).
Notre édition met en lumière la richesse de l'auteur, dernier enfant de l'Âge d'argent.
Récit magnifiant la taïga de l'Extrême-Orient russe, Ginseng est une allégorie osée de l'amour. Le Pèlerin noir est un récit de voyage chez les nomades d'Asie centrale où le danger est sublimé en poésie. Le Calice d'ici-bas nous emmène dans la Russie profonde des premières années de la Révolution russe. C'est un texte réaliste, porté par une inspiration quasi nietzschéenne, fantastique et même biblique, au point que l'instituteur au centre du récit se confond avec l'image du Christ. Un florilège d'extraits de son journal intime - mis en regard avec les oeuvres concernées - transporte le lecteur dans le monde intérieur de Prichvine tout en éclairant les chemins secrets qui le menèrent de la vie à la création littéraire.
Tous les lecteurs se souviennent de l'hallucinante chasse à l'homme de La Bouche pleine de terre qui avait révélé le nom de Branimir Šcepanovic au public français. D'un livre à l'autre, le talent de Šcepanovic s'est imposé à ses innombrables lecteurs. Maître du récit court, de la narration condensée riche en symboles, Šcepanovic, tel un prophète de l'Ancien Testament, révèle à l'homme sa nature tragique et risible au travers de fables allégoriques. Les quinze nouvelles inédites de la présente édition prouvent une fois de plus le talent inégalé de ce géant de la littérature universelle et intemporelle. « Les livres de Branimir S?cìepanovicì se reìveÌlent des concentreìs ouÌ de sombres firmaments se me^lent aÌ des lambeaux de ciels creìpusculaires. » (Linda Lê, extrait de la préface)
À travers la vie d'une famille juive séfarade de Bosnie, nous entrons dans un univers magique, Sarajevo de l'entre-deuxguerres.
Les cinq filles Salom grandissent dans une atmosphère tutélaire et étouffante, parlant entre elles le ladino. Enveloppées par la chaleur communautaire, entremêlée des joies et des peines familiales, elles apprennent les règles de la vie tout en bousculant les lois de la société patriarcale.
Gordana Kuic, fille d'une des cinq héroïnes de ce roman, vit à Belgrade, où une partie de sa famille, fuyant l'extermination oustachie, s'est réfugiée pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans ce roman, elle a tissé une saga familiale qui est devenue la mémoire co mmune de toute une région.
Ce livre d'une douceur rare est un témoignage historique sur la destinée des juifs dans les Balkans qui s'inscrit dans la grande tradition romanesque féminine. À l'exemple de George Sand, Jane Austen ou Margareth Mitchell, Gordana Kuic livre la chronique de gens simples, de ceux qui subissent l'histoire en lui donnant sa profondeur humaine et sa coloration romanesque.
Au début du xxe siècle, Nathan Stramer revient des États-Unis dans sa ville natale de Tarnów, une ville industrielle du sud de la Pologne, où la moitié de la population est juive. Il y rencontre sa femme, Rywka, et devient le père de six enfants que l'on va voir grandir : à peine sortie de l'enfance, Rena tombe amoureuse d'un homme marié ; Rudek fait des études de philologie classique, mais, réaliste, il dégote un emploi au syndicat de la bougie ; Hesio et Salek succombent à leur fascination pour l'idée du communisme et sont menacés d'arrestation, tandis que les plus petits, Wela et Nusek, bouillonnent d'impatience.
Cette histoire intime, extrêmement attachante, est interrompue de plus en plus fréquemment par la marche sanglante de l'histoire.
