«Quelle heure est-il ? Tôt le matin, l'Europe se met en route pour l'école. Elle rapporte ses devoirs à la maison : lutter contre les poussées en arrière par un élan vers une union plus étroite. Le devoir sera effectué par les meilleurs élèves, ceux du noyau fondateur. Que feront les autres ? Ils suivront, un peu à contrecoeur, par le chemin des écoliers.» Dans cet essai inédit, prolongé par quelques textes d'intervention précédemment parues dans la presse, Erri De Luca exprime son attachement à une Europe ouverte et humaniste. Revendiquant son devoir d'ingérence au nom de la mixité des cultures, il nous offre, par ses mises à feu, sa vision d'une communauté humaine au-delà des frontières - telle que la littérature sait l'incarner : «Le remède obligatoire et immunitaire reste la lecture des livres du monde. Je leur dois d'être porteur de citoyennetés variées et de fraternité européenne.»
La valeur particulière de ce dialogue tient à ce que ses deux auteurs ont, l'un, Erri de Luca, récemment risqué la prison pour défendre le droit à l'usage d'un mot : « sabotage », et l'autre, José Bové, fait de la prison en 2002 parce que la justice lui refusait le terme « démontage festif » au profit de « saccage » dans son action contre le McDonald's de Millau, temple de la malbouffe. Rétablir la vérité des mots, relier une parole juste à des actes justes : voilà bien le sens de cette élégante leçon dispensée par le très grand écrivain italien et le fameux député européen. Non pas donc un ennième discours « sur » la justice et la désobéissance, mais bien une incarnation, par le langage, de ces deux grands thèmes éternels, auxquels s'ajoute évidemment l'écologie.