Si Freud n'avait pas commenté la Gradiva et si André Breton n'avait pas reconnu le surréel à l'oeuvre dans cette merveilleuse «fantaisie pompéienne», le nom de Jensen serait enseveli dans l'oubli. Pourtant Jensen est loin d'être l'auteur de la seule Gradiva ; dans bien d'autres de ses récits on retrouve la même part de rêve, on retrouve aussi le même attrait pour l'inoubliable amour d'enfance qui, avec la Maison gothique, s'approche de l'inceste entre frère et soeur.Dans cette maison chargée du poids du passé, où les temps se mêlent, le lecteur n'aura pas de peine à voir une métaphore de l'inconscient et, dans le narrateur-médecin, l'anticipation de la figure d'un psychanalyste capable de dénouer les fils du destin et de nous délivrer de cette mélancolie qui nous rend esclave de l'objet perdu.
Gradiva, celle qui avance. Gradiva rediviva, celle qui réapparaît à l'heure de midi dans les ruines de Pompéi et qui va donner vie, forme, objet au désir de Norbert Hanold, jeune archéologue. Gradiva, fantaisie pompéienne, écrite par Wilhelm Jensen en 1903 est surtout connue par le texte de Freud publié en 1907. Désireux de percer le secret de la création artistique, il analyse le texte de Jensen. « Nous brûlons de savoir, écrit-il, si une guérison du genre de celle que Zoé/Gradiva réalise chez Hanold est compréhensible ou, tout au moins possible, et si le romancier a aussi bien saisi les conditions de la disparition du délire que celles de sa genèse. »
Nouvelle traduction d'un roman de Wilhelm Jensen paru en allemand en 1903. Un jeune archéologue tombe sous le charme d'une représentation féminine sur un bas-relief qu'il nomme Gradiva. Il rêve de sa Gradiva vivante dans la cité de Pompéi, entreprend le voyage en Italie, et la découvre là-bas revenue à la vie, illusion ou réalité?
Un charme étrange se dégage de ce récit de Wilhelm Jensen, dont la montagne et les ruines d´un mystérieux château forment le cadre romantique. Sur fond d´amour absolu et de poésie, le passé ressurgit chez le narrateur à travers une série de réminiscences parfois teintées de troubles hallucinatoires.
On reconnaît là les thèmes de la Gradiva, du même auteur, oeuvre à laquelle Freud consacra, en 1907, une remarquable étude. Mais alors que la femme représentée sur un bas-relief de Pompéi bouleversait le coeur d´un timide archéologue cherchant à esquiver une réalité oppressante, ici c´est une jeune fille bien vivante qui occulte l´image d´une autre porteuse d´ombrelle rouge, aimée autrefois, morte à dix-huit ans, et que le héros croyait avoir oubliée...
Ce texte n'avait jamais été traduit depuis sa parution en 1892. Jean Bellemin-Noël présente au lecteur français et commente, à la lumière de la psychanalyse, ce roman célèbre en son temps mais injustement méconnu aujourd'hui.