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Jean Genet
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Claire et Solange sont au service de Madame depuis des années. Elles l'aiment beaucoup, à tel point qu'elles décident de la tuer... Quelques gouttes de poison dans le tilleul quotidien, et l'affaire sera réglée. Encore faut-il faire boire sa tisane à Madame, complètement dé-bor-dée depuis que Monsieur est en prison : et pour honorer au mieux son mari qui va être libéré, il lui faut de nouvelles toilettes, de nouveaux chapeaux... Une comédie qui tourne vraiment mal, une poésie étrange, un théâtre résolument moderne dans lequel chacun cherche sa place : Claire, Solange et Madame forment un trio étonnant.
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Juin 1942. Jean Genet est incarcéré à la prison de Fresnes, condamné à huit mois de réclusion pour vol de livres. À trente et un ans, le détenu n'a encore rien publié ; mais la cellule est un lieu propice à l'éclosion de son talent littéraire. Il y écrit son premier roman, Notre-Dame-des-Fleurs, et le long poème Le Condamné à mort. L'attrait du théâtre se fait déjà sentir, comme en témoigne Héliogabale, ce drame à l'antique dont un manuscrit a été enfin retrouvé à la Houghton Library. L'existence de cette pièce était attestée, Genet l'ayant fait lire à quelques proches et ayant exprimé le souhait qu'elle soit publiée et créée - avec Jean Marais dans le rôle-titre. Rien de cela n'eut lieu et l'écrivain n'y revint plus. Voilà donc, plus de quatre-vingts ans plus tard, la mise en scène des dernières heures d'Héliogabale, jeune prince romain assassiné, telles que Genet les a rêvées et méditées. Au travers de cette figure solaire, hautement transgressive et sacrificielle, à laquelle Antonin Artaud avait consacré un essai flamboyant en 1934, Genet aborde les thèmes qui lui sont chers, dans les règles de l'art mais en laissant affleurer un lyrisme bien tenu : le travestissement et l'homosexualité, la sainteté par la déchéance, la beauté par l'abjection. Un envers du monde social où l'auteur, apprenti dramaturge, entend déjà trouver ses vérités, situer son oeuvre à venir et inventer sa propre légende.
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Mademoiselle : Les rêves interdits ou L'autre versant du rêve
Jean Genet
- Gallimard
- 4 Avril 2024
- 9782073057976
«Une fois dans la rue, sur ses hauts talons, Mademoiselle marcha très vite, passant de préférence dans les zones d'ombre. Le bourg était effrayant de silence et de solitude. En se dissimulant, elle prit un petit sentier, et, tout en marchant, comme en cachette, la dissimulant dans sa main renversée, elle alluma une cigarette et fuma.» Mademoiselle, jeune institutrice dans un village de Corrèze, a pris l'habitude d'arpenter la campagne, de nuit, pour y provoquer incendies, inondations ou empoisonnements... Autant de méfaits imputés, selon les préjugés xénophobes des villageois, à un bûcheron polonais, Manou, qu'elle adore en secret... Dans un style réaliste et épuré, Jean Genet nous plonge au coeur du monde rural de son enfance, vécue dans une famille d'accueil à Alligny-en-Morvan. Ce bref récit, scénarisé suivant le tempo d'un thriller, nous glisse dans la peau d'une héroïne insaisissable et amorale. Partout s'y déploie la poésie d'une réflexion gorgée de soufre sur le désir et le mal. D'abord présenté à Anouk Aimée durant l'été 1951, ce script éveilla la curiosité de plusieurs réalisateurs - Louis Malle, Georges Franju ou Joseph Losey -, avant d'être adapté par Tony Richardson en 1966, avec Jeanne Moreau dans le rôle-titre. À ce jour inédit, Mademoiselle permet de sonder l'intime envie de cinéma chez Genet et jette une lumière nouvelle sur son oeuvre : lueur noire, crue et traîtresse.
