Qu'apportait Malraux aux enfants de Vichy, de la guerre d'Indochine et de la guerre d'Algérie? La lumière dans la nuit, la poésie dans la prose. Il nous arrachait au souvenir de la défaite, au moment où le général de Gaulle reconstruisait une histoire égale à nos rêves et se proposait, à l'instar de Chateaubriand, de mener les hommes par les songes.Et pourtant, ses romans racontent tous une défaite. Le paradoxe n'est qu'apparent:il s'agit de retrouver la grandeur malgré la défaite, la vie malgré la mort, la gloire malgré l'oubli. «L'artiste n'a pas été trop vaincu. »Quant à l'histoire de l'art, voici que quelqu'un apparaissait, qui nous disait que l'Histoire pouvait se raconter à rebours, à partir de l'art moderne vers le passé, tous les passés. Raconter n'était pas le mot, cette nouvelle histoire était faite d'apparitions, comme celle de Mme Arnoux dans L'Éducation sentimentale. C'était aussi une nouvelle géographie:surgissaient l'Afrique, l'Asie aux mille ateliers, l'Amérique de l'art précolombien, les îles d'Océanie. Mais tout sauf le médiocre, qui n'explique que la prose du monde. L'histoire volait en éclats sous le choc des éclairs.
Cet essai veut montrer, pour la première fois, l'existence d'un genre littéraire autonome, le récit poétique, d'habitude rejeté par les manuels en fin de chapitre, parmi les inclassables. Il en relève les caractères, à travers des oeuvres françaises du XX? siècle, dont certaines sont très connues (Breton, Cocteau, Giraudoux, Gracq) et d'autres, méconnues (Limbour, Jouve, Supervielle). Donnant à lire, il veut aussi donner à aimer : suivant une méthode déjà appliquée à Proust et le roman, l'analyse épouse l'écriture des textes qu'elle commente, et fait de cet ensemble épars de quatre-vingts chefs-d'oeuvre, un livre «unique, total, neuf, et comme incantatoire».
On trouvera ici un inventaire des sujets que Proust et Freud ont traités, si nombreux qu'on ne les a sans doute pas abordés tous. Les deux hommes, s'ils s'étaient rencontrés, auraient eu tant de choses à se dire ! Dans un genre longtemps illustre, on rêve d'un dialogue des morts. Chaque thème découlant du précédent, en partant du rêve et jusqu'à la mort, nous avons espéré éclairer l'un par l'autre, comme si les discours alternés se fondaient en un propos unique : il faut être deux pour parvenir à la vérité.
Ce que j'ai cherché. c'est à comparer deux intelligences, deux attitudes, deux comportements face aux hommes et au monde face à soi aussi. Comme si, des deux termes de la comparaison, des deux pôles de la métaphore, pouvaient, je l'espère, jaillir une étincelle, une idée, une impression poétique. Ainsi se souviendra-t-on toujours de l'un quand l'autre parle.
La création romanesque de Proust, écrit l'auteur, s'appuie sur deux formes essentielles, le je et le Temps. La première unifie les perspectives du récit, soumet les héros à un point de vue central ; la seconde contrôle le déroulement du roman, l'histoire de la vocation du narrateur et la vie des personnages. ce sont les deux formes de la sensibilité du romancier, son esthétique transcendantale.
C'est ainsi que se succèdent, dans une composition savante qui n'est pas sans évoquer le roman proustien, le côté du je - des problèmes du narrateur à la peinture des personnages - et le côté du Temps - de l'étude du romanesque à celle des techniques du récit - , tandis qu'une analyse charnière concerne l'architecture de l'oeuvre, le je reconstruisant le Temps pour qu'il soit ainsi comme l'espace d'un mouvement, et qu'une analyse finale, «Du roman des lois au roman poétique», montre comment, de la phrase jusqu'au récit, une même figure, celle de la métaphore, confère à l'oeuvre une forme, la forme de sa forme, qui est aussi un rythme.
L'ensemble des publications consacrées à la vie et à l'oeuvre de Marcel Proust pourrait remplir une bibliothèque à l'intérieur de laquelle seul le spécialiste pourrait s'orienter. Fort d'une grande intimité développée au fil des ans avec l'oeuvre-vie proustienne, Jean-Yves Tadié livre au grand public une synthèse des connaissances et de la critique proustienne.
Ce dossier s'intéresse tout d'abord aux caractères de l'art de Proust en insistant sur la révolution qu'il a fait subir au genre romanesque. Il se concentre ensuite sur la composition et le contenu de chacune des oeuvres, des articles au grand roman. Il propose enfin un bilan critique qui entrelace les éléments biographiques et bibliographiques.
Véritable sésame proustologique, cet ouvrage indispensable s'adresse tous ceux désireux de découvrir ou mieux connaître cet écrivain majeur du XXe siècle.
Ce volume se propose de continuer à tracer le cercle qui a entouré Proust. Cet homme qui passe pour un solitaire, un reclus enfermé dans une chambre tapissée de liège, a eu d'innombrables relations et de nombreux amis. Faire leur portrait est d'abord rendre justice à ceux qui ont soutenu le créateur d'une oeuvre géniale. C'est aussi montrer comment ils l'ont inspirée, quitte à y figurer involontairement. C'est enfin comprendre un peu mieux l'écrivain, sur lequel chacun a eu un point de vue particulier, dont il a emporté une image différente. Dix-huit personnages en quête d'auteur, à chacun sa vérité.