Dans la France de la seconde moitié du XIXe siècle, le Juif et l'homosexuel sont les figures réprouvées d'une époque marquée par une crise de l'identité masculine. La défaite contre la Prusse a été vécue comme un drame national, une preuve de l'affaiblissement de la France et de la dégénérescence de la « race ». Les coupables sont vite désignés : l'« invasion juive » et la dépravation des moeurs.
Très rapidement et de manière massive, le théâtre puis le cinéma se font l'écho de cet antisémitisme et de cette homophobie. Ils mettent en scène des Juifs et des homosexuels présentés sous des dehors à la fois grotesques et répulsifs, en un jeu de correspondances qui éclaire puissamment les hantises liées à la sexualité, à la peur du mélange et au rejet de l'altérité.
De Renoir à Pagnol, de Sarah Bernhard à Sacha Guitry, des Goncourt à Gide, cette traversée du monde du spectacle est une véritable plongée au coeur de la société française de la fin du XIXe à la Seconde Guerre mondiale, qui fait de l'homme blanc, bourgeois, catholique et hétérosexuel, le pilier de la nation.
La critique dramatique révèle l'état de la société.
Lorsque Emile Zola et Octave Mirbeau entrent en guerre contre Francisque Sarcey, c'est à la bourgeoisie réactionnaire de la IIIe République qu'ils livrent bataille. Romain Rolland, dans le titre " Point de critique ", résume bien l'attitude des auteurs vis-à-vis de la critique d'humeur. Marcel Pagnol s'indigne. Dans L'Impromptu de l'Alma, Eugène Ionesco ridiculise les critiques de la revue Théâtre populaire, notamment Roland Barthes et Bernard Dort.
Les metteurs en scène ne sont pas les derniers à manier l'ironie féroce. Et lorsque Jacques Lassalle dénonce les médiocrités de la profession, n'adresse-t-il pas des griefs analogues à ceux que Jacques Copeau lançait à Léon Blum ? N'y aurait-il alors que de mauvais critiques ? Parole à la défense ! Les textes de Bernard Dort, Georges Banu et un entretien inédit avec Bertrand Poirot-Delpech permettent de dessiner avec finesse et lucidité les contours d'une critique exigeante.
Sarah Bernhardt, pourtant invalide, n'a pas hésité à donner
plusieurs représentations théâtrales devant des milliers de
soldats, regroupés pour voir l'une des grandes vedettes du
temps. Moment de détente dans la vie du poilu, mais aussi
propagande ou reflet de leur existence difficile, le théâtre
joue un rôle important dans la vie du Front pendant la
Grande Guerre. Or, il est encore l'un des territoires peu
connus de l'histoire culturelle de la Première Guerre
mondiale.
Le théâtre monte au Front explore les différents visages du répertoire
de ce moment crucial: des pièces censurées à celles
écrites par les poilus eux-mêmes, du théâtre patriotique au
pacifiste, des auteurs de l'arrière aux représentations des casernes
et des campements. Entre « bourrage de crâne » et
vision très réaliste donnée par les soldats, le théâtre propose
une image fouillée de la guerre, de ses représentations, et des
façons dont elle a été vécue.
Le livre se compose d'une série d'essais sur la vie théâtrale entre 1914 et 1918, depuis Paris jusqu'au Front, et y adjoint une anthologie d'extraits significatifs d'un répertoire largement inédit, voire méconnu.
Dès le début des années cinquante, Bernard Dort exerça une influence prépondérante sur le théâtre français et européen. Ébloui par Brecht, il fit, avec Roland Barthes, de la revue Théâtre populaire un bastion du brechtisme, mais il découvrit et encouragea aussi presque toutes les grandes aventures théâtrales de son temps.
Si ce haut fonctionnaire, sorti de l'ENA, passionné de cinéma, d'opéra et de littérature, collaborateur des Temps modernes, des Cahiers du Sud, de L'Express ou de France Observateur, fut un temps le jeune homme prodige que le Tout-Paris littéraire s'arracha, il devint très vite cet essayiste qui s'interrogea sur la place et le rôle de l'art dans la société et ce passeur discret, attentif, fraternel que les créateurs respectaient.
Cette biographie, commencée du vivant de Bernard Dort par de longs entretiens avec Chantal Meyer-Plantureux, fait revivre "cette personnalité inclassable", cet "intellectuel en marge" qui refusait tous les honneurs, les fausses gloires, les compromissions.
La notion de « Théâtre populaire » a été souvent étudiée du côté des artistes, des théoriciens, jamais dans sa dimension politique. Ce fut pourtant un long combat qui provoqua de nombreuses discussions à l'Assemblée nationale. Des hommes politiques de droite comme de gauche s'affrontèrent : l'État devait-il ou non s'engager, devait-il ou non aider à la création d'un véritable Théâtre populaire en France ? Ce volume se présente sous la forme d'un essai suivi d'une anthologie. Les textes qui la composent ont été choisis pour rendre compte du dialogue souvent houleux qui a existé, de la fin du XIXe au milieu du XXe, entre artistes et hommes politiques.