Jésus est dans la ville. Jésus préfère toujours aller dehors. Jésus dit : Soyez passants, passez de l'en-dehors à l'en-dedans et soyez perdurants. Éternisez-vous dans la passade. Allez et venez à vous en donner le tournis. Dehors c'est la vivance dit Jésus. Il faudrait imprimer l'air autrement, tracer dans les êtres et les sentiments. Jésus n'écrit pas dans sa tête mais dans sa bouche. La bouche à Jésus est une imprimante à mains. Jésus dit : Nous sommes des machines dont la pensée passe par nos doigts. Tous ces lointains imprimés dans les souvenirs, toutes ces vies qui l'entourent Jésus et notamment celle de Lulu. Son pays sa famille ses amours, Jésus va passer tout ça par le fil de l'écrit. Jésus est un poète qui trace sa vivance dans le poème.
Le père ancien c'est le père
au matin puis le père en fin
c'est le père au début
dans sa vieille mort et puis
après les prières c'est la mort
enfin dans le parler tout autour
et dans le parler il y a aussi
tout autour du fils la mère
dans sa mort moins ancienne
et la visite en moi de la famille
en ses rires et ses ruines.
Le pamphlet contre la mort se regarde comme quand on contemple longtemps un cercueil et qu'on imagine quelqu'un dedans. Dans ce livre, le cercueil sera le cerveau de toute l'histoire d'un type en dedans, avec sa vie, ses pensées, ses colères, ses amours, ses rêves et ses héros bas de plafond. Tout ça qu'il a voulu brûler par l'écrit. Tous les papiers du type qu'on imagine dans le cercueil. Toutes les paroles et ses manifestes qui l'ont traversé ces derniers temps et qui sont consignés, ici, dans cette cervelle de papier. Une cervelle pamphlétaire.
«Je parle de toi mon amour. Je parle de ton amour. Ou bien c'est de moi. C'est mon amour à moi dont il est question. Je me pose des questions sur notre amour à moi. Car y'a plus que moi dans cette affaire. Et je peux pas tout faire. Je peux pas faire l'amour avec moi tout seul. Et je peux pas parler tout seul non plus. Faut qu'on soit deux. Qu'on soit au grand complet pour se parler. Pour tout sortir. Faire le grand tri entre nos phrases. Pour dégager le terrain. Faut qu'on soit là pour faire table rase. Et pour qu'on soit plus qu'un. Faut qu'on discute un brin. Sinon ça sert à quoi de s'entêter. De tant vouloir être des hommes. Si déjà l'amour c'est pas humain.»
Qui est bibi? Qui le force à être? À devenir lui-même, c'est-à-dire à se pendre? Qui pousse bibi à commettre cet acte insensé pour se retrouver à travers ceux qui l'ont poussé à être? Bibi reste collé à sa naissance, au désespoir d'avoir pu être sans avoir jamais été vraiment. «Quand on me dit de parler, c'est-à-dire d'être, je sens bien à quel point Je me manque. Car personne n'a jamais été si peu bibi que moi-même, pense-t-il. Ce ne sont pas mes souvenirs, ce n'est pas moi qui parle. Qui me parle? Qui vit autant que moi la double catastrophe de s'être vu tout en n'étant pas lui-même?» Bibi attend, attend d'être soi. La naissance fut sa première maladie. Mais il n'est pas né à terme, car s'il est au terme de sa maladie, il sait qu'il ne peut plus faire partie des humains. «Je ne suis pas celui que tu crois être, pense bibi, je ne suis pas celui qui colle à la peau de la réalité. Je suis celui qui sort. On m'a sorti de moi-même tel un pendu. Comme un qui naît sans langue. La langue pendue, c'est comme l'histoire de moi, l'histoire de comment vont mes phrases. Comme un qui pend son être en voix, voilà pourquoi seulement j'écris, nous dit bibi.»
Une soirée un peu bizarre chez un narrateur qui ne se souvient plus de tous les détails. Il sait seulement qu'il y avait l'écrivain Ronron à sa fête et qu'ils ont commencé à draguer le Chefaillon. Plus tard dans la soirée, il fait la connaissance du mystérieux Capitaine Fendu, danse avec le Crabe, planche sur des théories écolo terroristes avec la femme de l'écrivain et appelle, bourré, la Fiancée, avant de s'écrouler sur le plancher du salon. Quand il se réveille, il s'aperçoit que l'Armée noire est passée par là, que les "Croneks" ont envahi les forêts et que le Martien va détruire la Terre, pour faire plaisir à sa maman. Les Exozomes sont le récit scientifico-burlesque d'une bande d'exo-personnages qui passe, en toutes complications, faire un petit coucou à Charlie
Depuis combien de temps Gégène n'a pas vu son copain Gabineau ? Lulu prétend que ça fait un bon moment qu'il cherche à le revoir. C'est même plutôt elle qui parle de ce bonhomme mystérieux, alors qu'elle avoue également ne l'avoir jamais rencontré. Gabineau serait un ami d'enfance, ou alors il s'agirait d'un ancien collègue, un copain de caserne... En tout cas, Gégène arrive dans la ville de son ami, mais il ne bouge pas de la 4L de Lulu. Il préfère attendre dans la voiture plutôt que de se perdre dans Malakoff. Peut-être Gégène se demande si Gabineau habite encore ici ? Peut-être son copain vit maintenant à Melun et fait office, comme l'imagine son fils Charlie, de chef secrétaire bossu et un peu spécial ? Peut-être ce Gabineau a fait l'Algérie et a connu un pied-noir surnommé la Tchitchette, quand celui-ci était enfant, ou plutôt à l'époque adulte, quand il a eu cette fille que tout le monde surnomme maintenant Mimille ? Peut-être aussi Gégène s'en contrefout tout bonnement et préfère se rouler une cigarette, avec son « toubaque », dans la 4L de Lulu en attendant que ça passe.
«J'écris un livre pour comprendre la vie. Si au bout du livre je n'ai rien compris, alors il faudra laisser tomber le livre par terre. Peut-être même le livre tombera par terre avant. Peut-être il n'y a rien à comprendre, pas une ligne. Ne lisez pas les lignes pour comprendre la vie. Il y a mille choses à faire à chaque minute. Toutes les minutes comptent. Chaque minute est une somme de possibles. Tandis que les livres donnent la mort à la minute. Chaque mort est insufflée par une ligne du livre. Le livre est impossible à donner. Il se donne, mais pour mort. Il donnerait sa mort pour comprendre la vie le livre. Ceci est un livre fait pour comprendre la vie. La mienne de vie. On dit ça. On dit : J'ai la vie mienne. Et je comprends rien. Ceci est un livre qui aide à comprendre rien. Ce n'est pas facile de rien comprendre. Je pourrais m'expliquer ça. M'expliquer la vie des heures durant. Des heures durant je suis là à attendre que ça se passe. Tout pourrait ainsi passer. Que nos envies passent de main. C'est comme ça aussi qu'on passe le vivant. De la main à la main. On se refile le baigneur.» Charles Pennequin.