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Cosimo Lisi
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L'espace produit par la modernité est celui qui fut nommé par Henri Lefebvre « l'espace abstrait ». Produit de l'État moderne, cet espace est structuré par la violence. Violence de prédation : celle de l'accumulation primitive du capital, destructrice de tous les mondes qui ne sont pas compatibles avec ou qui résistent à la logique capitaliste. Violence d'homogénéisation : celle qui nie les différences tout en fragmentant et hiérarchisant les existences. L'espace abstrait est l'espace « neutre » ou neutralisant, qui est assigné aux classes moyennes, mais aussi l'espace de ségrégation (néo-) coloniale et de hiérarchisation.
Ce livre analyse la production violente de l'espace abstrait à partir de l'histoire de la construction d'un dispositif d'intervention spatiale ayant structuré Paris selon une logique cartographique : la rénovation urbaine. Ce dispositif, déployé massivement par Haussmann, trouve sa logique systémique dans la rénovation fonctionnaliste-gaulliste des Trente glorieuses, son origine dans l'histoire coloniale et sa place dans les processus d'accumulation du capital.
Notre analyse se concentre sur Paris et sa banlieue. En effet, si les interventions spatiales de l'appareil d'État ont touché en profondeur la campagne française et l'ensemble du territoire national, la rénovation urbaine a surtout visé Paris et sa banlieue. La rénovation urbaine se présente tout d'abord comme une bataille continue de l'État contre Paris - le Paris populaire, le Paris communal - et comme sa transformation progressive en « capitale », centre du dispositif cartographique. Le Paris populaire, qui s'est souvent manifesté dans l'histoire comme le Paris ingouvernable, était ce qui devait être dominé, domestiqué ou expulsé.