Littérature
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Une anthologie est, au sens littéral, un florilège. Et pas plus qu'un bouquet de fleurs n'est un cours de botanique, une anthologie de la poésie n'est ou ne devrait être un cours d'histoire littéraire, un répertoire didactique ou un de ces compromis équilibrés dans lesquels tous les poètes se voient attribuer, à peu de chose près, le même espace. Tout comme la collection de disques du mélomane, ou la collection de tableaux de l'amateur de peinture, une anthologie doit obéir à des critères purement esthétiques.
C'est ce qui la distingue des simples « morceaux choisis ». Donc, elle reflète un goût. Aussi la présente anthologie est-elle une des anthologies possibles de la poésie française, et non une moyenne de tous les goûts possibles. Ayant choisi en fonction de la seule beauté telle que nous la ressentons, nous avons refusé toute ambition historique ou encyclopédique : on trouvera donc les poètes dans ce volume selon l'ordre alphabétique.
Dans de très nombreux cas, le choix proposé ici coïncide avec le choix consacré par la tradition ou les réputations. Dans d'autres cas, il s'en écarte et récuse ces réputations, au risque de scandaliser. En revanche, à côté d'exclusions significatives, il comporte des inclusions inattendues. Le sens d'une anthologie ne peut-être que de raviver la sensibilité poétique en remettant sans cesse en doute la question de ce qui est et de ce qui n'est pas de la poésie.
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L'originalité de l'essai de Jean-François Revel consiste à juger le roman de Proust en « lecture directe » et non pas à travers les idées esthétiques professées par l'auteur et reprises par ses commentateurs. La théorie bergsonienne de la « double mémoire », postulat philosophique de l'oeuvre, est, littérairement, son apport le plus faible. Quant à la célèbre « continuité proustienne », quant au sens aigu du déroulement temporel, ils n'existent pas. Le génie de Proust est non pas d'avoir révolutionné la forme du roman mais d'avoir inventé un roman sans forme, une nouvelle matière romanesque. Proust a fait sien l'axiome de Ruskin pour qui « le devoir de l'écrivain est de percevoir la réalité » et, dans son oeuvre, il a porté cette exigence à sa plus haute expression, de telle manière que l'art et la vie s'y trouvent indissolublement liés. Il n'est pas pour autant un écrivain naturaliste. C'est un visionnaire : mais comme Saint-Simon ou Tacite, un visionnaire du vécu.
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Le style du Général ; de la légende vivante au mythe posthume
Jean-françois Revel
- Complexe
- 7 Mai 2008
- 9782804801496
Voici donc un exercice de sémiologie politique et d'analyse stylistique qui, comme dévoilement de la pratique du pouvoir, n'a rien perdu de son actualité en ces temps où, cinquante ans après le retour de De Gaulle, un nouveau manieur ambigu des mots se trouve à la tête de la République.
En juin 1959, un an après le retour au pouvoir de De Gaulle, quelques mois après la fondation de la Ve République et l'élection du « plus illustre des Français » comme président de la République, Jean-François Revel, alors jeune intellectuel et journaliste de 35 ans, publie Le Style du Général, que The Observer, à Londres, salue comme « le premier pamphlet antigaulliste de l'histoire de la Ve République ».
Un pamphlet ? Certes oui, car le réquisitoire est sévère sur la « manie de grandeur » d'un homme qui se considère comme une « incarnation perpétuelle de la France éternelle ». Mais il s'agit également d'une analyse approfondie de la langue du général de Gaulle, soulignant ses approximations et ses enflures, traduisant une pensée profondément conservatrice.
Antigaulliste ? Sans doute, puisque Jean-François Revel ne partage pas l'enthousiasme des thuriféraires du nouveau régime. Mais ce texte montre également en quoi De Gaulle est un maître virtuose dans l'art de gouverner par le verbe.
