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Corti
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Si les romans de Joseph Sheridan Le Fanu (Irlandais, 1814-1873) sont tombés dans l'oubli, Uncle Silas, toujours réédité, n'a jamais cessé de répandre son charme maléfique. Ce portrait d'un être exceptionnel (dans le pire sens du terme), cette intrigue servie par une construction savante et méticuleuse font d'ailleurs dire à son éditeur américain, dans son introduction, combien il envie le lecteur qui aborde cette histoire pour la première fois. Paru en 1864, L'Oncle Silas peut sembler bien tardif par rapport au roman gothique (il vient un siècle après Le château d'Otrante, de Walpole, un demi-siècle après Melmoth de Maturin) ; il s'inscrit pourtant bel et bien dans son sillage. Le roman regorge d'éléments gothiques : grandes maisons sombres et mystérieuses, crime en vase clos, étrange testament, jeune demoiselle en détresse, mariage forcé et consanguin. Toutefois, s'il pactise avec le genre, il s'en détache par son originalité. Certes, il évite le principal ingrédient de base et se termine le plus rationnellement du monde sans que jamais la protagoniste ni le lecteur ne pensent à quelque intervention fantastique. L'héroïne doit combattre des humains non des spectres. Néanmoins le surnaturel apparaît par petites touches (dans le décor, dans la manière dont l'héroïne interprète certaines manifestations extérieures). L'Oncle Silas unit donc les deux pôles du roman gothique. Le roman doit aussi sa singularité à ses multiples allusions directes à la pensée de Swedenborg, ce mystique suédois pour qui notre terre n'est que le reflet du monde éternel. Le Fanu, lui-même swedenborgien, force le trait : il nous livre une histoire où il mélange avec un malin plaisir le monde des vivants, le Monde des Esprits et l'Enfer. L'héroïne, l'innocente Maud, appartient au premier mais paraît, dans toute l'intrigue, affronter deux créatures jaillies tout droit de l'Enfer conçu par Swedenborg, des êtres moitié hommes, moitié bêtes : Silas (au regard d'oiseau de proie, à l'apparence simiesque) et Mordante, l'inquiétante gouvernante française tantôt qualifiée de loup, de reptile hideux ou de goule : deux des nombreux personnages qui ne finiront pas de hanter le lecteur, une fois le livre refermé.
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Le temps a rendu justice à celui qui, longtemps considéré comme un fou, fut l'immense poète, graveur et visionnaire que l'on sait, - éternel enfant, éternel " primitif " que son ardeur imaginative, son lyrisme, sa violence condamnèrent à n'avoir de renommée que posthume.
Autodidacte, il dénonce la raison tyrannique des philosophes, s'enflamme pour la révolution.
Ses admirations sont aussi significatives que ses refus. il préfigure quelques-unes des lignes de force du romantisme et goûte certains de ses grands intercesseurs, swedenborg, shakespeare, dürer. une vie intérieure puissante, une simplicité mystérieuse et désarmante guide son bras.
Dans le mariage du ciel et de l'enfer, il proclame l'unité humaine, attaque la prudence et le calcul au nom de l'épanouissement de l'être réconciliant désir, sagesse et raison.
L'amour comme la haine étant nécessaires à la vie, c'est le choc des contraires qui provoque le surgissement de la force créatrice et la progression de l'être individuel. il oppose ainsi la raison à la vision intuitive, à laquelle va sa préférence.
" l'astre blake étincelle dans cette reculée région du ciel où brille aussi l'astre lautréamont. lucifer radieux, ses rayons revêtent d'un éclat insolite les corps misérables et glorieux de l'homme et de la femme ".
André gide.
