Mallarmé, l'expert en deuils familiaux, et pour cette raison sans doute tout en distance et en ironie, fréquentait déjà les anarchistes et les cabarets proto-dadaïstes. Ne l'oublions pas, car sinon nous risquerions du même coup d'oublier que sa leçon principale, comme celle de Debord, est une leçon de liberté. Il n'hérite de la grande tradition lyrique française que pour en achever, à la suite de Baudelaire, le retournement, pour la vouer à l'impiété, à l'absence de croyance.
À la place du prophète (Hugo et ses spectacles divins), on ne trouvera désormais qu'un petit prof d'anglais un peu pitre à force de préciosité, qui nous confronte à ses énigmes, les nôtres tout aussi bien, puisqu'elles sont pétries de nos croyances. Ou un petit Ponge perpétuellement sans le sou, qui a largué toutes les amarres surréalistes et autres pour se réinventer hors-transmission, hors-tradition, comme son lointain ancêtre Malherbe, le seul dont il veuille bien hériter.
En fin de compte, s'il y a quelque chose qui se transmet, c'est cela : la passion de l'interruption, de la discontinuité, la table rase de ceux qui naissent plus ou moins ruinés et qui s'arriment à leurs ruines pour en émerger dans leur singularité, pour nous donner à lire la liberté qu'ils ont su y trouver. Nous les lisons parce que nous ne pouvons pas les suivre, parce qu'ils n'ont pas voulu être suivis et parce qu'ils nous apprennent à nous passer d'héritage.
Sommée plus que jamais de se conformer aux impératifs du spectacle, la littérature contemporaine évolue à grands pas. S'il veut exister sur la scène littéraire, l'écrivain doit désormais accepter de comparaître devant les médias, avouer ce qu'il est, attester son authenticité, témoigner d'un goût prononcé pour le sacrifice. Or, ce choc culturel intervient au moment même où l'auteur se trouve en quelque sorte déprofessionnalisé par l'émergence des réseaux sociaux et l'injonction qui lui est faite de se soumettre au jeu, qui est le propre de l'interactivité.
Vivons-nous pour autant la fin de la littérature ? Les impératifs de la téléréalité auront-ils raison de la création et de la culture littéraires ? Sûrement pas, et cette introduction à la littérature contemporaine récuse toute perspective « décliniste ». Elle prend acte, tout simplement, qu'à l'ère du numérique, le statut de l'auteur a changé comme ont changé nos façons d'être au monde.
Vincent Kaufmann est professeur de littérature et d'histoire des médias au MCM Institute de l'Université de St. Gall en Suisse. Il est notamment l'auteur de Guy Debord. La révolution au service de la poésie (Fayard, 2001) et La Faute à Mallarmé. L'aventure de la théorie littéraire (Seuil, 2011).
Introduction, 3 L'album de famille, 3 Le livre à l'horizon, 8 A l'ombre de Mallarmé, 13 Payer de sa personne (Leiris), 17 Langues, 27 Un langage sans réserve (Breton), 27 La langue en souffrance (Artaud), 40 Au défaut du sujet (Oulipo), 48 Anges de pureté (situationnisme), 53 Du mythe au mathème (Lacan), 62 Sacres, 69 Du poème à la performance (Mallarmé, Breton), 69 Ceci est mon corps (Artaud), 76 Retour d'Afrique (Leiris), 84 Acéphale : la chute du Livre (Bataille I), 93 Au-delà du sacré (Bataille II), 102 Politiques, 113 Exercices de tir et de politique (surréalisme), 113 Sectes (Caillois), 125 Quand tout dire c'est tout faire (situationnisme), 136 Un rêve de Sartre, 142 Tel qu'en lui-même enfin Tel Quel le change, 148 Villes, 157 Le Livre, la ville (du côté de Saint-Simon), 157 La ville, le roman (Caillois), 163 Portes ouvertes (Breton), 171 Passage d'Aragon, 177 Jeux invisibles (situationnisme), 181 Élévations (situationnisme), 189
La théorie littéraire se constitue à partir des années 1950 au carrefour de la nouvelle critique, de la mouvance structuraliste et de pratiques littéraires avant-gardistes (du Nouveau Roman à Tel Quel). Elle est avant tout le projet de défendre l'autonomie et la spécificité de l'espace littéraire.Dans quels contextes culturels la théorie littéraire est-elle née ? Quels en étaient les enjeux ? Et pourquoi, encore vingt ans après son effacement du paysage intellectuel, continue-t-on de dénoncer le " démon de la théorie " et ses effets délétères, notamment à l'école ? Ce livre ambitieux tente de répondre à ces questions, en proposant une histoire raisonnée et personnelle de la théorie littéraire. Éclairant des notions aussi centrales que la " réflexivité " ou la " mort de l'auteur ", souvent mal comprises, Vincent Kaufmann montre aussi que son imaginaire révolutionnaire a fait de la " théorie " un lieu incontournable de résistance et d'anticipation : résistance au déclassement progressif de la chose écrite et anticipation des transformations des pratiques d'écriture et de lecture dans le nouveau monde numérique. Une manière de dire que les outils de la théorie littéraire n'ont jamais été aussi utiles qu'aujourd'hui.Dans une dernière partie, l'auteur a voulu donner la parole à ceux qui furent parmi les principaux acteurs de cette aventure (G. Genette, J. Kristeva, J. Ricardou, P. Sollers, T. Todorov, etc.), afin de comprendre le rapport qu'ils entretiennent aujourd'hui avec cette histoire.