Les Stramer peuvent-ils deviner ce qui les attend ? Comme l'a écrit le grand poète Adam Zagajewski : « Cette histoire semblerait condamnée à une tristesse incurable et à la fin que nous connaissons tous. Pourtant, Mikolaj Lozi´n ski a réussi à effacer la noirceur qui teinte notre mémoire de cette époque. Les protagonistes n'ont aucune idée de ce qui les attend, alors que nous ne le savons que trop bien. L'auteur permet à ses personnages de faire des erreurs, de commettre des bévues ; il leur insuffle la vie. »
Le Fléau de Dieu est un roman sur la jeunesse d'Attila. Otage de l'empereur romain Flavius Honorius, ce Barbare, ce garçon à l'état de nature, sauvage et indomptable, observe l'empire corrompu et forge son caractère en opposition à cette société mourante. Le récit adopte le point de vue de deux personnages : d'un côté Attila, qui regarde la civilisation décadente de l'Empire ; de l'autre l'historien byzantin Priscus Panita, qui observe ce même pourrissement. Tout le roman est tissé de métaphores : la terre hurle « comme une femme qui sent déjà son ventre enflé prêt à projeter dans le monde des êtres nouveaux », Attila a des cheveux « comme des cornes » qui balaieront l'ancien monde. Ce récit constitue un véritable manifeste du mouvement scythe qui considère la révolution russe de 1917 comme un élan messianique, comme une union spirituelle néo-chrétienne, socialiste et révolutionnaire opposée à la pensée bourgeoise et au nouveau pouvoir soviétique.
Le personnage principal de ce Journal est Mr Charles Pooter. C'est un employé modèle d'une firme de la City avec ses gaucheries, ses susceptibilités, ses admirations naïves, ses indignations, ses scrupules, ses gaffes, sa modestie, son désir de bien faire, son respect des hiérarchies et son sens de la dignité. Quoiqu'il nous soit décrit des situations souvent absurdes ou ridicules, il s'efforce néanmoins, de façon maladroite mais ô combien touchante, d'agir en toutes circonstances selon son éducation et avec une scrupuleuse honnêteté.
À l'instar des personnages de Dickens ou de Robert Walser, Charles Pooter appartient à la classe des gens d'en bas, ceux dont la vocation est de regarder avec admiration, mais sans envie, le monde d'en haut. Car le sel de la terre, contrairement à l'opinion romantique, n'est pas le héros, le roi, le prophète, le révolutionnaire, bref, le grand homme porteur de foudres et de tempêtes, c'est le petit, le tout petit bourgeois qui, rentré de son bureau, le soir, enfile ses pantoufles et débouche une bouteille de porto achetée chez l'épicier du coin pour fêter une augmentation de salaire.
C'est pourquoi Le Journal d'un homme sans importance se lit non pas comme un livre ordinaire, mais comme un évangile - livre d'un dieu ordinaire à l'usage d'hommes ordinaires.
Suivi de la postface de Georges Nivat, Piège mystique et carriole dadaïste (« La Colombe d'argent » d'Andreï Biely) Intellectuel occidentalisé déçu par toutes les idéologies mais ayant toujours au coeur la nostalgie d'un idéal inconnu, Darialski, le héros de La Colombe d'argent, se laisse séduire par une paysanne inculte, symbole pour lui de la Russie profonde, et tombe sous la coupe d'un homme sombre et rusé, fondateur d'une secte maléfique. C'est une Russie mi-païenne, mi-chrétienne, la Russie des convulsionnaires et des flagellants, mais aussi la Russie en proie à l'essor du capitalisme et à l'effervescence révolutionnaire, infiltrée d'espions et de provocateurs, qui est présentée ici. Les scènes de transes érotico-mystiques, scandées de formules magiques, sont parmi les pages les plus extraordinaires de ce livre. oeuvre de mystique, de poète, récit initiatique et rapport d'ethnographe, conte philosophique et roman policier, satire hilarante et drame sanglant, La Colombe d'argent est inclassable. « On a envie de fuir quelque part, mais il n'y a plus d'endroit où fuir... Vraisemblablement, c'est toujours ainsi après un incendie. De désespoir, j'ai relu La Colombe d'argent. Dieu ! Comme cette chose est admirable ! Qui oserait dire que les Remizov, les Zamiatine et les Alexis Tolstoï ont créé quoi que ce soit de comparable ? Ils devraient embrasser les semelles de Biely, tous sont ses apprentis. Quelle langue ! Quelles digressions lyriques ! Après ça, on peut vraiment mourir ! C'est notre unique joie depuis Gogol ! » (Sergueï Essenine, 1921)
