Longue serait la liste des crises de natures diverses, des catastrophes naturelles, des séismes qui se sont succédés, remettant au passage en question les certitudes de maîtrise de la nature et de la société que nous nous étions forgées. Si les incertitudes d'origine naturelle ont longtemps marqué la conduite des activités humaines, d'autres, liées aux activités de l'homme, ont désormais pris l'ascendant. Elles alimentent nombre de controverses autour des choix politiques ou des changements techniques et scientifiques. On ne peut désormais plus prétendre dominer aisément des incertitudes. Celles-ci ne sont plus des phénomènes résiduels dont il faut «débarrasser» nos décisions. Mais alors, la question du maîtrisable, celle de la « gestion des risques » doit-elle être posée à nouveaux frais. Quelles récuperssions peut-elle avoir auprès d'individus contemporains appelés à se responsabiliser, à se maîtriser eux-mêmes, à défaut de pouvoir maîtriser le sort et les incertitudes les plus radicales ? Des incertitudes qui ne sont pas réparties également car, que l'on soit homme ou femme, habitant du Nord ou du Sud, que l'on habite quelque quartier chic ou, au contraire, quelque bidonville, nous ne sommes décidément pas égaux face aux risques.
Parmi les différents travaux réalisés par olgierd kuty, la thématique de la négociation constitue bel et bien un domaine de préoccupation transversal.
Depuis les analyses pionnières qu'il a menées sur le " paradigme de négociation " dès 1911 (comme le soulignent les contributions d'erhard friedberg, sébastien dalgalarrondo, marco martiniello et didier vrancken) à celles de 2006 sur le compromis belge, en passant par un ouvrage sur la " négociation des valeurs " (de boeck) et la création de la revue internationale négociations, il a incontestablement participé à la réflexion autour de ce concept en sociologie.
C'est à cette réflexion que cet ouvrage vient rendre hommage, en rassemblant les contributions de collègues belges et étrangers avec lesquels olgierd kuty a entretenu des liens privilégiés tout au long de sa carrière. la négociation constitue aujourd'hui une activité sociale ordinaire. certaines contributions rassemblées dans cet ouvrage tentent de saisir les modalités des jeux de négociation (a. eraly, j.
-y. trépos) sur des terrains aussi variés que la justice (j. commaille, j. hubin, p martens), l'intervention sociologique en entreprise (fr. pichault), la médiation familiale (b. bastard), la socialisation politique des jeunes (b. fournier), les relations collectives de travail (p. desmarez, p-e. tixier), l'aide sociale (fr. schoenaers et chr. dubois, m. born et ci. gavray), l'administration (fr. pavé), les pme (ph.
Scieur) ou l'enseignement (j. -fr. guillaume). d'autres contributions sont davantage attentives aux implications de ces jeux de négociation, notamment sur l'identité individuelle (la " double transaction identitaire " de ci. dubar et les " identités transverses " de m. -h. soulet) et collective (la " communauté de projet " de j. -d. reynaud) des acteurs. enfin, les concepts de pouvoir (m. jacquemain), de conflit (l.
Van campenhoudt) et de pragmatique (j. -l. genard), chers à olgierd kuty, font également l'objet de réflexions dont les résultats sont exposés dans cet ouvrage.
"Malaise", "crise d'identité", "démotivation", "quête de sens"...
Quand les récits de vie se déclinent de plus en plus en catastrophes ordinaires, quand la zone de vulnérabilité ne cesse de s'étendre, menaçant des couches de la société qui en principe ne relevaient pas du champ de l'intervention sociale, se pose alors une question lancinante : le social serait-il devenu barbare, étranger aux conditions qui l'ont vu émerger ? Si le travail social s'étend de plus en plus, entre dans les quartiers, les familles, les couples et quitte les espaces qui lui étaient traditionnellement réservés à la marge, c'est aussi que le social se banalise.
Paradoxalement, s'il se banalise et gagne du terrain, c'est qu'il ne suffit plus...
Certes, nos sociétés européennes offrent encore largement des régimes de protection sociale.
Mais ces derniers sont traversés par des mouvements d'inflexion qui conduisent à poser l'existence d'un nouvel ordre protectionnel. Traversé par de nombreuses contradictions, ce nouvel ordre protectionnel se cherche. Il se déclinerait ainsi comme un ordre biographique qui tente de s'installer au plus près des trajectoires et des parcours de vie. Enfin, le nouvel ordre protectionnel serait d'ordre fictionnel, il se nourrirait d'images, de représentations à l'horizon desquelles viendrait désormais poindre la sollicitude.
L'analyse des politiques sociales met de plus en plus en scène des individus saisis à travers leurs trajectoires, leurs parcours d'emploi, de vie, de formation ou d'insertion. En même temps s'annonce un profond mouvement de dérégulaton de l'héritage providentiel, derrière lequel un nouvel ordre social, plus incitatif, se met en place.