Le phénomène urbain a entamé une profonde mutation sous l'effet des potentiels de vitesse rendus possibles par les systèmes de transport et de communication à distance, et dont l'impact sur la société et ses territoires est considérable. Ces technologies ont été plébiscitées par la population, qui les utilise aujourd'hui de façon intensive.
Cet ouvrage se propose d'explorer ce qui fait la persistance de la ville contemporaine à partir de la mobilité. Les acteurs individuels et collectifs sont doués de mobilité, ils déploient des compétences assez pointues et disposent d'aptitudes imaginatives pour s'approprier des systèmes techniques qu'ils mettent au profit de projets personnels ou collectifs, voire d'entreprise.
L'ouvrage est volontairement fidèle à une posture dialectique entre développement théorique et mise en tension avec des données de recherches empiriques.
Il contribue ainsi à alimenter les débats qui traversent actuellement la recherche sur les mobility studies, la gouvernance urbaine, l'exclusion sociale, le droit à la ville, la gentrification et l'étalement urbain. Retour sur la ville se termine par la proposition de dix thèses sur la ville et l'urbain.
PREMIERE BIOGRAPHIE INTELLECTUELLE DU CONTESTATAIRE LE PLUS RADICAL DES ANNEES CINQUANTE ET SOIXANTE, PAR L'UN DES SPECIALISTES FRANÇAIS DES AVANT-GARDES LITTERAIRES.
Né en 1955, Vincent Kaufmann est professeur d'histoire des idées et de littérature française à l'Ecole des hautes études économiques, juridiques et sociales de Saint-Gall, en Suisse. Il a enseigné à Berkeley (Californie) entre 1990 et 1996.
l'imaginaire médico-religieux : un chapitre méconnu de l'histoire de la littérature moderne.
de balzac à guibert, de michelet à leiris, en passant par zola, huysmans, artaud et tant d'autres, un tel imaginaire a configuré les conceptions les plus diverses de la littérature et de l'art.
portraits de l'écrivain en clinicien, en anatomiste de la société, en guérisseur, ou encore en patient, digne de compassion : dans leur variété, ces figures renvoient à une problématique inséparablement médicale et religieuse.
on suit ainsi les avatars littéraires d'un très vieux ménage à trois : l'artiste, le médecin, le prêtre. pacifique, dit-on, dans les temps anciens (celui des chamans par exemple), ce ménage est devenu problématique et conflictuel chez les modernes. ii est traversé de divergences, d'exclusions, d'alliances des uns aux dépens des autres, de neutralisations et de retrouvailles.
la littérature moderne n'est certes pas identifiable au médical, ni au religieux, mais elle s'y confronte comme à autant de tenaces altérités.
toute son histoire en suscite et en défait les croyances. ménage à trois, donc : mais avec scènes de ménage...
Au sein d'un couple, souvent l'un et l'autre exercent leur profession dans des villes différentes. Dans leur existence pimentée de vols lointains pour le travail ou les loisirs, ils bougent sans cesse. Se sentent-ils pour autant plus libres? En outre, ils tiennent à s'enraciner dans leur maison de campagne.
Ce va-et-vient caractérise la société contemporaine, ample phénomène dont le sociologue Vincent Kaufmann, après de longues enquêtes, analyse les conséquences: éclatement urbain, rôle impérieux de la voiture, embouteillage des transports, sort des enfants, et surtout capacité personnelle de s'adapter à cette mobilité, financièrement et mentalement, sous peine d'être marginalisé.