Voici donc un exercice de sémiologie politique et d'analyse stylistique qui, comme dévoilement de la pratique du pouvoir, n'a rien perdu de son actualité en ces temps où, cinquante ans après le retour de De Gaulle, un nouveau manieur ambigu des mots se trouve à la tête de la République.
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Les éditoriaux de Jean-François Revel comptent depuis trente ans parmi les plus influents de la presse française. On l'a souvent comparé à Raymond Aron pour l'exactitude de ses analyses, et aux écrivains du XVIIIe siècle pour la vivacité de son style. Chroniqueur politique et littéraire, il a toujours été suivi par un très large public, d'abord à L'Express de 1966 à 1981 puis au Point à partir de cette date.
Les chroniques qu'on lira ici s'échelonnent sur les deux dernières décennies. A des articles du Point s'ajoutent quelques papiers parus dans la presse étrangère puisque Revel, jouissant d'une réputation internationale, a également collaboré à des journaux italiens, américains, espagnols et latino-américains.
La période couverte par ces textes est probablement l'une des plus décisives, sinon la plus décisive du XXe siècle. C'est, en effet, durant ces années que l'humanité aura vu se désagréger les grands systèmes totalitaires communistes qui, il y a encore quinze ans, couvraient la majeure partie de l'Europe et de l'Asie, et poursuivaient leur expansion tant en Afghanistan qu'en Afrique et en Amérique centrale. Et en même temps qu'une révolution politique et économique, les deux dernières décennies du siècles ont vécu une importante révolution culturelle, à travers, en particulier, la disparition des grands systèmes d'explication du monde au profit d'une philosophie plus proche des hommes.
Avec l'effacement des grands systèmes totalitaires dans l'ordre de la pratique et des grands systèmes philosophiques dans l'ordre de la théorie, c'est au fond à la renaissance de l'individu, de la pensée et de la liberté individuelle que Revel nous fait assister pas à pas, épinglant à l'occasion les ridicules du temps, maniant la satire avec autant de bonheur que l'analyse. -
Jean-François Revel va droit à la question clé de notre temps, à savoir le lent glissement qui nous fait consentir à l'impérialisme soviétique. Les démocraties ne vont pas mal, dit-il. Et elles ne sont plus, comme dans les années trente par exemple, menacées par une gangrène intérieure. Mais tout se passe comme si elles avaient par avance abdiqué devant la force. Comme si les cadres mentaux étaient prêts, déjà, pour accepter la servitude. Et comme si, avant même que de livrer bataille, nous nous étions résignés à l'inévitable. Ce livre, autrement dit, n'est pas le énième livre sur le totalitarisme. C'est le premier qui pose, avec cette rigueur et cette lucidité, le problème du destin des démocraties ; ces régimes bénis qui pourraient bien apparaître très bientôt comme de minces et précaires parenthèses à la surface de notre histoire. Et si la démocratie n'était qu'une infime péripétie ? Et si notre Occident s'avérait n'être qu'un accident ? Et si, non point par la force ni les chars seuls, mais par une sourde entropie dont nous serions les acteurs, le totalitarisme devenait le destin même de la planète ?
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L'Etat est partout, coûte de plus en plus cher, veut tout faire et fait de plus en plus mal tout ce qu'il fait. Tel est le sentiment qui monte depuis peu dans les opinions publiques. Est-ce la fin d'une longue période pendant laquelle une majorité de citoyens pensait que l'élargissement du rôle de l'Etat était plutôt bénéfique ? On constate aujourd'hui dans les pays développés, mais aussi dans le tiers monde, une véritable nausée devant l'hypertrophie d'un Etat envahissant et inefficace. Bref, l'individu redemande le pouvoir. En France, c'est au moment précis où émergeait cette révolte que le régime socialiste accroissait massivement l'intervention de l'Etat dans la société, commettant ainsi un grave contresens culturel. En quoi consiste cette lassitude devant cet Etat impotent et omniprésent ? D'où vient ce retournement de la sensibilité dans le monde moderne ? Vivons-nous une révolution néo-libérale ? Peut-elle aboutir à des réformes viables ? Tel est le mouvement que Jean-François Revel suit ici pas à pas et les questions auxquelles il propose des réponses.
