Du genre autobiographique, on connaissait les récits sans enquête et les ego-histoires de « grands hommes » ; dans les sciences sociales, les enquêtes sur des proches tenus à distance par l'effacement de soi. Renouant avec l'ambition d'une sociologie sensible et réflexive, Rose-Marie Lagrave propose un nouveau type de socioanalyse : l'enquête autobiographique.
Ressaisissant son parcours en sociologue et en féministe, elle remet en cause les récits dominants sur la méritocratie, les stéréotypes associés aux transfuges de classe, le mythe d'un « ascenseur social » décollant par la grâce de talents ou de dons exceptionnels. Cet ouvrage retrace une migration sociale faite de multiples aléas et bifurcations, où domination de classe et domination de genre s'entremêlent : le parcours d'une fille de famille nombreuse, enracinée en milieu rural, que rien ne prédestinait à s'asseoir sur les bancs de la Sorbonne puis à devenir directrice d'études à l'EHESS, où elle croise notamment les chemins de Michelle Perrot, Françoise Héritier, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron.
Mobilisant un vaste corpus théorique et littéraire, Rose-Marie Lagrave ouvre sa malle à archives et la boîte à souvenirs. De ses expériences de boursière à ses engagements au MLF et sa pratique du métier de sociologue, elle exhume et interroge les traces des rencontres qui l'ont construite. Parvenue à l'heure des bilans, cette passeuse de frontières et de savoirs questionne avec la même ténacité la vieillesse et la mort.
Contre les injonctions de « réussir » et de « rester soi », ce livre invite à imaginer de nouvelles formes d'émancipation par la socioanalyse : se ressaisir, c'est acquérir un pouvoir d'agir, commun aux transfuges de classe et aux féministes, permettant de critiquer les hiérarchies sociales et de les transgresser.
Cet ouvrage restitue des faits sociaux, des secteurs de la vie quotidienne encore peu connus des régimes communistes, négligés parce que considérés comme marginaux. Une des originalités est de donner la parole, vingt ans après la chute du Mur, à des représentants d'une nouvelle génération d'historiens et de politistes concernée par l'étude du communisme dans les pays satellites de l'URSS. Ils nous donnent ici à voir comment la dissémination du pouvoir dans les institutions, dans les corps et les esprits dressés à l'obéissance laisse une place non négligeable à l'improvisation, à la négociation, et à des ajustements au sein même des institutions, à la mise en place aussi d'une culture voire d'un culte de la débrouillardise. Les réalités quotidiennes de la pénurie et des accommodements économiques ainsi que certains aspects de la condition féminine sont décrites dans ce sens. Est saisie aussi la manière dont les communismes nationaux sont en pratique obligés de bricoler pour asseoir le nouvel ordre politique, sans jamais se préoccuper des contradictions que ce bricolage engendre. Le texte introductif de Rose-Marie Lagrave a le double mérite d'un témoignage personnel et d'une reconstitution historique synthétique concernant le cheminement intellectuel et les transformations politiques et affectives qui ont engendré des recherches comme celles rassemblées dans ce volume.
Dans ce dialogue intellectuel et intime, la romancière Annie Ernaux et la sociologue Rose-Marie Lagrave, issues de la même génération, se livrent à une réflexion sur leurs trajectoires sociales : elles évoquent autant leurs points communs - familles modestes, normandes, bercées par le catholicisme -, que la manière différente dont elles se conçoivent en tant que transfuges de classe. Elles partagent ici leurs parcours, leurs lectures (de Pierre Bourdieu à Virginia Woolf), leurs rapports au travail, à la reconnaissance et à la vieillesse, et donnent à penser l'amitié féministe et l'écriture comme voies vers l'émancipation.
Ils sont sociologues, historiens, anthropologues, linguistes, économistes... Les uns sont des compagnons de route, les autres ont été proches de Bourdieu, à un moment ou à un autre. Tous témoignent d'une expérience de travail avec lui au double sens du terme: travail en commun et théorie en acte qui continue de réengendrer approches et pratiques scientifiques. De là, la diversité des contributions mais aussi la singularité du ton de cet ouvrage, inclassable selon les règles académiques en vigueur: du récit d'un fragment de vie, en passant par le trait anecdotique, à l'analyse des apports théoriques et méthodologiques, tous les registres se croisent, attestant que le travail avec Bourdieu n'a pas calibré la pensée ni les manières de faire.
Ces différentes positions et objets révèlent des facettes et des lectures inédites de Bourdieu, qui portent tant sur la réflexivité, les logiques de la pratique, les classements que sur l'économie des biens symboliques et les formes de domination.
Dans nombre de contributions sourd également, par touches pudiques, l'émotion du souvenir, sorte de rappel des conditions sensibles de production de la science, souvent passées sous silence et qui font pourtant le quotidien du métier de chercheur.
S'il fallait parler d'hommage, c'est un hommage anti-académique que les auteurs de ce livre ont voulu rendre à l'auteur d'Homo academicus.
Couverture: Atelier Michel-Bouvet
Une réflexion consacrée aux constructions des sexes et des sexualités : la société aujourd'hui peut-elle accepter que le biologique, l'identité sexuelle et l'identité de genre puissent être déconnectés ? A travers divers « dispositifs de sexualité », à partir de données historiques, anthropologiques et sociologiques, cet ouvrage s'attache à décrire la pluralité des registres d'actualisation des genres, tout en soulignant la fécondité d'un concept qui permet de mettre au jour les incessantes liaisons entre genre et sexe biologique.