Ce livre décrit aussi les transformations de quartiers de Paris tout comme les conséquences sociales du 'modèle suisse' donné comme exemple en Europe: les transports publics à Berne ou Zurich.
Pouvoir se déplacer de plus en plus rapidement grâce à la vitesse du train, de la voiture, de l'avion... a fondamentalement modifié nos modes de vie. Mais si voyager toujours plus loin, vite et à bas coût, au quotidien et pour les vacances, exauce les rêves de liberté et de découverte d'une partie croissante de la population mondiale, il y a un revers à la médaille?: pollution, fatigue, stress, inégalités, fragilité du système et congestion. La récente révolution numérique n'a permis de diminuer ni les déplacements ni le rythme de vie de nos contemporains. Est-il (encore) possible de sortir de l'emprise de la vitesse??«Inspirant et précurseur.» Les ÉchosCette réflexion est précédée d'un texte autobiographique de l'écrivain Nicolas Mathieu.Tom Dubois,Christophe Gay,Vincent Kaufmannet Sylvie Landrièvesont membres du Forum Vies Mobiles, institut de recherche sur la mobilité et les modes de vie du futur.
Regroupant plus de 400 cartes postales anciennes, L'Alsace d'antan propose de plonger au c½ur de l'Alsace en 1900. Ces clichés uniques captent la vie et le quotidien des Alsaciens au début du vingtième siècle : le travail de la terre et de la vigne, les petits métiers d'alors, les ports et les canaux, les grandes cités, la vie des villages, le folklore et la naissance du tourisme.
Cet ouvrage se penche sur une question cruciale pour nos sociétés contemporaines, celle de la planification d'un projet d'urbanisme engagé dans la réduction des consommations énergétiques.
La diversité des rapports des personnes à l'espace et au temps, la variété de leurs aspirations et la place parfois hégémonique de la voiture dans ce cocktail constituent en effet des défis de taille.
Derrière cette difficulté à faire évoluer les pratiques, notamment lorsque les enjeux collectifs deviennent colossaux, se cache une compréhension souvent imparfaite des phénomènes sociaux, des pratiques et des leviers qui les soustendent.
Le présent ouvrage propose un état des lieux des relations entre modes de vie et consommation énergétique à partir de travaux de recherche originaux et récents portant sur l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, les États-Unis, la France, l'Italie, la Grande-Bretagne, le Japon, la Suisse et la Turquie.
Avec des approches variées autour des consommations domestiques, des pratiques de mobilité, des enjeux frontaliers, ou encore sur la question de la vitesse et sa place dans nos sociétés, cet ouvrage permet de mieux comprendre les comportements en termes d'activités et de mobilité et la complexité des logiques qui les sous-tendent avec des outils simples et appropriables.
Nous vivons dans un monde toujours plus saturé. Saturé de signes, de normes, d'objets et de sollicitations qui tous contribuent à nos aliénations quotidiennes. Afin de retrouver les voies d'une émancipation, ce manifeste défend l'idée que la réponse à cette saturation réside dans la capacité à retrouver la maitrise politique de nos rythmes, qu'ils soient individuels ou collectifs. Les auteurs explorent dans ces pages la part fondamentalement spatiale et territoriale du temps et les dynamiques temporelles des formes spatiales afin de formuler les grandes lignes d'une rythmologie. Ils invitent à ne pas simplement opposer le plein au vide, le ralentissement à l'accélération ou encore le surmenage à l'ennui mais à penser ensemble ce qui nous permet de souffler et ce qui nous fait désirer. En retrouvant son sens premier de « façon de fluer », le concept de rythme permet de proposer une conception dynamique des sociétés, de mêler la mesure et l'expérience, d'ajouter aux régularités les mouvements spontanés, les aléas, la désorganisation et le désordre. De façon plus pratique, il permet d'analyser et de gérer des questions aussi diverses que la congestion du trafic, l'épuisement personnel ou l'accueil des foules. La politique des rythmes constitue au final un appel à une approche chorégraphique de l'émancipation, soucieuse d'accueillir les différentes manières de vivre tout en composant un monde en commun.
La mobilité est omniprésente dans nos vies quotidiennes. Son ampleur et sa croissance posent de nombreuses questions, tant politiques et sociétales que scientifiques, quant à sa gestion et sa régulation. Phénomène complexe, la mobilité requiert une analyse interdisciplinaire pour en saisir les différentes dimensions. C'est ce à quoi s'attache cet ouvrage, en ouvrant un dialogue entre sciences de l'ingénieur et sciences sociales. Sur la base de nombreuses recherches récentes, il discute de manière critique dix grandes questions fondamentales relatives à la mobilité. Il montre les points qui font consensus, identifie ceux pour lesquels une controverse scientifique existe, et prend à contrepied certaines idées dominantes.