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« Je nomme violence une audace au repos amoureuse des périls. On la distingue dans un regard, une démarche, un sourire, et c'est en vous qu'elle produit des remous. Elle vous démonte. Cette violence est un calme qui vous agite. On dit quelquefois : "Un gars qui a de la gueule." Les traits délicats de Pilorge étaient d'une violence extrême. Leur délicatesse était violence. »
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«Weidmann vous apparut dans une édition de cinq heures, la tête emmaillotée de bandelettes blanches, religieuse et encore aviateur blessé, tombé dans les seigles, un jour de septembre pareil à celui où fut connu le nom de Notre-Dame-des-Fleurs. Son beau visage multiplié par les linotypes s'abattit sur Paris et sur la France, au plus profond des villages perdus, dans les châteaux et les chaumières, révélant aux bourgeois attristés que leur vie quotidienne est frôlée d'assassins enchanteurs, élevés sournoisement jusqu'à leur sommeil qu'ils vont traverser, par quelque escalier d'office qui, complice pour eux, n'a pas grincé. Sous son image, éclataient d'aurore ses crimes:meurtre 1, meurtre 2, meurtre 3 et jusqu'à six, disaient sa gloire secrète et préparaient sa gloire future.»Jean Genet.
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Le condamné à mort et autres poèmes ; le funambule
Jean Genet
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 12 Mars 1999
- 9782070407873
Si toute l'oeuvre de Jean Genet peut être qualifiée de «poétique», l'auteur de Notre-Dame-des-Fleurs et des Paravents n'a composé que quelques poèmes, tous écrits dans la première période créatrice de sa vie, entre 1942 et 1947.C'est en prison, provoqué par des camarades de cellule qui s'essayaient à imaginer de médiocres pièces sentimentales, que Genet rédigea les strophes du Condamné à mort et la dédicace en prose à Maurice Pilorge. En prison aussi qu'il écrit Marche funèbre, La galère, La parade. Ces poèmes s'apparentent d'ailleurs à des chefs-d'oeuvre de prisonniers, dont la seule possibilité est de fabriquer des ex-votos ou de construire un bateau toutes voiles dehors dans une bouteille.Une différence majeure s'impose pourtant, qui tient à l'époustouflante maîtrise de Genet quant au maniement de la langue et à la faculté qu'il semble avoir de versifier comme en se jouant. Le voyou entend, et il l'a souvent proclamé, user de tout l'attirail classique et de toutes les séductions afférentes, afin d'en pervertir plus radicalement les valeurs et les pompes. La grâce qui hante les poèmes de Genet est celle d'un ange qui s'est volontairement dévoyé. D'où le charme trouble et violent, la fascination séditieuse et irrécupérable qui émanent de ces pages.Cette édition des poèmes de Jean Genet inclut Le funambule, magnifique texte, véritable poème en prose, qui trouve ici sa place, comme en point d'orgue de l'oeuvre poétique donnée dans son entier.
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Après le théâtre de Jean Genet, la Pléiade propose ses romans et ses poèmes. L'écriture de ces textes se concentre sur une période remarquablement brève : six années, de 1942 à 1948. Découvrant Notre-Dame-des-Fleurs en février 1943, Cocteau s'exclame : «c'est le grand événement de l'époque. Il me révolte, me répugne et m'émerveille.» Deux ans plus tard, à la lecture de Pompes funèbres, il y revient : «C'est le génie même. Et d'une liberté si terrible que l'auteur se met hors d'atteinte, assis sur quelque trône du diable dans un ciel vide où les lois humaines ne fonctionnent plus (deviennent comiques).» L'apparition de Genet dans le monde littéraire fait figure de déflagration. Dans son oeuvre se donne à voir «l'envers du monde» : un univers, serti dans une langue où se côtoient le langage le plus ordurier et un pur style classique, dans lequel des hommes chargés de crimes aspirent à une certaine sainteté. La plupart des oeuvres inscrites au sommaire du volume étaient connues par la version qu'en proposent les Oeuvres complètes de Genet, qui commencent à paraître chez Gallimard en 1951. Mais le texte de ces volumes avait été révisé, soit par Genet, soit avec son assentiment, de manière à atténuer certains éléments sexuels et politiques. La présente édition revient systématiquement au texte des premières publications clandestines. Ces versions n'étaient jusqu'à présent accessibles au grand public que pour Pompes funèbres et pour Querelle de Brest. Ce volume est donc l'occasion d'une redécouverte, spectaculaire et radicale, des oeuvres romanesques de Genet.
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«En quittant la Santé pour Fontevrault, je savais déjà qu'Harcamone y attendait son exécution. À mon arrivée, je fus donc saisi par le mystère d'un de mes anciens camarades de Mettray, qui avait su, notre aventure à nous tous, la pousser jusqu'à sa pointe la plus ténue : la mort sur l'échafaud qui est notre gloire.»
