« Je pense sincèrement que tu auras été un grand amour de ma vie », m'as-tu écrit. Et moi, que devrais-je dire ? Le plus douloureux. Le plus incompréhensible. Sans doute as-tu aimé l'écrivain, celui qui te chantait jour et nuit comme un rossignol aux yeux crevés - il semble, en effet, qu'ils chantent mieux quand on leur crève les yeux. J'ai fait de toi un temple imaginaire qui ressemble si peu à la femme que tu es. Je t'ai agrandie, oui, comme tu m'as agrandi sans t'en apercevoir. »À l'automne de sa vie, Pierre s'éprend d'une collègue de son âge, belle et follement libre. Ce qui aurait pu être une banale rencontre va devenir une passion brûlante. Pierre exige toujours davantage. Plus il s'amourache de cette « délinquante des sentiments », plus elle semble lui échapper. Il s'aveugle, en toute conscience, et se jette à mots perdus dans une relation qui le nourrit et le détruit à la fois. Mais n'est-ce pas là le propre de la passion amoureuse ?Pierre Mérot, l'auteur de Mammifères et de Toute la noirceur du monde, dissèque avec une précision chirurgicale et une autodérision impitoyable l'éternel mécanisme de l'amour, et peut-être de l'ultime passion.
À l'automne de sa vie, Traum, un écrivain talentueux mais délicieusement raté, se confie à Baragouin, sorte de secrétaire auquel il livre ses dernières pensées, ses rêves, ses amours, mais aussi des révélations. Celles-ci tournent autour de Kurtz, un ancien ami, un auteur " à la saloperie de talent " qui a construit son succès mondial sur une oeuvre annonçant les crépuscules de notre civilisation. Kurtz a gagné la fortune et une célébrité sulfureuse, puis est parti s'isoler en Espagne dans un lieu secret, " Arkansas ". Là-bas, une secte d'admirateurs à la recherche d'une utopie s'enfonce peu à peu dans le cauchemar...Dans un style lyrique inimitable, gorgé d'inventions et de fulgurances, Pierre Mérot nous offre une rhapsodie littéraire revigorante et optimiste, véritable ronde de personnages en quête d'amour et de rédemption : un clochard à l'intelligence " plus vive et plus mobile qu'un voleur sur le toit ", des amants " brisant des mots d'amour entre leurs dents ", la mystérieuse " Anna-la-Jubilante " et puis Rita, l'extravagante Rita, venue de l'Est... Arkansas, oeuvre sur la transmission de la création artistique comme ultime salut des âmes perdues, est le grand roman attendu par ceux qui ont salué, avec Mammifères, l'immense et singulier talent de Pierre Mérot.
« Il n'y a rien de mieux que les bars à moitié vides, les soirs sans chiffre. Le client de gauche se détache sur la grande baie vitrée avec tout son poids de malheur. Il est malheureux parce qu'il attend une fille fabuleuse, une longue fille très belle qui viendra s'accouder comme un ange ou une grande blessure. Vous n'attendez rien. Le bac des verres palpite comme un bassin de truites dans une vieille montagne. Des représentants d'épaules passent sans rêves. La serveuse allume une cigarette parce que l'amour n'existe pas. Les femmes les plus obstinées, celles qui ont cru pouvoir vous ramener dans le monde, ont renoncé. Vous êtes dans un état proche du bonheur.»
L'oeuvre reproduite page 85 est d'André du Colombier.
C'est pas toujours facile d'avoir des parents altermondialistes lorsqu'on aime les choses bien rangées...Pierre Mérot retrouve les chemins ludiques de la satire sociale et joyeuse, en faisant le portrait d'un jeune adolescent " réactionnaire " élevé par des parents bobos.