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Ode au vent d'Ouest. ; Adonaïs et autres poèmes
Percy Bysshe Shelley
- Corti
- Domaine Romantique
- 1 Octobre 1998
- 9782714306623
Ode au vent d'Ouest fait partie des pièces les plus célèbres de Percy Bysshe Shelley, grand poète classique d'Angleterre, figure mythique et controversée du romantisme britannique. Anarchiste et partisan de l'amour libre, il était perçu par ses contemporains comme le diable incarné, avant de devenir une idole pour les générations de poètes à venir. Ce poème est notamment suivi d'Adonaïs, une élégie d'une rare sensibilité sur la mort de John Keats.
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Méconnue en France, alors qu'elle fait l'objet de nombreuses études à l'étranger, l'oeuvre de Hedwig Dohm (1831-1919) mérite pourtant traductions et (re)lectures. Cette féministe (accessoirement grand-mère de la femme de Thomas Mann) ne s'est pas contenté d'écrire de véhéments textes polémiques, ni de lutter par tous les moyens pour l'autonomie intellectuelle et juridique de la femme. D'ailleurs, si des ouvrages comme Ce que les pasteurs pensent des femmes (1872), L'émancipation de la femme par la connaissance (1874) ou Nature et droit des femmes (1876) constituent des documents importants pour la culture féministe, c'est aussi et surtout vers ses textes de fiction qu'il faut se tourner pour prendre la mesure de ce talent si moderne.
La nouvelle dont nous proposons ici la traduction a été publiée en 1894. Elle a pour protagoniste une femme âgée découvrant - mais trop tard - qu'elle est passée à côté de sa vie. Au moyen de deux procédés littéraires bien connus (la prétendue folie de la protagoniste, et la narration constituée par la lecture de son journal intime), Dohm relate ici une quête d'identité. Au crépuscule de son existence, l'héroïne se découvre une soif de connaissance et un désir de liberté qu'elle tente d'assouvir de façon poétique et tragique.
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Étrange destin que celui de la première édition de Feuilles d'herbe puisqu'elle est restée à ce jour inédite en France où Whitman (1819-1892) est souvent cantonné au rôle de poète traditionnel, voire scolaire. L'éminence de ce poème-fleuve dans l'édition de 1855 est à l'image de la hardiesse indéniable d'un brûlot poétique que 150 ans d'existence et sept versions successives semblent avoir rendu toujours plus éblouissant et radical. C'est en 1959 que ce " chef-d'oeuvre enseveli de la littérature américaine " refit surface dans le monde anglophone grâce à Malcolm Cawley où il s'imposa de façon durable. On compte actuellement six éditions de ce texte alors qu'en France nous en restons toujours à l'infatigable entreprise de réécriture menée par Whitman.
Les poèmes en leur premier état paraissent neufs, radicaux et déroutants d'où l'intérêt de les présenter dans cette version au lecteur français. Son " aboiement barbare par-dessus les toits du monde " inaugure la naissance en juillet 1855 de la poésie américaine moderne.
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Notre connaissance d'emily dickinson (1830-1886) demeure encore aujourd'hui fragmentaire, car elle repose sur des choix de poèmes.
De tels choix, même s'ils se veulent aussi représentatifs que possible, risquent à la longue de brouiller la réalité profonde du poète. une autre démarche, face à la diversité des approches consiste à laisser émerger, comme d'elle-même, sa figure unique. d'oú le souci de présenter ici au moins la partie la plus essentielle de son oeuvre, par la traduction de la quasi intégralité des poèmes des années 1861, 1862 et 1863, années-phares, période d'explosion poétique et de créativité intense.
Les textes figurent dans l'ordre oú emily dickinson les a elle-même transcrits dans ses " cahiers cousus ". l'ouvrage vise ainsi à la fois à restituer le tissu interstitiel de la poésie et une architecture altérée par des éditions successives. " oses-tu voir une âme en incandescence ? ". emily dickinson lance un défi à ses lecteurs. tout est en effet vécu par elle dans la fulgurance de l'instant ou dans la simultanéité des émotions.
