Avec le temps, la France a créé un dispositif unique au monde d'égalité des territoires, qui se traduit par trois grands mécanismes : une redistribution financière très importante entre les territoires ; une répartition inégalitaire des fonctionnaires d'Etat pour assurer une présence continue dans les territoires les plus ruraux ; et des grandes entreprises publiques assurant une continuité de prestation dans tous les territoires (Poste, Sncf, énergie, télécoms).
Conçu pour une société plutôt rurale et composée de sédentaires, ce dispositif fait face aujourd'hui à l'émergence des grandes villes - les métropoles - et à la mobilité des personnes. Les très grandes villes financent largement l'espace rural et commencent à contester le mécanisme de redistribution ; les personnes traversent les territoires au cours de leur trajectoire et les mettent en concurrence pour l'habitat, les services, l'emploi et les loisirs.
Le dispositif d'égalité des territoires apparaît dès lors coûteux et inefficace. Il nous faut donc trouver les termes d'un nouveau contrat territorial, pour refonder un système à bout de souffle.
"L'usage des quartiers" traite d'une question à la lisière de la géographie prioritaire, à la base de la politique de la ville et de l'intervention des pouvoirs publics dans les banlieues populaires. L'ouvrage retrace la genèse de cette catégorie et montre combien la diversité des interprétations possibles de la géographie prioritaire ouvre la voie à une diversité de régime locaux de solidarité dans lesquels la commune a un rôle prépondérant. Cette analyse "par le bas" de la politique de la ville permet d'en éclairer le statut paradoxal.
L'espace urbain contemporain tend à se dissocier entre des métropoles orientées vers une production mondialisée et des espaces tournés vers les fonctions résidentielles, domestiques ou récréactives. Du coup, la formule d'un régime unique de gouvernement des villes perd de sa crédibilité. Deux régimes se dessinent : celui des villes centres, socialement mélangé et tourné vers la compétition économique, et celui des intercommunalités périphériques, socialement homogène et spécialisé dans les services à la personne. L'avenir de la démocratie urbaine se trouve donc subordonné à la capacité politique d'articuler ces deux figures, pour qu'elles se complètent sans se nuire.
"Des hommes, d'abord, des lieux ensuite, des pouvoirs enfin, et non pas l'inverse ! C'est ce que nous appelons la République des territoires. La « République des territoires » surprendra peut-être par sa formule. N'est-elle pas en apparence un oxymore ? La République ne s'est-elle pas construite historiquement contre les pouvoirs régionaux et locaux dans leurs particularismes ? Nous tenterons de prouver le contraire. La diversité est une force. Les territoires sont une richesse. Leurs citoyens et leurs représentants sont là pour faire vivre la République. Ils ont vocation à en être les alliés indéfectibles."