Les nouvelles de Saki révèlent les manières et les attitudes de la société édouardienne, dépeintes de l'intérieur par un chroniqueur de génie, doté d'un regard distant et sardonique. Chacun de ses textes est un pur joyau d'écriture, poli et affûté comme une épigramme. L'humour aimable et retenu y recouvre une pointe de cruauté, et se résout souvent en des chutes surprenantes intervenant à la toute dernière phrase. La prose de Saki est l'un des sommets de l'esprit britannique. Foudroyantes, grisantes par le style et la concision, ces nouvelles offrent au lecteur français un dépaysement total, et l'emmènent aux sources mêmes de l'humour anglais. Un monument qui s'inscrit dans la lignée des Swift, Thackeray, Dickens, Jerome K. Jerome, G. K. Chesterton ou Evelyn Waugh.
Faust fut pour l'imagination populaire l'incarnation de l'esprit aventurier de l'époque, à cheval sur le Moyen Âge et les Temps modernes. Dans son ouvrage, Robert Nye utilise des documents historiques qui attestent l'existence de Faust en jetant quelque lumière sur sa personnalité, en y mêlant les éléments d'une fiction romanesque hilarante. L'ouvrage se présente comme le journal de Christophe Wagner, le jeune disciple?de l'alchimiste, qui nous entraîne dans un ébouriffant pèlerinage à Rome à la suite d'un Faust inattendu, ivrogne invétéré, chevalier d'industrie débauché et vicieux. Sont aussi du voyage Hélène de Troie, maîtresse du mage, emmerdeuse moche, mythomane et mystique, ainsi que sept ravissantes jeunes filles pratiquant chacune une spécialité érotique différente au bénéfice de ce jeune paillard de Wagner. Traversent également le récit Henri VIII, Luther, Marguerite de Navarre, Calvin, etc. Passionnant comme un polar, joyeusement obscène comme un Rabelais contemporain, le Faust de Robert Nye est l'un de ces ouvrages de la lecture duquel on sort avec l'impression d'être plus intelligent.
Roman éclaté, accumulation de récits et de constatations désabusées sur le xxe siècle, où court, tel un fil conducteur, l'histoire de la petite Ondine, une jeune fille pauvre qui utilise ses charmes pour gravir les échelons de la société, La Route de la chapelle est le chef-d'oeuvre de Louis Paul Boon. À sa sortie, ce roman a suscité de nombreuses controverses, dues autant à sa forme chaotique qu'à son contenu virulent vis-à-vis de l'Église et de l'État. L'auteur y mêle la critique sociale à des récits revisités du Roman de Renart et à ses expériences personnelles.
« Dans la volière de la littérature flamande, on trouve toutes sortes d'oiseaux, en majorité des pigeons domestiques, quelques paons hâbleurs, çà et là un petit coq de bruyère timide comme un poète, et chacun d'eux chante, hélas, son propre couplet et pond ses propres oeufs. Le merle blanc de cette basse-cour est Louis Paul Boon. Il est notre écrivain le plus important, la source la plus généreuse de la littérature flamande, une source qui a crevassé le champ infatué de notre art d'écrire [...]. » (Hugo Claus)
Petrograd 1924. La population est exsangue, la ville livrée à la misère. Dans cette atmosphère apocalyptique erre un person- nage, miroir de l'auteur. Il trouve refuge dans le labyrinthe de la Banque centrale abandonnée, vestige d'une bureaucratie absurde envahi de livres de comptes et de factures diverses.