Son art tient précisément dans l'effort pour porter le temps à l'incandescence, n'en retenir que l'absence blanche, les instants oú il se nie lui-même ou explose pour se changer en éternité. c'est donc un autre mode de lecture que proposent les cahiers. ils invitent à saisir la poésie dans l'abrupt et non dans l'horizontalité du temps, à renoncer aux catégories habituelles de l'intellect, à traverser l'écorce de la chose poétique pour se rapprocher du feu central.
C. m.
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Battements de tambour représente à bien des égards un cas à part dans la production poétique de Walt Whitman (1819-1892). Plus connu comme l'auteur de Feuilles d'herbe (Leaves of Grass), l'oeuvrephare qu'il remania de 1855 à sa mort, Whitman publia en 1865 deux recueils de poèmes consacrés à la guerre de Sécession. C'est le second de ces deux recueils qui est traduit ici. Publié à quelques semaines d'intervalle du premier, il en intègre les pièces et trahit le souci qu'affiche le poète de réagir de façon adéquate à l'assassinat d'Abraham Lincoln, tout en exprimant un espoir de réconciliation entre les deux camps. Si la plupart devaient finir par rejoindre le corpus de Feuilles d'herbe, les poèmes du présent recueil sont présentés dans leur état initial, mêlés à des pièces de circonstance ou à des textes courts, plus contemplatifs et a priori sans rapport direct avec la guerre.
Battements de tambour donne à voir un poète qui tente de trouver un sens au conflit fratricide national, sans jamais prendre parti. Si l'on retrouve de nombreux traits d'écriture typiquement whitmaniens, on cherchera en vain les audaces stylistiques d'un poème comme « Chant de moi-même » ou comme « Je chante le corps électrique ». Le défi, pour le traducteur, est de rendre une langue qui va des accents dionysiaques de l'enthousiasme belliqueux initial aux langueurs apolliniennes de l'élégie pour atteindre un état d'apaisement relatif (et peut-être un brin artificiel). La présente traduction s'est donc attachée à reproduire les différents registres employés dans le recueil, prenant soin de proposer des équivalents aux différents traits d'écriture employés par un poète soucieux de panser les plaies de son pays. Par exemple, dans l'ultra-célèbre « Ô capitaine ! mon capitaine ! », le traducteur a choisi de conserver les rimes de l'original (évacuées par les traducteurs précédents au profit du seul contenu thématique). L'appareil de notes a été réduit au strict minimum afin de troubler le moins possible la lecture des poèmes.
E. A.
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L'ivrognerie de Franklin Evans : un récit d'époque
Walt Whitman
- Corti
- Domaine Romantique
- 24 Mars 2022
- 9782714312716
Afin d'assurer à Franklin Evans une large diffusion, qu'il obtiendra en effet, avec une vente de vingt mille exemplaires, le débutant Walt Whitman, âgé de vingt-trois ans, feint de se joindre à des ligues de vertu, et de se faire prêcheur moraliste et funèbre de l'antialcoolisme.
C'est un prétexte, un paravent, un faux-semblant et, tout compte fait, un excellent outil. L'arrière-pensée, sans doute, se fixe sur les romans picaresques anglais du siècle précédent, dans le but de tracer, sous forme de récit à la première personne, a rake's progress, la carrière d'un libertin, dans des conditions new-yorkaises et autres qu'il a lui-même éprouvées, jalonnées de rencontres décisives de bons et de mauvais anges, où l'on peut soupçonner sous les abus de boissons entre garçons une allégorie d'excès sexuels, les femmes aimées, ou du moins épousées, étant bien présentes, mais se trouvant toutes victimes sur le chemin d'expiation et de réhabilitation du héros ; et tout cela dans un souci de psychologie autant que de sociologie, et puis naturellement avec des envolées inévitables du tempérament poétique, des échappées visionnaires comme celle du remarquable chapitre XX, avec son cérémonial de renonciation au Serpent Tentateur.
