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Héros-Limite
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L'encyclopedie de la matière
Anne Le Troter
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 14 Décembre 2016
- 9782940358960
« Je suis tranquillement assise sur une pierre au milieu d'une digue artificielle. La digue sous moi, des pierres taillées puis exportées. Exportées des carrières, importées ici par voie fluviale ou terrestre, pour faire d'elles mon assise artificielle d'aujourd'hui. Suis-je plutôt assise sur une pierre en bloc ou bien sur une somme de grains collés entre eux grâce au sel marin poisseux ? En outre quand je m'assois, est-ce que je taille dans la montagne ou est-ce que j'ajoute en collant les grains dans l'air ? Si les grains se collent pour faire d'eux une pierre alors ils sont de Véritable Grains Agglomérés, une marque déposée en somme. Pourtant une pierre reste encore un morceau de montagne, un morceau de croûte terrestre semblable aux croûtes sur ma peau, que je suis en train d'arracher, au soleil. Le corps est fait comme ça, de bosse et de creux. Mon doigt et ma voix me signalent, quand je les traîne sur ma peau, si je suis dans un creux ou sur une bosse. Mon corps, cette usine, fabrique donc de petits cailloux ou de Véritables Grains Agglomérés collés à ma peau. Mes V.G.A. à moi me servent principalement de bouchon. Mon assise de pierre, en forme de fragment de digue est également un bouchon et c'est bien là la fonction d'une digue, d'être un bouchon à la mer. S'il venait à être arraché, comme une croûte sur la peau, c'est bien la mer, les océans qui jailliraient. Alors par précaution, on a fabriqué une digue artificielle, sous moi. Mais une digue c'est avant tout un obstacle à la mer - comme si la mer était en réalité un cheval de compétition - sur lequel j'ai parié pour écrire. Parfois l'océan déborde de sa cuvette, et il n'y peut rien puisque ce sont les vagues qui poussent derrière. Alors comment faire quand une foule de pensées est prise de panique ? Il faut y aller par la déduction logique de pensée. Des exercices spontanés, réguliers de culture générale collective, m'ont permis de dégripper l'instinct des méninges pour me rendre vers elle, la matière. »
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Döner-Kebab interroge la légitimité du récit linéaire classique. Que s'est-il passé à Lacanau-Océan, cet été-là ? Lacanau-Océan, c'est d'abord le redoublement malheureux d'une voyelle. Une ratée par redoublement du vide inscrit au milieu d'un nom maladroitement composé, une béance centrale qui syphone par avance toute velléité de récit. Au magasin d'accessoires d'une psychanalyse sauvage et sommaire, Sebastian Dicenaire emprunte bien une panoplie oedipienne, mais elle ne tient pas ses promesses. Et ni le sexe de maman, peut-être aperçu dans les douches du camping, ni la difficile déglutition, en présence de papa, d'un bout de viande grasse qui fait irrésistiblement penser à un reliquat de castration, ne suffisent à faire qu'existe une histoire plutôt que rien. Le seul événement à partir duquel peut enfin se construire (se déconstruire ?) le livre, c'est celui du langage en lutte contre l'insignifiance, mais aussi en travail avec elle, à partir d'elle et sans cesse revenant à elle, ne perdant jamais de vue cet unique et indépassable horizon (du sexe ?) du texte.
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L'hiver, le lac d'une petite vallée gèle lorsqu'il fait très froid. Les patineurs vont y dessiner des « s », mais, en se promenant moins sportivement dessus on peut apercevoir bien des choses emprisonnées sous la couche de glace. Les textes de Marie-Luce Ruffieux sont des sortes d'écrans froids ; le langage qu'ils travaillent a la transparence mais aussi l'épaisseur de l'eau solidifiée. Quand on lit un des récits qui composent Beige, on fait l'expérience d'une distance infranchissable alors même qu'on est au plus près de la réalité vitrifiée au-dessus de laquelle on se promène - le texte nous promène. Au fil de cette promenade, on comprend aussi assez rapidement que le monde n'est pas seulement cet ailleurs qui gît sous le langage, il tire son existence du langage, et, de ce fait n'a pas d'unité qui serait, en soi, antérieure à sa description, non : l'unité du monde est ce que postule le texte, puis le résultat vers quoi il tend en s'effectuant.
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Agencement de textes-dispositifs (certains ayant eu une vie antérieure performative ou installative), "Notes de la rédaction" tourne autour de l'expérience de la lecture et les limites du sens.