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«L'artiste n'a pas - ou le poète - pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. Qu'ils acceptent d'être maudits. Ils y perdront leur âme, s'ils en ont une, ça ne fait rien. Mais l'oeuvre sera une explosion active, un acte à partir duquel le public réagit, comme il veut, comme il peut. Si dans l'oeuvre d'art le bien doit apparaître, c'est par la grâce des pouvoirs du chant, dont la vigueur, à elle seule, saura magnifier le mal exposé.»Jean Genet.
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«Avant d'y arriver, je savais que ma présence au bord du Jourdain, sur les bases palestiniennes, ne serait jamais clairement dite : j'avais accueilli cette révolte de la même façon qu'un oreille musicienne reconnaît la note juste. Souvent hors de la tente, je dormais sous les arbres, et je regardais la Voie lactée très proche derrière les branches. En se déplaçant la nuit, sur l'herbe et sur les feuilles, les sentinelles en armes ne faisaient aucun bruit. Leurs silhouettes voulaient se confondre avec les troncs d'arbres. Elles écoutaient. Ils, elles, les sentinelles. [...] Dans une tragédie de Shakespeare des archers tirent des flèches contre le ciel et je n'aurais pas été surpris si des feddayin d'aplomb sur leurs jambes écartées, mais agacés par tant de beauté en forme d'arc s'arrachant à la terre d'Israël, eussent visé et tiré des balles contre la Voie lactée, la Chine et les pays socialistes leur fournissant assez de munitions pour faire dégringoler la moitié du firmament. Tirer des balles contre les étoiles cependant qu'elles sortaient de leur propre berceau, la Palestine ?»
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Le monument qu'elle élève à l'honneur des morts et de la mort donne à la pièce une dimension jamais atteinte jusqu'alors, tant la jubilation de Genet à jouer avec toutes les ressources du théâtre réussit - cas unique - à s'articuler avec les données historiques et politiques de la guerre d'Algérie.Le fameux «tourniquet» qu'avait décelé Sartre n'est pas seulement celui de l'être et du paraître mais celui de tous les incompatibles tels que les a conçus une vision rationnelle du monde. Pour s'opposer à cette vision judéo-chrétienne, rien de plus fort que la définition de la tragédie proposée par Genet. Conception dionysiaque d'un délire qui doit beaucoup aux Grecs relus à la lumière de Nietzsche et pourrait se rapprocher de Shakespeare; conception circulaire également, qui exige, dramaturgiquement, une mise en déséquilibre constant de tous les éléments du spectacle, des objets aux acteurs, de la régie à la psychologie. On entre dans le monde de l'insaisissable.
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«Une paillette d'or est un disque minuscule en métal doré, percé d'un trou. Mince et légère, elle peut flotter sur l'eau. Il en reste quelquefois une ou deux accrochées dans les boucles d'un acrobate.» Ainsi s'ouvre Le funambule, un des textes emblématiques de l'oeuvre de Jean Genet, dédié à son ami Abdallah.
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Photographies d'Ernest Scheidegger. Nouvelle édition en 2007
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Dans le brouillard d'un port, un matelot nommé Querelle entraîne le lecteur dans un Brest interlope, inquiétant et aussi fascinant que sa palette de personnages absurdes. Aimantés par ce monde nocturne et portés par une narration irrégulière, nous suivons les pensées du narrateur au gré des lieux, des heures et de ses rencontres. D'une beauté plastique désarmante, Querelle attire et séduit malicieusement les victimes de ses meurtres. Ainsi, cet éphèbe se retrouve au coeur d'une affaire policière qui a pour théâtre le monde nocturne décadent de cette ville. Si l'homosexualité de Querelle n'est pas formulée, directement Genet évoque la sexualité du personnage avec un érotisme poétique sans détour. Querelle de Brest est bien le roman des amours interdites. Cette édition rétablit le texte intégral de l'édition originale parue sans éditeur en 1947.
