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Kime
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A-t-on déjà tout écrit à propos des relations entre Flaubert et Maupassant ? On pourrait le croire puisque la critique a souvent noté les liens humains entre les deux écrivains.
Néanmoins, on a trop peu relevé le dialogue permanent qui les a uni par le biais de leurs échanges épistolaires et de leurs oeuvres. Or, les conseils et les encouragements de l'aîné, la collaboration, plus tard, du cadet au service du maître de Croisset, les hommages réciproques ou encore l'admiration de l'un pour l'autre ont enraciné dans le terreau de la proximité intellectuelle - jusqu'à l'identique ? - une relation de qualité qui semble ne pas avoir eu d'équivalent.
Par la confrontation des écrits de Flaubert et de Maupassant, se dessinent les contours mieux tracés de la délicate réponse à la question de l'héritage littéraire. Les deux écrivains, en effet, illustrent assez bien les problèmes de l'influence en littérature, du legs d'un patrimoine et des conditions de ce legs : comment transmettre un art poétique, des conceptions à la fois esthétiques et philosophiques, une vision de la chose littéraire ? Quel rôle pour le maître et comment devient-on un disciple ? Comment s'affranchir aussi, une fois tirés les meilleurs enseignements ? Voilà autant de sujets abordés par cette étude qui, sans prétendre à une systématisation, cherche à théoriser sur cette notion d'amitié littéraire grâce à l'observation empirique de ces deux monstres sacrés.
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A la mode au XIXe siècle, devenu argument publicitaire au siècle suivant, l'anticonformisme apparaît à Maupassant comme le gage de la modernité et de sa réussite littéraire.
Il est synonyme d'individualisation dans la création artistique et de singularité de l'oeuvre en un temps où l'autonomisation de la littérature a réduit à néant les prétentions didactiques du texte et le rôle de maître à penser de l'écrivain. Avec ses contes et ses nouvelles, avec ses chroniques aussi, Maupassant se fait le chantre d'une écriture de la polémique. Corrosif et dérangeant, il s'attaque à tous les sujets qui posent problème dans une société aux fortes règles morales.
Des questions de la sexualité et de la femme à celles de la politique et de la littérature, en passant par la remise en cause des grandes valeurs fondatrices telles la famille et la religion, Maupassant bouleverse toutes les opinions reçues. Pessimiste jusqu'au nihilisme, amorale plus qu'immorale, son oeuvre dénonce sans rien proposer. Pourtant, le succès de Maupassant aujourd'hui s'explique bien par une telle posture où scénographie auctoriale et conceptions esthétiques s'accordent avec des choix d'écriture pour faire émerger une oeuvre intemporelle et universelle : une littérature de la provocation.
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Malgré quelques succès de librairie incontestables et une existence littéraire dense, Maxime Du Camp est tombé dans l'oubli. Depuis la fin de sa vie, il n'en est plus sorti. Ami de Théophile Gautier, éditeur des plus grands écrivains de son temps, de Baudelaire aux frères Goncourt, il n'est plus connu que pour ses Souvenirs littéraires et ses révélations fracassantes sur la santé de son grand ami : Gustave Flaubert.
Condamné pour son infidélité et considéré comme un traître aux théories esthétiques de l'auteur de Madame Bovary, Maxime Du Camp n'est plus lu ; jamais cité, il est rarement réédité. Pourtant, Du Camp a écrit deux grands romans, dont l'un rencontra très largement le public, deux recueils de poésie, dont l'un se présenta comme le manifeste d'une modernité révolutionnaire, et une belle série de contes et nouvelles.
Largement empreinte de romantisme mais en adéquation avec le réalisme de son époque, son oeuvre a contribué à offrir dans la seconde moitié du XIXe siècle une autre littérature que celle de Flaubert. Si le personnage ducampien et l'esthétique romanesque qui le porte entretiennent de nombreux liens avec l'esthétique et le personnage flaubertiens, Maxime Du Camp propose, quant à lui, une littérature qui essaye d'être utile à son lecteur et qui se veut positive : une littérature plus sandienne.
Loin du projet du livre sur rien et de l'esthétique de "l'art pour l'art", Maxime Du Camp a souhaité une littérature qui aide son semblable à vivre et à accepter la condition humaine. De l'épanchement autobiographique à une peinture de son époque, de ses tableaux parisiens à ses atmosphères orientales, Du Camp a cherché toutes les voies possibles pour éviter à l'art littéraire un repli sur soi qui le contraindrait bientôt à ne s'offrir plus qu'à une élite.
En rupture avec son ami Flaubert et pourtant si proche, Maxime Du Camp s'est voulu l'autre romancier de son temps. Cette étude se propose comme une rencontre d'un écrivain sottement oublié, non pas dans un quelconque projet de réhabilitation d'un auteur que l'on jugerait mineur mais bien pour éclairer autrement le riche foisonnement parfois contradictoire de la littérature des années 1850/1880.
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Pourquoi "l'éducation sentimentale" de Gustave Flaubert ?
Thierry Poyet
- Kime
- 11 Septembre 2017
- 9782841748068
S'il est des livres écrits pour défendre une thèse ou un homme, d'autres le sont au contraire pour s'opposer et lutter « contre ». Contre une certaine conception de la littérature et certaines attentes du lecteur, contre une page de l'Histoire (1848) et les convaincus de tous bords, progressistes et conservateurs, contre une manière d'être un bourgeois, un amoureux ou un ambitieux. Contre soi, aussi, le jeune romantique auteur de la première version de 1845...
L'Éducation sentimentale de Flaubert est de ceux-là.
Parce qu'il voulait rompre avec Salammbô, comme il avait souhaité oublier Madame Bovary, Flaubert entreprend ce roman empli de colères et de choses à dire contre son temps. Lui, le partisan de l'impersonnalité, le fondateur de la littérature « autotélique », il a décidé de régler ses comptes et le voilà qui promet donc « de mettre les pieds dans le plat ! d'être violent !
Impitoyable, et de cracher un joli glaviot à la face de la Médiocratie. » Incompris, L'Éducation sentimentale sera mal accueilli et pourtant il reste peut-être notre roman le plus moderne.
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Et si la commémoration du bicentenaire de la naissance de Flaubert exigeait un effort de prospective ? En effet, de quel texte majeur l'oeuvre de Flaubert, fondamentalement matricielle, sera-t-elle finalement l'oeuvre source ? La critique s'est beaucoup intéressée aux lectures du romancier et à ses sources d'inspiration ; elle a longuement analysé les principes de sa poétique, la manière patiente dont elle s'est élaborée et ses influences multiples sur ses contemporains.
Elle a beaucoup moins observé comment les héritiers autoproclamés se sont emparés de l'esthétique flaubertienne pour construire leur propre oeuvre et comment ces dernières font honneur ou pas à l'héritage reçu. C'est cet oubli que prétend réparer Flaubert ou l'oeuvre muse en offrant une exploration panoramique des oeuvres qui, dans le mystérieux processus labyrinthique de la création artistique, en plus d'être prismatique, devenue multidimensionnelle, ont contribué jusqu'à ce jour à faire vivre une réelle flaubertolâtrie.