Aujourd'hui la guerre soi-disant menée contre le chômage se transforme en une guerre contre le chômeur.
Ce dernier condense, en effet, tout un ensemble d'indignités sociales et politiques qui en font une figure peu fréquentable et peu respectable. Le chômage " volontaire ", les " trappes à chômage ", la " violence " des chômeurs, leur tentation électorale vers le FN sont quelques-uns de ces stigmates sociaux et politiques qu'entretient, à son plus grand profit, le néolibéralisme. Pourtant tous ces lieux communs sont empiriquement réfutables à la seule lumière des travaux menés en sciences sociales.
Par ailleurs, si chômage et démocratie sont deux termes très souvent mis en relation, c'est pour poser la question sous l'angle unique des effets quels effets sociaux et politiques, le chômage exerce sur la démocratie ? Or, si on renverse les termes de la question initiale, " qu'est-ce que la démocratie fait, ou doit faire, des chômeurs ? ", on retrouve l'origine du chômage en tant que réforme sociale visant, dans la toute fin du XIXe siècle, à arracher les chômeurs à une " dangereuse " pauvreté.
Cette réforme, parce qu'elle concevait à l'origine le chômage comme un risque d'existence (au même titre que la vieillesse ou la maladie), appelait des réponses autant collectives que politiques. Elle visait à accorder une véritable protection aux chômeurs et cherchait autant à les prémunir contre la précarité matérielle qu'à leur assurer une dignité sociale : le chômeur était alors considéré comme la victime, nécessairement involontaire, d'un aléa économique et non plus désigné comme le seul responsable d'une situation coupable.
Le rappel des origines et du sens de cette réforme n'en devient que plus urgent devant la virulence grandissante des attaques dont le chômeur est la cible.
On annonce depuis près d'un siècle la disparition des orchestres d'harmonie. Ces ensembles d'instruments à vent. héritage du mouvement orphéonique dont l'origine remonte au dix-neuvième siècle, sont principalement ancrés dans un monde rural et populaire aujourd'hui largement révolu. Si elle a décliné. cette pratique n'en demeure pas moins importante. Plusieurs milliers d'orchestres constituent le cadre de la formation et de l'activité musicales d'amateurs de tous âges. Comment se maintient une forme culturelle quand les bases sociales qui en ont favoris le développement se délitent? Comment est vécue une pratique socialement dévalorisée et référée négativement au modèle culturel légitime? Ces deux questions guident l'exploration d'un univers musical qui n'avait jusqu'ici jamais fait l'objet d'une enquête sociologique. Vincent Dubois. Jean-Matthieu Méon et Emmanuel Pierru ont enquêté en Alsace, où les harmonies sont nombreuses. Grâce à l'usage combiné de l'analyse statistique et de l'enquête ethnographique. ils fournissent une vision vivante et nuancée des configurations sociales dans lesquelles évoluent ces orchestres: les mondes de l'harmonie. Ils ouvrent ce faisant de nouvelles pistes pour comprendre plus généralement les relations entre hiérarchies culturelles et transformations sociales.