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John MUIR Célébrations de la nature Domaine romantique. Traduction André Fayot (USA) ISBN 978-2-7143-1053-8 320 pages - 22 Euros Parution 17 février 2011 Homme d'action avant tout, John Muir n'a, tout compte fait, publié que très peu de livres, et seuls ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse étaient conçus dès l'origine pour former un volume. Il a, en revanche, beaucoup écrit. Du corpus important que constituent ses carnets manuscrits, une petite partie seulement a été mise en forme et publiée - par lui-même (Un été dans la Sierra, Voyages en Alaska) ou, de manière posthume, par son exécuteur testamentaire (Quinze cents kilomètres à pied dans l'Amérique profonde, Journal de voyage dans l'Arctique). Et de la même façon, son énorme correspondance n'a fait l'objet que d'éditions très partielles.
Dispersés dans diverses revues où leur impact sur l'opinion publique et les décideurs politiques était sans doute plus assuré et plus immédiat, ses articles représentent peut-être l'essentiel de son oeuvre. Qu'il s'agisse de portraits de plantes ou d'animaux, de récits de courses en montagne ou d'autres aventures vécues, on y retrouve toujours le passionné de la nature, qui jamais ne se lasse de la décrire, de la louer, de la célébrer. Parler de la nature est pour John Muir un plaisir toujours neuf, toujours renouvelé, un plaisir communicatif. Son enthousiasme lumineux gagne inévitablement son lecteur, qui le voit - et se voit avec lui - plongé dans les paysages grandioses qu'il dépeint, à l'affût d'un oiseau aussi étonnant que discret ou stupéfait devant une fleur jusque-là inconnue.
Tout, en effet, dans la nature suscite l'admiration, et l'article qui restitue cette merveilleuse expérience vibre d'une intense émotion. Mais pas seulement. Il est aussi d'une extrême précision. Précision de l'observateur, précision de l'homme de plume. La sensation de plénitude qu'éprouve le lecteur vient de ce que l'auteur réussit à toucher simultanément le coeur et l'intellect. C'est au moment même où l'information qu'il reçoit est la plus précise que l'impression ressentie est aussi la plus vive, et les deux sont indissociables.
Ce choix de textes majeurs, qui sont autant d'hymnes à la nature, vient ajouter au portait kaléidoscopique de John Muir, dont disposait déjà le lecteur francophone à travers les ouvrages traduits précédemment, une facette nouvelle et inattendue, celle d'un lyrisme flamboyant allié à l'information la plus rigoureuse.
Mais il s'agit aussi de textes de combat, qui, un siècle plus tard, conservent toute leur pertinence. La question de la protection du milieu naturel ne s'est jamais posée avec plus d'acuité qu'à l'heure actuelle. Saurons-nous entendre une voix, qui, dans notre propre intérêt, nous demande d'ouvrir les yeux et de faire preuve de courage ?
Remise en vente : Souvenirs d'enfance et de jeunesse, ISBN : 978-2-7143-0875-7, 20 euros.
Du même auteur chez Corti : Quinze cents kilomètres à pied à travers l'Amérique profonde, 2006 ; Journal de voyage dans l'Arctique. 1881, 2008.
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Emily dickinson a vingt-huit ans lorsqu'elle décide de s'adonner entièrement - sinon publiquement - à sa vocation de poète apparue pendant son adolescence, si l'on en croit les lettres écrites huit ans plus tôt à ses amies.