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« Pollueuse Tous des malins aux bâches sanglées et peaux vieillissantes, ils retournent leurs coudes sur les tables, (Cette envie de mettre ma tête dans une forêt). Dès que je vois un arbre coupé, j'écarte mes narines pour sentir son odeur de séché en corps blanc. Et toujours en miroir sur les routes les camions-citernes. »
L'analyse est clinique, sans empathie pour l'autre et encore moins pour soi-même. Elle fonctionne plutôt sur un mode ironique nourri d'objectivité. La langue est chirurgicale: elle tranche dans les parties malades, dissèque les impossibilités, met à nu les solitudes. Parfois, le récit est factuel jusqu'au vertige comme s'il s'agissait de décrire un rituel fixé depuis si longtemps que le sens en est perdu pour ceux qui l'effectuent et ceux qui y assistent : de ce fait doublement inéluctable. -
Private garden : froid ou trop chaud et pas de contrôle
Luisanna González Quattrini
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 26 Janvier 2012
- 9782940358182
Froid ou trop chaud et pas de contrôle
« Pina veillait sur moi depuis que j'étais toute petite, dans mes rêves elle était ma mère.
Teófilo travaillait dans les jardins publics; aujourd'hui il n'arrose plus que mon jardin.
Antonia travailla durant cinq ans sans recevoir aucun salaire, elle avait demandé qu'on lui mette l'argent de côté pour après, il n'y eut jamais d'après. »
Private garden se présente comme une succession, souvent brutale, toujours immotivée, de très courts récits d'une densité quasi fantasmatique, et de souvenirs elliptiques et lacunaires. Le principe de linéarité est abandonné au profit d'une utilisation visuelle des signes, comme s'il fallait, le plus directement possible, montrer ce qu'il n'est plus suffisant de dire. -
Une odeur de renfermé, pas trop gênante
Mélodie Le Blévennec
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 26 Janvier 2012
- 9782940358465
Avec Une odeur de renfermé, pas trop gênante, l'écriture doit s'accommoder de l'extériorité absolue du non-littéraire : une lettre, la transcription mot à mot d'un dialogue absurde et répétitif, un inventaire notarial. Autant de documents qui dérangent, empêchent, obstruent, détournent le cours d'un récit, déjà pas mal divisé, qui doit les englober, les dépasser, pour poursuivre son cheminement, mais qui n'aurait aucune légitimité à exister sans eux, puisqu'il n'est qu'une tentative pour les mettre en relation les uns avec les autres. Et pour finir, tout se tient - plus ou moins. Mais vivre, c'est sans doute ça: accepter un peu d'incohérence, du jeu entre les pièces du puzzle, des manques, des vides, pour pouvoir postuler, globalement, qu'il y a malgré tout du sens.
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Les asperités de l'asphalte
Nadia Sartoretti
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 26 Janvier 2012
- 9782940358472
Les aspérités de l'asphalte tient la chronique amusée/affolée d'une tentative d'aller voir dehors si j'y suis encore et comment, même si, au final, personne n'est dupe. Reste que la narration, la langue et la doxa qu'elle véhicule, auront été suffisamment malmenées pour qu'existe, intermittent, fragile et toujours menacé, le plus pur plaisir du texte.
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Se tétaniser et se fondre tout entier dans l'environnement, faire sien chaque bout de terre, chaque petit morceau qui dépasse, devenir une feuille ou une noix, devenir une pierre froide peu accueillante, quelque chose qui ne se mange pas, devenir effacé et survivre.
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« Elle ne comprendra pas, ni ne compatira, ni ne corrigera,
Ni ne changera, ni ne regardera, ni ne sourira, ni ne bousculera,
Ni ne rigolera, ni ne se fâchera, ni ne pleurera, ni n'aimera,
Ni ne nettoiera son propre caca, c'est elle : c'est ça. »
L'écriture de Stéphanie Pfister libère la possibilité d'un jeu avec le langage qui vient en bousculer le caractère normatif et stéréotypé. Ses textes (et ses dispositifs textuels) explorent et exposent le programme de ce qui pourrait être une véritable politique du plaisir, érigée en éthique de vie. Sous sciences soutient cette affirmation qui ne peut être simplement postulée mais doit être démontrée. Et la démonstration passe par un travail « scientifique » (c'est-à-dire « poétique ») d'énonciation. -
Ce travail critique ne va pas sans une remise en cause radicale de l'usage de la langue, ainsi qu'en témoigne le titre programmatique du livre. Le programme consiste, précisément, à revisiter la terminologie de la relation amoureuse telle qu'elle s'exprime dans des productions littéraires qui vont du récit intimiste (fictionnel ou non) du type « Journal de Bridget Jones », jusqu'à la rubrique « Courrier des lectrices » des magazines féminins. Alors que Madame de La Fayette déployait toutes les nuances de la parole amoureuse à travers l'usage quasi-exclusif du plus-que-parfait du subjonctif, Carla Demierre choisit d'en assurer un remontage décapant qui procède d'accélérations subites, de zappings échevelés, d'emboîtements cocasses. Au résultat : la dévastation joyeuse et féroce de cette rhétorique préfabriquée de l'affect qui aligne l'authenticité sur la reconduction ad libitum des stéréotypes les plus fatigués.