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«Mon casier judiciaire est vierge et je n'ai pas de goût pour les jeunes garçons : or les écrits de Genet m'ont touché. S'ils me touchent, c'est qu'ils me concernent ; s'ils me concernent, c'est que j'en peux tirer profit.» Jean-Paul Sartre Saint Genet, comédien et martyr
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«Cette pièce, je le répète, écrite par un Blanc, est destinée à un public de Blancs. Mais si, par improbable, elle était jouée un soir devant un public de Noirs, il faudrait qu'à chaque représentation un Blanc fût invité - mâle ou femelle. L'organisateur du Spectacle ira le recevoir solennellement, le fera habiller d'un costume de cérémonie et le conduira à sa place, de préférence au centre de la première rangée des fauteuils d'orchestre. On jouera pour lui. Sur ce Blanc symbolique un projecteur sera dirigé durant tout le spectacle.Et si aucun Blanc n'acceptait cette représentation ? Qu'on distribue au public noir à l'entrée de la salle des masques de Blancs. Et si les noirs refusent les masques qu'on utilise un mannequin.»Jean Genet.
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Décor : une cellule de prison. Personnages : le surveillant et trois détenus : Yeux-Verts, vingt-deux ans, condamné à mort ; Maurice, dix-sept ans, qui lui voue une admiration sans bornes ; Lefranc, voleur de vingt-trois ans, dévoré par la jalousie. Dans ce huis clos, tout est drame : un lit défait, un mot de trop. Mais la tragédie naît d'une femme absente, celle que Yeux-Verts va laisser en mourant sur l'échafaud. Maurice et Lefranc la convoitent, se la disputent sous le regard de Yeux-Verts. Jusqu'au meurtre : Lefranc étrangle Maurice. «J'ai fait ce que j'ai pu pour l'amour du malheur, dit-il. Je suis vraiment tout seul.»Cette pièce en un acte a été créée au Théâtre des Mathurins le 26 février 1949.
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Articles, entretiens, préfaces ou discours, les textes des interventions de Genet, ici rassemblés, témoignent d'un paradoxe : celui qui fut l'écrivain le plus solitaire, le plus retranché de son temps fut aussi, durant les vingt dernières années de sa vie, l'un des plus présents sur la scène publique.
De Chartres à Chicago, de la Goutte d'Or au camp de Chatila, des rives du Jourdain aux ghettos noirs d'Amérique, ce livre retrace l'aventure littéraire et politique, menée aux frontières de l'Occident, aux côtés des exclus du monde et des peuples en révolte, d'un poète qui n'a jamais revendiqué d'autre titre que celui de vagabond.
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Le projet d'un livre sur Rembrandt accompagna Genet durant une dizaine d'années. De sa confrontation directe avec les oeuvres vues dans les musées prenait corps peu à peu cet ouvrage.
En septembre 1958, L'Express publiait sous le titre Le Secret de Rembrandt, un découpage d'extraits du livre dont il annonçait la publication prochaine aux Éditions Gallimard. Genet a-t-il alors préféré se ménager le temps de refondre ou de compléter son travail ? Absorbé par son théâtre, a-t-il reporté son projet à plus tard ?
On sait seulement que, bouleversé par la mort de son ami Abdallah, il se résolut en avril 1964 à détruire le contenu d'une valise pleine de manuscrits.
Ne subsistent que deux fragments publiés en mai 1967 dans la revue Tel Quel sous le titre Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes, qui s'ajoutent au Secret de Rembrandt publié en 1958. Avec l'accord de Genet, ces textes ont été insérées respectivement en 1968 et 1979 dans les tomes IV et V de ses oeuvres complètes.
La présente édition qui les rassemble pour la première fois tente d'illustrer par un choix de détails significatifs les oeuvres citées, le regard personnel de Genet sur Rembrandt. Un regard autre, et qui va plus loin.
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Aux personnages de Genet on pourrait dire : « Arrête de faire le Nègre ! », comme on dit à d'autres : « Arrête de faire le clown ! ». En fait, ici, c'est la même chose : Nègre et clown c'est tout un, dans la dérision,le double jeu et la provocation. Ces Nègres-là n'ont pas un nez rouge qui les métamorphose mais un nez noir qui les dissimule d'autant plus qu'il ne se voit pas. Ils jouent à paraître ce qu'ils sont déjà et à être ce qu'ils ne sont pas, dans une confusion plaisante mais bien faite pour dérouter qui voudrait en finir une bonne fois avec les faux-semblants. Il est toutefois inutile d'attendre de Genet qu'il révèle tout à trac sa position personnelle quant au statut politique et social du Noir. Comme en se jouant, il laisse affleurer ses angoisses et ses désirs, sa violence et ses espoirs de revanche. Le rire des Nègres est désarmant sans doute mais, désarmés, les Blancs - présents sur le plateau à titre d'oppresseurs autant qu'à titre de public - ne sauront plus se défendre : c'est bien autour de la cérémonie funèbre de leur anéantissement que la pièce est construite.