à l'une en particulier, elle parle de son attirance pour ce qu'elle ne nomme pas mais perçoit d'emblée comme une force rivale de la religion, la poésie : " j'ai osé accomplir des choses étranges - des choses hardies, sans demander l'avis de personne - j'ai écouté de beaux tentateurs... ". qui est cette jeune femme mystérieusement préparée à un rôle auquel elle sacrifie bientôt la normalité de l'existence, vivant de plus en plus retranchée de la société, consacrant tout le temps que lui laisse sa participation aux tâches familiales - celles d'une grande maisonnée bourgeoise - à délivrer le chant qui l'habite ? qui considérera de plus en plus la poésie comme le seul instrument de salut, la seule arme pour lutter contre les tourments et la finitude de la vie, le seul espoir sûr d'éternité face à celui, beaucoup plus hypothétique à ses yeux, de l'au-delà ? sont rassemblés ici des poèmes, de jeunesse comme de la maturité, qui complètent parfaitement l'autre ensemble poétique majeur : une âme en incandescence.
Il y a toujours chez emily dickinson, à quelque période que ce soit, des fulgurances, des poèmes se détachant brusquement des autres, des pics vertigineux parmi des montagnes plus modestes ou même des collines. et elle est capable de passer d'un instant à l'autre de la dépression à l'exaltation et réciproquement.
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Lettres aux amies et amis proches
Emily Dickinson
- Corti
- Domaine Romantique
- 1 Mars 2012
- 9782714310842
Claire Malroux a rassemblé en un seul volume les correspondances féminines et masculines publiées il y a quelques années. Ces correspondances ont un point commun : elles ont poussé Emily Dickinson à forger une prose aussi incandescente que sa poésie, à créer une forme littéraire sans équivalent. Un entrelacement de prose haussée au niveau de la poésie, et de poésie, tantôt ramenée presque au niveau de la prose, tantôt culminant en fulgurations ou éblouissantes condensations. On pourrait parler de texte-Centaure, ou plutôt de texte-Pégase, dont le corps de prose-cheval battrait au rythme d'ailes de poésie.Lettres de haut vol, donc, gardant intacte, au travers d'émotions contradictoires ou de surprenants messages, la force du secret d'où procède toute l'oeuvre. "Une lettre me donne toujours l'impression de l'immortalité parce qu'elle est l'esprit seul sans ami corporel. Tributaire dans la parole de l'attitude et de l'accent, il semble y avoir dans la pensée une force spectrale qui marche seule - Je voudrais vous remercier de votre grande bonté mais n'essaie jamais de soulever les mots qui m'échappent." (Emily Dickinson, Lettre à Thomas W. Higginson) Plus qu'aucune autre correspondance, peut-être, celle de Emily Dickinson est une oeuvre de création, un terrain littéraire ou dramatique où le poète est à la recherche d'un moi à la fois réel et fictif, plus authentique que le moi perçu par le société. Un dialogue entre soi et soi, devant un tiers privilégié, plus proche que le public inconnu auquel s'adressent en dernier ressort les poèmes. Emily se sent de plain-pied avec les femmes, et sans doute même a-t-elle conscience de la supériorité que lui confère son génie d'artiste. Elle peut partager avec elles à demi-mot certains sentiments, certaines aspirations, s'abandonner aussi, non sans ironie, au bavardage à propos de la vie quotidienne, se défouler de la tension à laquelle la soumet son activité de poète. (C.M.)
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La lanterne magique : florilège de pensées
Jean Paul
- Corti
- Domaine Romantique
- 10 Mars 2022
- 9782714312709
De l'âge d'à peu près 15 ans à sa mort, Jean Paul a tenu des carnets où il prenait des notes sur ses lectures, sur ce qu'il voyait et entendait. Il y résumait des livres entiers, y développait ses opinions sur les lectures faites, jetait par écrit des esquisses littéraires diverses qui étaient destinées, ou bien à une reprise dans ses oeuvres, ou bien à une réécriture, ou encore à une adaptation. À ces carnets sont adjoints des rubriques et des index qui permettaient à l'auteur allemand de s'y retrouver dans les quelques 40 000 pages que formait cet ensemble de notes éparses. Les noms que Jean Paul donnait à ces blocs-notes témoignent aussi de ce qu'ils représentaient pour lui : Créations, Intuitions, Pierres à bâtir, Recherches esthétiques, Pensées, Remarques, Aidemémoire, etc. Infiniment précieux à ses yeux, ils font partie intégrante de son oeuvre et de son secret d'écrivain.
