« Sans les mauvaises filles, les époques n'avancent pas. Elles sont des pionnières, nécessaires à la marche du monde. ».
Loin, à l'ouest est l'histoire de quatre mauvaises filles. Georges, que sa mère a prénommée ainsi pour qu'elle ait « une vie d'homme », Lucie, sa belle-fille, qu'elle a haïe puis aimée, Solange, sa petite-fille à la beauté singulière, et puis son arrière petite-fille, Octavie, qui tente aujourd'hui de résoudre le « mystère Georges » à l'aide d'Internet.
On y croise aussi Louise Michel, et Calamity Jane.
Avec elles, on traverse plus d'un siècle du point de vue des femmes.
Ces femmes gigognes disent quelque chose de l'existence corsetée qu'on a cherché à leur imposer et du goût de l'imaginaire, seul capable de les sauver. Quel est le poids d'un prénom, d'un nom, d'une famille, d'un livre, sur un destin ? Que choisit-on, que réécrit-on ? A-t-on le droit le réinventer sa vie ?
Raconter leur histoire, leur part de vérité et de réinvention, c'est faire un éloge du mensonge, parce qu'il rend la vie plus belle, et que parfois, il préserve de l'oubli. C'est ériger la fiction en reine, parce qu'elle permet à chacun de faire le récit de sa vie.
Ce livre, cette saga, est avant tout une célébration de l'imaginaire.
« Cela ressemblait moins que jamais à une jungle, ou alors une jungle froide, de bois et de boue, avec des animaux crottés, et des monstres de métal au loin, sous le crachin. Pas le genre qui fait rêver, avec les perroquets et les feuilles vertes et grasses, où on transpire dans une odeur d'humus. Une jungle du pauvre. Ici, il n'y avait pas un arbre, pas une feuille, pas de chaleur. Et aujourd'hui, c'était silencieux. Cette jungle qui avait été un chaos où des milliers de personnes vivaient, mangeaient, parlaient, se battaient, était devenue un désert, où ils étaient seuls, tous les six.
Six enfants et adolescents dans une ambiance de fin du monde. »
Deux filles, Aurore et Marine, reviennent d'Afghanistan. Elles y ont vécu six mois de tension, d'horreur, de peur. Elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, pour ce que l'armée appelle un « sas de décompression », où on va leur réapprendre à vivre normalement, à oublier la guerre, à coup de séances de débriefing collectif et cours d'aquagym, de soirées arrosées et de visites de sites archéologiques de la vieille Europe.
Dans un décor de filles en maillots et de fêtes sur la plage, Aurore et Marine vont s'apercevoir qu'elles n'ont peut-être plus rien à perdre, et aller jusqu'au bout de la violence.
Six nouvelles, six destins de femmes que nous rencontrons au fil de leur âge, de l'enfance à la vieillesse. Elles ont des façons très distinctes d'envisager le temps. Leurs histoires se croisent et se répondent au gré d'un lieu, d'une phrase ou d'un souvenir commun. Rythmant ces nouvelles, des théorèmes et des histoires scientifiques viennent définir le temps et prouver qu'il est relatif Il dépend de la personne qui l'éprouve et de ce qu'elle vie à ce moment-là. Les nouvelles :
- « Retomber en enfance » : Dans le métro, une jeune femme fombe face à face avec elle-même, enfant.
- « Les conserves » : Une étudiante emménage près d'un site de construction d'un barrage, dans la maison d'un homme vivant avec sa fille adolescente. La rivière va engloutir leurs rêves et leurs souvenirs.
- « Apesanteur » : Une jeune veuve, danseuse, hésite, sur l'endroit où disperser les cendres de son mari qu'elle a aimé. Elle ne veut pas s'en séparer et choisit d'en faire une oeuvre d'art
- « Vie et destin de Madeleine Bayard, révolutionnaire » : Une vieille dame parisienne a pour seule distraction de recueillir des chats errants dans la cour de son immeuble, ce qui n'est pas du goût des autres locataires. Un conte moderne, à l'humour acide, où les vieux deviennent des révolutionnaires.
- « Un temps fou » : Pascale, aide-soignante à la clinique des Sables, au bord de l'Atlantique, doit s'occuper d'un patient pas comme les autres : son père
- « Des gouttes au bas des draps » : En Amérique du sud, deux appartements face à face dans une rue étroite. Leurs occupantes s'épient sous prétextge de s'occuper du linge qui sèche sur les étendoirs.
Claire a bientôt trente-neuf ans, elle vit seule, en province, au bord de la mer. Elle est dame de compagnie. Toute sa vie tourne autour de celle de " ses vieillards " : elle les lève, les lave, les nourrit, les couche, en véritable auxiliaire de vie. Son rythme se heurte à celui, plus lent, des vieux, et à celui, bien plus rapide, du monde, qu'elle voit surtout via la télévision. Claire est le lien entre le monde au-dehors et ses cinq clients.
Il y a Alice, qui suit les jeux télévisés avec assiduité ; Hugo, vieil homme indigne qui râle après tout, et tout le monde ; Anne-Louise, qui oublie tout et qui perd la raison ; Rose et Gwenn, frère et soeur unis envers et contre tout.
A force de s'occuper d'eux, Claire finit par être obsédée par l'idée du temps compté.
Le reste de ses journées, elle le passe en voiture, à aller d'un vieux à un autre au lieu de partir loin, très loin - ou bien devant la télévision, où le spectacle a remplacé le réel auquel elle est confrontée chaque jour. Claire cherche un moyen d'évasion, que ses sorties entre amis ne lui apportent plus vraiment. Elle commence, un peu par jeu, et par curiosité, à fouiller dans les maisons de ses vieillards. Claire devient l'archiviste de ces mémoires, leur dépositaire. A force de s'immiscer dans leurs vies, elle finit par se les approprier. Elle explore ce qui fait l'intérêt d'une vie et tente de définir la sienne. Quelle trace va-t-elle laisser dans ce monde qu'elle traverse oe
Quand elle rencontre Olivier, elle espère un changement de vie. Les secrets de ses vieillards lui permettent de briller, de croire en elle, de se construire une identité qui, quoique fausse et empruntée à d'autres, lui permet de le séduire. Elle vit enfin, elle respire, elle frôle l'infini.
Mais ses mensonges et ses inventions, ses rêves et ses fantasmes finissent par avoir raison de sa parenthèse de bonheur. L'univers de Claire se fissure. Dans un monde de plus en plus irréel, l'imaginaire est-il le seul refuge possibleoe