Mais une mystérieuse assemblée veut sa mort. Quelle est cette caste qui, au milieu de la misère, peut s'offrir du vin et des mets délicats ? Qui sont ces rats, dévorés par les passions les plus viles, qui vivent sur le dos du peuple agonisant ? Et le sage vieillard, l'Attrapeur de rats, saura-t-il préserver l'humanité de la peste, ou d'une affection plus pernicieuse encore ? Une allégorie cauchemardesque de l'utopie totalitaire.
Roman autobiographique, Le Cheval rouge suit la destinée de jeunes italiens engagés dans l'armée de Mussolini. Certains meurent, d'autres témoigneront de la barbarie nazie et communiste, d'autres encore s'engageront dans la reconstruction politique de l'Italie d'après-guerre.
« On peut s'interroger sur les raisons de l'étonnant succès de librairie d'un livre qui ne s'accorde aucune facilité et qui a su créer, entre son auteur et ses lecteurs, un formidable courant de sympathie. Cela tient d'abord au caractère de témoignage que revêt ce roman : non seulement les personnages historiques qui le traversent, mais tous les événements historiques sont absolument et rigoureusement vrais. Mais Eugenio Corti a écrit aussi un très grand roman. Son souffle épique, la variété des registres stylistiques, la vérité et la puissance des passions emportent le lecteur dès les premières pages. Sans doute destiné à résister à l'épreuve du temps, Le Cheval rouge fait songer à Manzoni, ainsi qu'aux grands romanciers russes, à Tolstoï en particulier. » - François Livi, professeur émérite de langue et de littérature italiennes, Sorbonne
Le Châtiment de Prométhée et autres fariboles se compose de 29 récits, écrits entre 1920 et 1938, qui réinterprètent, avec beaucoup de malice et d'intelligence, les grandes thématiques bibliques et historiques. « Je me sens plus de sympathie pour les gens que pour leurs vérités », déclare Pilate à Joseph d'Arimathie - reprenant par là le credo philosophique de Capek lui-même. Le plus récent de ces récits, « La mort d'Archimède », écrit en 1938, relate le refus du grand savant de se conformer à un monde régi par la soif de pouvoir.
« Rome sera une grande cité. Rome doit être la cité la plus puissante sur toute la surface de la terre.
- Et pourquoi donc ?
- Pour pouvoir tenir. Plus nous sommes forts, plus nous avons d'ennemis. Et c'est pourquoi nous devons être les plus forts.
- Pour ce qui est de la force... murmura Archimède, je suis un peu physicien, Lucius, et je vais te dire quelque chose. La force se fixe.
- Qu'est-ce que ça signifie ?
- C'est une sorte de loi, Lucius. Une force qui agit doit se fixer.
Plus vous serez forts, plus vous mobiliserez de vos forces ; et un jour viendra le moment où... »
Le professeur Vitali Vitalievitch Safonov se voit obligé d'accompagner une statue de Bouddha que le régime bolchevique veut restituer à la République soeur de Mongolie. Le voyage en train à travers le pays en proie à la guerre civile est terrifiant : l'URSS apparaît comme le royaume des morts. Et le fantastique, dans ce récit, prend le visage du lama qui accompagne le professeur dans son périple. C'est bien le diable qui va l'attirer dans le désert et l'y faire assassiner. Un roman fantastique, « à la jonction du bouddhisme et de la révolution » (Dany Savelli), une oeuvre puissante et poétique.
Au printemps de l'an 1458, Arras fut frappée par la peste et par la famine. En un mois, près d'un cinquième de la population périt. S'ensuivit la sinistre vauderie de 1461, chasse aux sorcières doublée de dévastations et de massacres dans le quartier juif de la ville. Étrange et cruelle folie collective qui fut aveuglément orchestrée par un prêtre fanatique comme un rituel de purification corporelle et spirituelle. Ce récit allégorique, écrit à la première personne, développe une réflexion profonde sur les thèmes de la liberté, de la compromission et de la passivité vis-à-vis des cataclysmes sociaux.
