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Folio
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«Quelquefois, en coiffant mes maîtresses, j'ai eu l'envie folle de leur déchirer la nuque, de leur fouiller les seins avec mes ongles...» En rapportant ses humiliations et ses révoltes, Célestine raconte la France des années 1900. Octave Mirbeau prête au personnage de la domestique sa rage et son verbe vengeur pour dénoncer la violence des rapports sociaux, le poids de l'Église, l'antisémitisme. Descendant des Vikings, bouffeur de curés et de banquiers, il associe les élites du temps aux pires perversions sexuelles dont Célestine est à la fois la victime et le témoin lucide. La fresque vire parfois au grotesque avec une force hallucinée qui inspirera les cinéastes. À cette narratrice déchaînée, Jean Renoir, Luis Bunuel et Benoit Jacquot donneront successivement le visage de Paulette Goddard, Jeanne Moreau et Léa Seydoux.
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Le Jardin des supplices n'est pas seulement le catalogue de toutes les perversions dans lesquelles s'est complu l'imaginaire de 1900. L'ouvrage exprime aussi l'ambiguïté de l'attitude d'un Européen libéral, mais Européen avant tout, devant le colonialisme et ce qu'on n'appelait pas encore le Tiers Monde. Pour Mirbeau, la Chine est le lieu des plaisirs mortels et, par leur système pénal et l'invraisemblable raffinement de leur cruauté, les Chinois ne peuvent être à ses yeux que des barbares : Emmanuelle sur fond de guerre du Viêt-nam, comme l'écrit Michel Delon. Mais les Chinois vivent dans une société plus solidaire et matériellement moins asservie que la nôtre. Et surtout ils sont d'admirables artistes. Tel est le paradoxe de la Chine : un jardin de supplices mais aussi les plus belles porcelaines, les plus beaux bronzes que l'on ait jamais faits. «Voici donc les Barbares à peau jaune dont les civilisés d'Europe à peau blanche violent le sol. Nous sommes toujours les mêmes sauvages, les mêmes ennemis de la Beauté.»