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Le Bagne est la queue de comète carcérale de Genet : de 1942, où il ébaucha Haute Surveillance, à 1964, où il abandonna la rédaction du Bagne, Gent n'a cessé d'ériger l'enfermement en idéal d'une vie essentialisée, car proche de la mort.
Cayenne est pour lui le nouvel Eden, paradis perdu auquel seul le crime permet d'ajouter un éclair de totale réalisation de soi avant que le couteau de la guillotine n'en vienne sanctifier la perte. A ce jeu de qui perd gagne jouent les forçats Rocky, Ferrand et Fornalo : d'abord rivaux, ils finiront par reconnaître qu'ils sont à égalité de haine et de pouvoir pour tromper et ridiculiser les maîtres du bagne.
Dans ce lieu clos s'anime, traitée avec humour et sarcasme, une société d'exclus -bagnards aussi bien que gardiens- malfaisants et retors, tout ensemble lucides et aliénés par leurs rêves. Le Bagne met un point d'orgue en même temps que de suspension à l'oeuvre théâtrale de Genet.
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Quel contraste entre Splendid's et "Elle", les deux pièces posthumes de Genet! La première est sérieuse et collet monté, à l'instar des gangsters qui, juste avant l'assaut de la police, occupent le palace du Splendid's et règlent leurs comptes avec eux-mêmes et leur passé de faux héros.
Dans "Elle", un personnage étrange qui n'est autre que le pape virevolte, lancé, les fesses à l'air, sur des patins à roulettes ! Est-ce une farce pour autant? Nullement: c'est peut-être la pièce de Genet la plus réfléchie sur les notions d'être et de paraître, d'image et de réalité. Dans les deux oeuvres, en fait, Genet ne cesse de creuser, en termes concrets de théâtre, ce que fiction veut dire, à la fois comme mensonge et comme construction de soi.
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Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes
Jean Genet
- Chemin De Fer
- Micheline
- 1 Juin 2013
- 9782916130545
Ce qui est resté d'un Rembrandt déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes a été publié pour la première fois dans la revue Tel Quel en 1967. Le titre doit être pris littéralement : en 1964, suite au suicide de son compagnon, Jean Genet détruit les manuscrits sur lesquels il travaille, dont un consacré à Rembrandt. Quelque temps auparavant deux fragments en avaient été confiés à un traducteur, ce qui les sauve de la destruction.
Pour Tel Quel, Jean Genet les place en vis-à-vis sur deux colonnes, faisant de l'un le commentaire de l'autre, mise en forme radicale qui laisse entendre que toute parole est double.
Le premier fragment fait allusion à un épisode fondamental de sa vie : «un jour, dans un wagon, en regardant le voyageur assis en face de moi j'eus la révélation que tout homme en vaut un autre». Cette expérience profondément humaniste est mise en regard du second fragment où il évoque sa fascination pour les peintures de Rembrandt.
L'épisode du train apparaît alors pour lui comme un événement aux conséquences fondamentales : si tout homme en vaut un autre, la puissance érotique se délite, tout individu devenant le sujet possible de l'art.
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François Sentein raconte dans les Nouvelles minutes d'un libertin sa rencontre avec un improbable voleur de livres, en particulier d'éditions originales des classiques, surnommé Corneille. Avec Jean Genet, alias Corneille, se noue très vite une relation amicale, et Sentein discerne immédiatement les capacités littéraires d'un jeune malfrat qui n'a jusqu'alors rien publié. Il lira tout le premier théâtre, détruit depuis, de Genet, et assistera à la composition de Notre-Dame-des-Fleurs qu'il corrigera et ponctuera. Dans les quelques années qui précèdent sa gloire littéraire, Genet est comme l'on sait menacé de relégation, et c'est de prison qu'il s'adresse surtout à Sentein, seul à l'aider ou presque, prenant soin des moindres demandes d'un ami plutôt exigeant. Annotées par Claire Degans avec l'aide de François Sentein, ces lettres offrent pour la première fois une vision directe, et extrêmement émouvante, des débuts d'un des plus grands écrivains de notre siècle.