Kennedy Junior a treize ans et vit avec ses parents Ruth et Bob, sa soeur Maria et un boxer ronfleur nommé Carpette. Telle est la vision de sa famille que le petit Ulysse - de son vrai nom - retranscrit sur son blog : ses parents s'appellent en réalité Anne & Loïc, tous deux enseignants, et sa soeur de quinze ans se prénomme en fait Antigone. Ah, il ne faudrait pas oublier la petite dernière de sept ans, Pénélope, baptisée " In-Vitro ", sujet de toutes les expériences idéologiques du petit Ulysse. Cette sainte famille habitant le sympathique IXe arrondissement (" boboland "). Le petit Kennedy ne supporte pas ses parents et leur mollesse face à la vie. Lui, la sienne, il la passe sur Internet, à y trafiquer des devoirs ou à explorer les délices interdits que les webcams peuvent libérer, et propager... Son étendard, celui qu'il s'est choisi, est étoilé et à bandes rouges, ça sera les USA ! Kennedy Jr. se définit tel un " homme de droite " de treize ans, jusqu'à cette soirée d'anniversaire chez un ami, Alexis, et la rencontre d'une petite Rosa, qui vit en face dans le XVIIIe populo...
"Au seuil de ce livre si surprenant, si inouï, si jamais vu, si jamais lu, je devrais, pour rendre un peu de ma surprise et de ma jubilation, écrire à l'envers ou en lettres de sang et d'un mètre de haut, ou encore y aller d'un croquis à sa manière, énigmatique et dérisoire dans sa cavalière simplicité. Voici la description d'une "communauté" appelée à former, en rase campagne, une "Nouvelle Leipzig". Mais qui sont ces Garagistes et cet Obsédé qui la fondent ? Quels sont ces épouses, ces espions aux masques de corbeau, ces gardiens, ces naïades, ces anges, ces cafards, ces "abeilles en short", qui les entourent ? Quels sont cette bibliothèque végétale, ces clepsydres, ces baraquements ? Quelle est la raison d'être de tout cela ?
Avec la logique implacable et tranquille du rêve et d'un doigt de sinistre esprit bureautique genre SS à Auschwitz, voici le monde vu dans un prisme ou un miroir anamorphique, la tête en bas, par le petit bout d'une lorgnette ou le gros bout d'un télescope ou le cul d'une petite bouteille : le cauchemar est en effet ici souvent miniaturisé.
L'impression la plus forte, dans ce grand texte, reste qu'il semble surgi de nulle part, comme un formidable OVNI littéraire."
Dominique Noguez
photo: Pierre Ferbos ©éditions Flammarion
« Je ne supporte plus les mous. Les mous attirent les coups. On imagine les sons flasques dans les chairs... Quoi qu'il en soit, sur l'enveloppe de la lettre, il y avait une flamme tricolore. La Présidente m'avait donc répondu. » À cinquante ans, Jean Valmore, enseignant désabusé et écrivain de romans noirs non publiés, bascule progressivement dans la folie meurtrière. Il « tire » sur tout et tout le monde : un monde envahi par la mollesse et la médiocrité, les femmes, l'enseignement, les étrangers. À travers ce personnage, Pierre Mérot met en scène la noirceur qui hante nos sociétés séduites par l'extrémisme et gagnées par le mépris et la haine de l'autre. Avec la férocité et l'humour qu'on lui connaît, il nous tend ainsi le miroir terrible de ce que l'on se refuse souvent à voir.
« Je rêve d'un livre qui ne finirait pas. Parfois, je n'arrive pas à abandonner un chapitre. J'ajoute une virgule. Je change un mot. Juste pour être encore avec lui. Comme on reste encore un instant parmi les hommes. Dans leur vie. Dans leur chaleur. Comme on embrasse sans fin une femme sur un quai de gare. Il y a des chapitres qui sont de petites tombes illuminées, vivantes et affectueuses. On s'y sent bien. On voudrait y rester toujours. Quand je fais l'amour avec Oblomova, quand je repose sur son ventre, quand tout est accompli, elle me prie de rester encore. Elle voudrait me tenir dans ses bras jusqu'à la fin des temps. Tu crois que les hommes s'entretuent parce qu'ils savent qu'ils vont mourir ? »
Un éditeur fou ordonne à un auteur de quarante-quatre ans d'écrire un roman réaliste pour la rentrée littéraire. Mais à quoi bon raconter la vie d'un modeste prof au lycée Waterloo, incapable d'aimer la sublime Oblomova ? Pierre Mérot n'en fait qu'à sa tête dans cette épopée moderne, fuite jubilatoire dans l'alcool et l'amour idéal, l'humour et la littérature.