Par sa démarche originale, ce livre s'adresse principalement aux étudiants en sciences de l'ingénieur et en sciences sociales désireux de se familiariser avec les enjeux actuels de la mobilité, mais il se destine également à tous ceux curieux et désireux de mieux comprendre les multiples facettes de la mobilité.
Le concept de mobilité a connu un essor fulgurant au cours des deux dernières décennies. Une large part des sciences sociales s'est intéressée aux différentes formes de la mobilité, à partir d'une grande diversité d'échelles spatiales et temporelles.
Cet ouvrage présente les différentes échelles spatiales et temporelles de la mobilité et la manière dont elles font système, en leur associant des objets de recherche incontournables et originaux. Il propose un état des connaissances scientifiques approfondi, une mise en perspective des enjeux sociétaux majeurs, des outils d'analyse ainsi qu'une discussion des principaux débats académiques actuels.
Les auteurs mettent en relief la nécessité d'une prise en compte conjointe des échelles spatiales et temporelles de la mobilité pour faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux contemporains. Dans cette perspective, l'ouvrage invite notamment à penser l'enchevêtrement de ces différentes échelles à partir de l'analyse des rythmes en fondant une rythmologie des mobilités contemporaines.
Découvrez Mobilité sans racines - Plus loin, plus vite... plus mobiles ?, le livre de Stéphanie Vincent-Geslin. Etre mobile aujourd'hui ne se résume plus au simple fait de se déplacer classiquement entre son domicile et son travail. A l'heure où les mobilités se recomposent du fait de l'évolution des modes de vie et des technologies, de transport comme de communication, la notion même de mouvement doit être interrogée. C'est ce que fait depuis plusieurs années l'Ecole de sociologie suisse. En proposant de centrer le regard sur des enjeux, trop souvent passés sous silence - enjeux sociaux, interactions entre mobilité spatiale et mobilité sociale et professionnelle, etc. - c'est à une nouvelle pensée de la mobilité que ses travaux parviennent. Dirigé par Vincent Kaufmann et Stéphanie Vincent, cet ouvrage offre un regard original sur certaines mobilités contemporaines : les mobilités réversibles. Habiter à Paris et travailler à Londres ou prendre l'avion plusieurs fois par semaine sont autant d'exemples de ces modes de vie pendulaires que seuls le niveau technologique et la configuration professionnelle des sociétés contemporaines permettent. Cette catégorie des mobilités impliquant le franchissement aller-retour de grandes distances par des moyens de transport rapides mérite une analyse approfondie permettant de saisir les implications personnelles de tels modes de vie.
La perception des moyens de transport a-t-elle changé depuis les années 90 ? Le cas échéant, comment cela se traduit-il dans l'utilisation des moyens de transport ? Quels sont les liens entre les politiques de transports, l'image et l'usage des moyens de transport au quotidien ? Cette analyse se base sur les données du module « Opinion » des Enquêtes Ménages Déplacements (EMD) « standard Certu ». Ce module recueille les adjectifs cités pour qualifier les trois modes de déplacements (voiture, transports collectifs et vélo). Les personnes interrogées, répondant au questionnaire « opinion », ont été amenées à citer trois adjectifs correspondant, le mieux selon elles, à chacun des trois modes.
Gaby, Martin, Émilie ou Jean, ces hommes et ces femmes dont la vie est rythmée par les transports sont au coeur de cette enquête. Le lecteur plonge dans leur quotidien raconté en bande dessinée, découvrant ainsi la diversité des situations, les différentes perceptions de cette mobilité. Loin des clichés habituels sur le profil type du « grand mobile », ce livre s'immisce dans la vie quotidienne de ceux que l'on croise tous les jours...
Un texte des chercheurs ayant conduit cette enquête accompagne ces tranches de vies et vient éclairer scientifiquement les répercussions et les situations sociales liées à cette grande mobilité.
Les éléments et les situations décrits dans cet ouvrage proviennent d'une enquête sociologique européenne de grande envergure menée dans six pays entre 2006 et 2011. La partie française a été menée par les chercheurs de LaSUR (Le Laboratoire de Sociologie Urbaine) de l'École Polytechnique de Lausanne et a été financée par le Forum Vies Mobiles.