« J'ai écrit ce roman à Finchley, dans la banlieue de Londres, en 1946-1947. À une époque où ma femme et moi étions très proches du suicide. » Texte d'une modernité étourdissante et au lyrisme enivrant inspiré par l'expérience de son auteur, Le Roman de Londres suit le destin d'un couple russe exilé à Londres après la Seconde Guerre mondiale. Errant dans une ville qui les ignore, le prince Repnine et son épouse Nadia s'efforcent d'exister dans le désespoir de l'inappartenance. Dès le début, se dessine la terrible voie que le prince compte emprunter pour échapper au désespoir. Cette fatalité détermine le cours de ce roman épique, rappelant la difficulté de l'homme à vivre dans la confusion de l'époque contemporaine. Livre de toutes les personnes déplacées et portrait d'une ville tentaculaire, Le Roman de Londres est aussi un roman d'amour poignant et une réflexion profonde sur le libéralisme effréné.
Ce thriller envoûtant met en scène quelques thèmes importants et tabous de notre époque. Hitler était-il fou ? Se considérait-il lui-même comme juif ? Israël est-il un legs d'Hitler ? Peut-on considérer l'Holocauste comme un acte du faux messie attendu depuis des millénaires ? Peut-on laisser ce vieillard décrépit faire entendre la magie noire de sa voix ? Le langage qui crée, le Logos, doit nécessairement impliquer son contraire, le mot qui « incrée ».
Avec ce livre, George Steiner a réussi un rare tour de force : celui de nous poser les grands problèmes moraux tout en les immergeant dans un récit haletant et ensorcelant.
Dans un avenir proche, l'Europe est envahie par les Sino-Mongols, et asservie à leur philosophe Murti Bing. Impuissant à se défendre, car irrémédiablement décadent, l'Occident dépose les armes. La déliquescence est encouragée par la distribution de pilules de davamesk, qui, à l'instar de la « société dancingo-sportive », ont l'avantage de simplifier le monde, rendant le questionnement existentiel superflu. L'Europe en décadence, qui répertorie tous les types représentatifs d'intellectuels, d'artistes, de femmes fatales, de mantes religieuses ou de politiciens à vestes réversibles, sans oublier les grands fauves du terrorisme, constitue l'arrière-fond de cette grande symphonie crépusculaire. Publié vingt ans avant 1984 de George Orwell, L'Inassouvissement propose la vision d'une société dont le dessein serait l'asservissement de la personne humaine. Roman d'anticipation, réceptacle de toutes les idées de l'auteur en matière de philosophie, d'histoire et d'esthétique, porté par une langue étourdissante, L'Inassouvissement méritait, près de cinquante ans après sa première parution en français, d'être présenté à une nouvelle génération de lecteurs dans une traduction intégralement revue.
Ghetto de Lódz, 1939.
Les autorités nazies placent à la tête du Conseil juif un ancien directeur d'orphelinat. Chaïm Rumkowski. Bientôt, il transforme le ghetto en un véritable complexe industriel, convaincu que la productivité des Juifs assurera leur survie. En 1942, les Nazis veulent déporter 20000 enfants. Rumkowski, dans le désir de sauver ce qui peut l'être, prononce son fameux discours Donnez-moi vos enfants. Un homme mystérieux demande à un écrivain polonais contemporain d'assister à un étrange procès, celui de Rumkowski, à Lódz. Entre réalité et fantasmagorie, entre histoire et fiction, La fabrique de papier tue-mouches pose la question de l'autorité, de la stratégie du moindre mal, et, avant tout, questionne le lecteur sur ses propres convictions.
Un roman dérangeant, une interrogation sur la responsabilité historique : le pouvoir, dans des conditions extrêmes, peut-il se transformer en pouvoir absolu ?