Le titre de ce florilège, La lanterne magique, réunit deux éléments fondamentaux de l'écriture jean-paulienne : la volonté de faire voir les choses différemment et celle d'étonner le lecteur, deux qualités inhérentes à toute lanterne magique.
Cette édition présente un choix de pensées, de notes, d'aphorismes, de maximes et de réflexions diverses que l'on a extraits de ces carnets.
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Le succès du Dit du vieux marin, ballade fantastique de Coleridge, éclipsa pendant longtemps à l'étranger les Ballades Lyriques de Wordsworth, qui furent éditées dans le même recueil, selon le projet commun des deux amis. Ces Ballades Lyriques de 1798 sont à considérer comme l'oeuvre de jeunesse d'un poète qui a pourtant déjà publié dans diverses revues et qui commence à avoir en tête un projet théorique bien précis, développé deux ans plus tard dans la première préface de 1800. C'est donc à la fois comme poète et comme théoricien de la poésie qu'il faut considérer celui qui, toute sa vie, remaniera la considérable autobiographie philosophique et poétique du Prélude, dont à bien des égards certains motifs apparaissent déjà dans Les Ballades Lyriques, notamment les bienheureux moments magiques des "spots of time". La progression du recueil retrace aussi un parcours, celui d'un homme du XVIIIe siècle, inspiré par l'esprit des Lumières (le rousseauisme et le godwinisme), celui du poète sensible méditant sur la situation de l'homme en société, sur l'héritage d'une tradition poétique, mais s'engageant aussi progressivement vers une voie de plus en plus personnelle, que l'on dira ensuite romantique : celle de la célébration des humbles, de la chanson triste et simple ou, à l'inverse celle de la comédie. Et il n'est pas de plus grande tendresse, tantôt joyeuse, tantôt douloureuse, que celle qui se dégage des figures d'innocence ou de martyre, telles celles de Johnny dans "Le petit idiot" ou de Martha dans "L'épine".? Enfin, c'est par un poème célèbre, et à redécouvrir, que se termine le premier recueil de Wordsworth : le fameux "Tintern Abbey". Par son inspiration formelle, il rappelle l'héritage sacré de Milton, celui des poètes de la nature et de l'imagination au XVIIIe siècle, tels que Thomson, Akenside, Cowper ; par son inspiration lyrique, il reste certainement l'oeuvre la plus passionnément intimiste, la plus philosophique et la plus sobrement hédoniste du romantisme anglais.?
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Écrits prophètiques des dernières années ; Lettres
William Blake
- Corti
- Domaine Romantique
- 1 Avril 2000
- 9782714307095
Voici donc les derniers textes encore inédits de William Blake qui vont de la pleine maturité à sa mort. Contrairement à l'usage commun Blake ne prédit pas forcément l'avenir, il vaticine et profère des vérités éternelles auxquelles est confrontée la vérité humaine. Dans un ensemble formellement hétéroclite (Jérusalem, Le fantôme d'Abel, des aphorismes autour d'un Laoöcon, des marginalia, l'ébauche d'un Évangile à jamais, des lettres enfin) se fait jour une constante unité de propos. Le Blake des dernières années est " un homme sans masque, au but unique, au chemin tracé tout droit ", " ayant peu de besoins, il était libre, noble et heureux ". Que dit Blake avec tant de constance et avec une netteté croissante ? Que notre imagination est humano-divine, qu'elle est identique au Verbe et donc que l'homme peut rejoindre après bien des larmes le cosmos, le monde matériel n'étant qu'une projection illusoire et éphémère, l'Homme, atome constitutif de l'univers est appelé à devenir le Christ, qui déjà l'habite. Après les combats terribles contre l'esprit mercantile, l'exploitation des enfants et des hommes, il semble bien que William Blake ait atteint ici à la réconciliation des deux mondes (le réel et le spirituel) et donc à une certaine sérénité.