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Jean-François Revel avait déjà acquis une large célébrité lorsque, en 1993, à presque 70 ans, il s'engagea dans une aventure toute nouvelle : la rédaction de ses Mémoires. Cette éblouissante traversée d'un demi-siècle d'histoire, de culture et de rencontres confirma que l'écrivain n'était inférieur ni au philosophe ni à l'essayiste. En janvier 1997 parut Le Voleur dans la maison vide. L'événement fut à la hauteur de ses ambitions, Revel s'inscrivant dans la lignée des plus grands mémorialistes, celle du cardinal de Retz et de Saint-Simon.
L'ouvrage parcourt un territoire foisonnant, de l'enfance marseillaise à la direction de L'Express, de la Résistance, où Revel fut très actif, aux séjours mexicain et italien, hauts en couleur, de ses amitiés avec Breton, Bunuel, Raymond Aron ou Vargas Llosa à son bref compagnonnage avec François Mitterrand, des subtilités de la gastronomie aux pièges de l'alcool... Portés par un sens saisissant du récit et du portrait, ces Mémoires au style inimitable illustrent ce que valent, chez un homme d'une inlassable curiosité, pourfendeur des idées reçues, le courage du caractère et la force de l'esprit.
Dans cette édition définitive figurent un chapitre qui avait été retiré du manuscrit originel du Voleur dans la maison vide et cinq autres entièrement inédits initialement destinés à former, sous le titre pittoresque de Bada, une suite qui fut interrompue par la maladie et la mort de l'auteur. Encore enrichi ici d'entretiens donnés en juin 2002 à France Culture, ce témoignage s'impose comme une oeuvre politique et intellectuelle de premier ordre. -
L'Amérique a toujours été considérée, par tous les pays du monde et plus spécialement par les pays européens, à la fois avec envie et mépris.
Elle l'est davantage encore depuis qu'elle est devenue, au XXe siècle, une grande puissance, et surtout depuis qu'elle est, à la suite de l'effondrement des empires communistes, la seule superpuissance planétaire. Qu'est-ce qui, dans cet antiaméricanisme général, est fondé sur une connaissance des réalités, sur une analyse des faits, et qu'est-ce qui s'explique par les survivances d'idéologies fossiles, par un ressentiment irrationnel, générateur d'informations fausses et de phobies, imputables aux échecs des pays mêmes qui critiquent sans cesse les Etats-Unis en leur attribuant des défauts souvent imaginaires ? Jean-François Revel avait déjà traité cette question dans Ni Marx ni Jésus, livre paru en 1970 avec un grand succès international.
Mais depuis lors la situation a bien entendu évolué, du fait de l'émergence des Etats-Unis comme unique " hyperpuissance ", à la fois économique, stratégique et, jusqu'à un certain point, culturelle. L'animosité à l'égard de l'Amérique a décuplé. On l'attaque à la fois comme modèle de société et comme force prépondérante dans les relations internationales. Cette diabolisation a même poussé certains courants islamistes jusqu'à l'hyperterrorisme religieux qui a surgi en 2001.
Mais bien d'autres pays, sans aller jusqu'à ces extrêmes, partagent les sentiments qui les inspirent. Il y a donc lieu d'actualiser la question de l'antiaméricanisme et de réexaminer ce phénomène politico-culturel à la lumière des transformations survenues depuis une trentaine d'années. C'est ce que fait Jean-François Revel dans L'Obsession anti-américaine. Comment l'Amérique est-elle vue par les autres et comment est-elle en elle-même ? Mesurer et expliquer l'écart entre la vision et la réalité, tel est l'objet de ce livre.
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