Gilbert Simondon (1924-1989), dont la pensée se situe au carrefour de trois grands courants de la philosophie du XXe siècle : la philosophie de Bergson, l'épistémologie française et la phénoménologie, a choisi de placer l'ensemble de ses travaux sous le signe du dialogue entre la philosophie et les sciences humaines. Il aborde ce dialogue en reprenant certaines questions classiques de la sociologie, mais aussi dans une perspective plus politique en discutant les nombreux programmes d'« ingénierie sociale » qui ont été proposés dans les années quarante et cinquante afin de réguler les sociétés humaines (dans la psychologie sociale américaine, le Human Engineering, la cybernétique). De sa lecture de Bergson, Canguilhem et Merleau-Ponty, Simondon retient que le social ne peut être l'objet d'une régulation purement technicienne. Toutefois, au contact des milieux d'ingénieurs qu'il fréquentait et grâce à sa grande connaissance des techniques, il s'est aussi forgé une conviction puissante : si elle veut être en prise sur le monde actuel, la pensée sociale doit commencer par inquiéter l'opposition entre culture et technique.
Récusant à la fois les pensées technicistes du social et les doctrines pour lesquelles un humanisme véritable doit commencer par disqualifier les techniques industrielles, Simondon entreprend une voie moyenne, originale, qui nous apparaît aujourd'hui très stimulante. En effet, à une époque où « gouvernance », « régulation » et « gestion » sont devenus les maîtres-mots de la politique, et où les sciences humaines et sociales sont enrôlées pour « accompagner » les développements scientifiques et techniques, la philosophie de Simondon contient les éléments d'une pensée du social qui évite de succomber aussi bien aux facilités de la technophobie, toujours tentante, qu'aux séductions du management.
Today, it is widely recognized that in order to meet environmental challenges, it will not simply be enough to make our lifestyles ?greener?; also critical is putting an end to the modern conception of the human as ?master and possessor? of nature. However, to bear fruit, this change in anthropology must also be accompanied by a revision in our conception of technology. Since the Enlightenment and the development of industrialization, technology no longer seems to be subject to the guiding principles set by the Greeks: prudence and the search for the right measure in all, which leads to the care of beings and the world. Care in Technology analyzes the historical changes that have led technology to become an unthinkable part of care, and care an unthinkable part of technology. It also establishes the conditions for care to once again become a regulatory principle of the activity of engineers who design technology.
Deux types d'adversaires s'affrontent en permanence sur la question de l'évolution technique : d'un côté, ceux qui pensent que cette évolution suit une logique interne, inéluctable et en somme infernale (« on n'arrête pas le progrès ») ; de l'autre, ceux qui pensent qu'aucune téléologie n'oriente inexorablement le changement et que l'homme est maître de son destin. Ces positions s'accordent toutefois sur le sens de l'expression « évolution technique », qui équivaudrait à « développement autonome des techniques dans l'histoire ».
Or c'est cette définition a minima qui peut être mise en doute. Le présent livre n'a pas pour objectif de réfléchir aux grandes orientations des changements en cours ; il a pour but d'apporter un éclairage sur les significations multiples du mot même d'évolution. Non pas donc dire s'il y a, oui ou non, une évolution technique mais examiner les sens de ce « il y a ».
La médecine personnalisée est le nouvel horizon des politiques de santé à l'échelle internationale. Il s'agit d'un grand programme qui doit mobiliser tous les acteurs de la santé - chercheurs, cliniciens, pouvoirs publics, industriels, associations de patients - autour d'un objectif commun : améliorer le diagnostic et la prise en charge des malades grâce aux nouvelles technologies du séquençage des génomes, de l'analyse des biomolécules et de la modélisation informatique. D'importants crédits lui sont consacrés, notamment dans la recherche en cancérologie et dans l'étude de certaines pathologies chroniques. La médecine personnalisée est ainsi la promesse d'une application massive des connaissances et des technologies biomédicales, au bénéfice des patients. Ses buts semblent indiscutables. Et pourtant...
En quoi la médecine personnalisée se démarque-t-elle de ce que les médecins font depuis toujours, à savoir adapter leurs diagnostics et leurs prescriptions à chaque patient ? S'agit-il d'un nouveau paradigme médical ? En quoi une médecine fondée sur la capacité technologique à acquérir, à stocker et à traiter des données est-elle « personnalisée » ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une intensification de la médecine scientifique qui repose plus que jamais sur de l'impersonnel : des technologies de pointe, des algorithmes statistiques, des modèles informatiques ? Que devient le patient dans cette démarche qui intéresse avant tout les industriels et les autorités de santé ? Les enjeux éthiques sont-ils suffisamment pris en considération ?
L'ouvrage questionne cette tension entre une médecine ultra-technologique qui confère une signification moléculaire à la personne et une médecine du soin, centrée sur le patient. Entre les deux, le conflit est-il indépassable ?
C'est ce que l'ouvrage entend discuter.
Offering an overall insight into the French tradition of philosophy of technology, this volume is meant to make French-speaking contributions more accessible to the international philosophical community. The first section, "Negotiating a Cultural Heritage," presents a number of leading 20th century philosophical figures (from Bergson and Canguilhem to Simondon, Dagognet or Ellul) and intellectual movements (from Personalism to French Cybernetics and political ecology) that help shape philosophy of technology in the Francophone area, and feed into contemporary debates (ecology of technology, politics of technology, game studies). The second section, "Coining and Reconfiguring Technoscience," traces the genealogy of this controversial concept and discusses its meanings and relevance. A third section, "Revisiting Anthropological Categories," focuses on the relationships of technology with the natural and the human worlds from various perspectives that include anthropotechnology, Anthropocene, technological and vital norms and temporalities. The final section, "Innovating in Ethics, Design and Aesthetics," brings together contributions that draw on various French traditions to afford fresh insights on ethics of technology, philosophy of design, techno-aesthetics and digital studies. The contributions in this volume are vivid and rich in original approaches that can spur exchanges and debates with other philosophical traditions.