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« Walt Whitman aura été en fin de compte plus prolifique comme prosateur que comme poète. Soucieux de léguer à la postérité cet important volet de sa production littéraire, il supervisera l'édition définitive de ses textes en prose en 1892, l'année même de sa disparition. Il est donc clair que pour Whitman la frontière entre prose et poésie est ténue, ce qui correspond d'ailleurs à la position qu'il revendique:« l'heure est venue ( ... ) de briser les barrières formelles érigées entre prose et poésie.» Les textes retenus ici couvrent quatre décennies de la carrière littéraire de Walt Whitman. Ils donnent la mesure d'un pan négligé et pourtant primordial de sa production : la réflexion théorique. D'une constance à toute épreuve, il associe sans relâche l'évolution démocratique de son pays au développement de la littérature américaine, au sujet de laquelle il fera preuve jusqu'à sa mort d'une férocité volontiers polémique. Les textes proposés ici (réunis de son vivant par le poète dans Recueil et par son exécuteur testamentaire à titre posthume dans Manuel d'Amérique) brossent de façon saisissante et souvent déroutante le portrait d'un penseur inflexible qui s'est donné comme mission impossible d'imposer la poésie comme pierre angulaire de l'édifice social et politique de tout un pays.
À ce titre, pour créer une littérature qui puisse se présenter comme autochtone, il restait encore aux États-Unis, débarrassés du joug britannique, à se libérer de l'idiome hérité de l'ancien pouvoir colonial.
D'où, chez Whitman, l'imbrication si intime du linguistique et du politique.
C'est l'un des enjeux les plus évidents des textes de Whitman qui, le premier, mettra en oeuvre ce que, désormais, on pourra nommer 1'« américanité ».
E.A.
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Lorsqu'il meurt prématurément à quarante-quatre ans, henry david thoreau (1817-1862) n'est parvenu à faire paraître que deux ouvrages, a week on the concord and merrimack rivers (1849) et walden (1854), mais outre le journal qu'il tient régulièrement depuis 1837, il laisse un grand nombre de textes soit en préparation soit publiés dans des revues ou prononcés lors de conférences dans sa ville de concord ou à boston.
Les trois essais regroupés par sa soeur sophia et, publiés en 1864 sous le titre the maine woods, relatent ses trois voyages (en 1846, 1853 et 1857) dans les profondeurs de l'etat du maine, oú, quoique l'exploitation intensive en soit déjà bien avancée, subsistent encore de grands pans de forêt primaire. dans ce pays presque désert, sombre, austère, à l'hydrographie incroyablement complexe, et riche d'une flore et d'une faune très diverses, il peut, plus fortement encore que durant ses promenades autour de concord, être en contact avec le wilderness, la nature sauvage, intacte, exempte de toute influence humaine, et rencontrer une population - les indiens - dont il se sent proche par la façon qu'elle a de vivre dans et avec la nature et non pas contre elle.
Point d'angélisme, cependant, dans cette position, comme en témoigne le premier récit, " le ktaadn ", oú thoreau présente au contraire une nature parfaitement insensible à l'homme et qui ne lui accorde a priori aucune place particulière. c'est dans " le chesuncook ", le plus lyrique des trois, que le sentiment de fusion avec la nature et la conviction de thoreau que l'homme ne se sauvera qu'avec elle s'expriment avec le plus d'intensité.
Quant à " l'allegash ", c'est avant tout le portrait extrêmement concret, précis et chaleureux d'un indien, celui qui a été son guide tout au long du troisième voyage, joseph polis.