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Album est une longue conversation à tiroirs qui avance par petits blocs: messages, commentaires, déclarations, questions, informations, plaisanteries. Le texte s'organise autour de deux voix, une première et une deuxième personne, comme deux pôles qui organisent une conversation plus polyphonique qu'elle n'y paraît. Car un cut-up intime se dessine dans la forme aérée du texte, où écrire implique d'abord de collecter une matière concrète, textuelle, produite au coeur de nos expériences. Cette matière, c'est tout ce que produit la communication écrite à distance (texto, e-mail, etc.) et cet art très contemporain de la messagerie auquel nous nous adonnons tous. Pauline Allié observe avec une grande finesse et un humour solaire, comment le langage écrit, dans ce calibrage particulier du «message», circule dans les recoins les plus intimes de nos existences, fabrique nos attaches, nous lie aux autres, et constitue la trame d'une vie déjà en train de s'écrire.
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Keepsake 01 réunit six auteurs nés entre 1987 et 1994 engagés, outre l'écriture, dans des pratiques de performance, de dessin et de livre d'artiste. Plusieurs textes investissent en l'hybridant la forme documentaire. C'est le cas du texte de Anaïs Perez Wenger, une enquête autobiographique autour de la cité du Lignon à Genève mêlant écriture du paysage, récit familial et sociologie d'un lieu. Ou dans la proposition de Anne-Lise Solanilla qui décline et explore en deux textes un rapport singulier, à la fois autobiographique et anthropologique, de la main à l'artéfact que traverse la question du travail et de l'art. On retrouve l'écriture du réel dans le texte de Adrian Manuel Huber, mais travaillé cette fois par une forme qui mélange d'une manière inédite poésie concrète et flux de conscience pour tracer les contours d'une quête amoureuse, existentielle et esthétique.
Pour Louise Bailat, l'écriture croise le dessin dans un même élan, et compose une lecture à cheval entre le trait et le caractère. Des phrases se succèdent par petits blocs connectant leur sens aux dessins d'architectures précaires pour creuser avec une ténacité rageuse les injonctions et les clichés du féminin. La question de l'assignation à un genre et sa fixation par le langage est au centre du texte de Kimberley Sreekumar qui recueille non sans ironie les suggestions d'un moteur de recherche, composant sur la page de brefs poèmes concrets. Le texte de Ye Ma se donne volontairement comme un texte in progress, à la fois oeuvre et témoin d'une pensée en train de se faire. Son caractère inachevé ou suspendu renvoie directement à la question de la traduction au coeur de ce texte écrit en traduction instantanée via trois langues mais pas toujours dans cet ordre : chinois, anglais, français. -
Histoire du résident Cyprien Coquet
Denis Martin
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 26 Janvier 2012
- 9782940358618
Avec Histoire du résident Cyprien Coquet, Denis Martin imagine une expérience d'incarcération volontaire. Jamais prisonnier, puisqu'il y entre de son plein gré semble-t-il, Cyprien devient le « résident » d'un univers carcéral construit selon le dispositif panoptique imaginé par Jeremy Bentham au XIXe siècle. Au centre du dispositif, on le sait, un oeil omnipotent et invisible surveille la totalité de l'espace carcéral. Cyprien a décidé de faire vaciller ce regard. Mais le pouvoir absolu tire sa force de sa non-manifestation et Cyprien s'exaspère à multiplier les provocations. Dans la solitude de sa cellule, le « résident » se livre tour à tour à l'autoérotisme exhibitionniste, à la scatologie, puis à l'automutilation et au cannibalisme. À la désincarnation de l'instance de contrôle, Cyprien oppose l'incarnation comme condition d'absolue faiblesse. C'est dans et par sa chair qu'il va expérimenter toutes les formes d'extases et endurer les plus terribles souffrances. La subversion qu'opère Cyprien l'amène à explorer les limites de la passion. Ne peut-on y voir une métaphore du travail d'écriture tel que l'ont conçu et conduit Sade, Artaud, Bataille, Blanchot, Guyotat, tel qu'essaie de le poursuivre aujourd'hui Denis Martin ?
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Segments de plomberie aléatoire
Julia Sørensen
- Héros-Limite
- Courts Lettrages
- 26 Janvier 2012
- 9782940358069
Cet ouvrage n'est pas plus un manuel pratique de plomberie qu'un traité de combinatoire, par contre, il s'agit pleinement d'une tentative d'écriture brève alimentée et rythmée par un jeu de tirage au sort. A la fois oulipienne et surréaliste, l'auteur déjoue pourtant tout procédé mécanique, ses assertions et autres amorces de récits sont inventives, remplies d'humour et d'inquiétude.