Historien de la philosophie, Jean Préposiet a notamment publié Spinoza et la liberté des hommes (Gallimard) et collaboré au Dictionnaire des grandes philosophies (sous la direction de Lucien Jerphagnon), Privat.Davantage qu'une doctrine politique, l'anarchisme est une manière de vivre et d'appréhender le réel : celle qui fait toute sa place à la liberté humaine. Aussi peut-on retrouver les origines de l'idée libertaire bien en amont de l'apparition de l'anarchisme politique au XIXe siècle, même si ce livre est centralement consacré au développement conjoint des philosophies et des courants politiques qui se sont baptisés ainsi : Proudhon, Stirner, Bakounine, Kropotkine ou Malatesta en sont les principales figures, avant que le nom ne soit perverti et stigmatisé comme synonyme de terrorisme et de recours privilégié à la violence. Mais le rayonnement de l'anarchisme s'étend bien au-delà de ces auteurs. On retrouve son influence dans l'idée d'autonomie ouvrière et dans l'anarcho-syndicalisme, bien entendu, mais aussi dans l'inspiration de secteurs importants de la révolution russe ou des républicains espagnols, dans les courants antimilitaristes et pacifistes, dans le situationnisme, voire dans certaines versions de droite comme l'anarcho-capitalisme. Plus proche de nous, dans la recherche d'un mode de vie alternatif incarné par le mouvement écologique ou altermondialiste ou encore dans les mouvements des « Indignés », attestant de la pérennité du rêve d'une vie plus libre.
Ce qui frappe chez Spinoza (1632-1677), c'est une volonté constamment manifestée de se rendre maître de son destin. Fils de notable, ses qualités intellectuelles laissaient augurer d'un brillant avenir dans la communauté judéo-portugaise d'Amsterdam. Mais il éprouva le besoin d'élargir son horizon intellectuel. La preuve en est son désir d'apprendre le latin, langue savante de l'Europe chrétienne. Ce fut alors la rupture avec les siens. En 1656, après avoir échappé au poignard d'un fanatique, il fut excommunié par le conseil des rabbins pour hérésie.
Devenu polisseur de verres optiques, Spinoza mena dès lors une vie simple et retirée, tout en restant attentif aux événements de l'époque, entouré d'un petit groupe d'amis sûrs.
Spinoza fut le premier à proposer une exégèse rationaliste de la Bible, qui l'amena à formuler la distinction entre le croire et le savoir : Dieu n'est pas extérieur au monde, mais immanent à la nature, il est la Nature. Il réfuta également toute supériorité de l'âme sur le corps et substitua ainsi une éthique à la morale : il n'y a pas de Bien ni de Mal, mais du bon et du mauvais.
Du Court traité à l'Éthique, en passant par le Traité théologicopolitique, Jean Préposiet a choisi de donner une vue panoramique du projet philosophique de Spinoza. Il suit pas à pas l'élaboration d'un système qui fut en même temps, pour son auteur, une manière de vivre. D'où la part centrale que tient dans l'ouvrage l'élément historique et biographique.