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Fragments de poésie ancienne
Ossian/Macpherson/He
- Corti
- Domaine Romantique
- 15 Mai 1990
- 9782714303776
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Milton ; le jugement dernier
William Blake, Raines
- Corti
- Domaine Romantique
- 5 Février 1999
- 9782714306838
Quelque peu connu comme graveur, mais longtemps méconnu dans son propre pays en tant que poète, blake n'y fut découvert à ce titre que vers la fin du siècle dernier par swinburne, puis par yeats qui l'édita.
Assidûment publié et jalousement commenté depuis lors, il est l'objet d'innombrables gloses polyvalentes ou complémentaires comme si, à l'instar de l'ecriture, il avait sans cesse quatre sens. c'est presque vrai. blake accomplit mieux que tout autre le romantisme anglais, s'il est vrai que l'essence de ce mouvement fut de s'ouvrir avec élan, après le siècle de la raison, à l'imagination, que blake égale au verbe et, par là même, rend souveraine.
Des voix venues de l'éternité lui dictent un long poème qu'il appellera milton. l'auteur du paradis perdu dont la pensée l'accompagne et le fascine depuis l'adolescence descend du séjour des bienheureux sur la terre afin de pénétrer celui qui est en quelque sorte son héritier spirituel et de rectifier par sa bouche de vivant les erreurs qu'il a commises dans ses écrits. notre recueil comporte en outre une vision du jugement dernier dans laquelle blake décrit ou plutôt recrée sous forme littéraire une fresque aujourd'hui perdue qui montrait les fins dernières de l'homme enveloppées d'un pardon universel.
Qu'en sera-t-il de l'audience de blake dans les années à venir ? les aspects irrationnels, ou plutôt non mathématiques de sa pensée devraient cesser de nous être étrangers. d'autre part, nous aurions mauvaise grâce à taxer d'outrance ou d'utopie une inspiration libertaire qui a conduit blake à exécrer l'esclave, l'oppression des femmes, le travail forcé des enfants.
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Victime d'un père débauché, brutal et incestueux, personnage sadien avant la lettre, béatrice cenci le fait assassiner avec la complicité de la seconde épouse de celui-ci et de son frère, giacomo, lors d'un séjour au château de petrella.
Ce meurtre une fois découvert, ils sont condamnés à mort et, malgré l'émotion populaire, le pape clément viii leur refuse sa grâce. en 1819, shelley, en exil en italie, ému par le portrait de béatrice cenci peint par le guide, s'empare de ce fait divers devenu historique pour écrire une tragédie.
C'est en même temps, pour le poète, l'occasion de s'attaquer à un genre qu'il n'a pas encore pratiqué et de changer sa manière d'écrire : " j'ai pris grand soin d'éviter d'introduire ce que l'on appelle communément de la poésie pure " (écrit-il dans la préface de sa pièce, également traduite par robert davreu et qui montre combien le poète anglais a eu le souci de la précision jusqu'à l'observation minutieuse des détails du palais des cenci).
Mais, derrière la forme, il s'agit surtout pour lui d'explorer plus avant, à travers son identification à la figure féminine à la fois énergique et douce de béatrice, l'inconscient de sa propre rébellion tenace face à toutes les figures du pouvoir et de l'autorité.
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La mort est omniprésente dans le roman de Moritz. Andreas Hartknopf, Allegorie est avant tout une splendide méditation sur la mort, entrecoupée de considérations souvent originales sur la musique, la poésie, la société, l'Univers et, fort accessoirement, nous l'avons vu, sur la pédagogie. L'auteur s'est même plu à ménager, çà et là, des moments de détente. De nos jours, Arno Schmidt qui s'était fait une spécialité de la réhabilitation des écrivains négligés, déclare que " cette satire géniale se passe de décryptage quant aux détails [...]. Le livre est là, avec ses grandes beautés poétiques [...] ". Il aura néanmoins fallu attendre plus de deux cents ans avant que l'ouvrage bénéficie d'une édition française.
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