"A ses débuts, un couple se vit comme stable et durable.
Les partenaires ne guettent aucun changement, sauf, bien sûr, les tempêtes et ravages de la passion, inopinée et brutale. Ce n'est pas de passion qu'il est question ici, mais de l'ennui - le plus subtil des périls. Je me disais heureux, comme Reine se disait heureuse : pourquoi taquiner ces sentiments-là? Depuis quatre ans, la bataille où se débat Reine m'a laissé le loisir de me poser des questions.
Je pense avoir compris combien j'avais laissé Reine s'appauvrir. "
En 1956, François Nourissier a été pendant trois ans Secrétaire général des éditions Denoël. La littérature française, sa vie, ses oeuvres, il connaît ça comme sa poche, mais c'est une poche tout ce qu'il y a de revolver. D'où ce pamphlet délicat en forme d'exercice imposé, où l'art de viser aux chevilles et de tacler sec s'exerce en maître, avec un toucher perlé tout ce qu'il y a de régalant.
Plaidons coupable.
A tout le moins plaidons inquiet : dans toute représentation moqueuse ou gentiment agressive d'une carrière, d'une ambition ou simplement d'un métier, on peut flairer un peu d'envie ou d'embarras, déplorer tout ce bruit pour rien. Ces sortes de farces côtoient toujours la gaffe. Attention au larbin congédié. La roture guette le malheureux caricaturiste qui s'échine à faire sourire pendant que de plus nobles que lui aiguisent noblement leur noble plume.
Je voudrais exprimer, et si possible illustrer cette affirmation : les maisons sont les lieux du monde (de notre petit monde) où prospèrent le plus somptueusement les nourritures et les poisons de l'amour.
Sa pompe et ses indignités. les maisons sont des couveuses à regrets, remords, amertumes, autant que des refuges pour les passions de l'amour. (j'appelle passions de l'amour les flambées aussi bien que les braises, les flammes claires, la cendre). les maisons sont les formidables cachettes où entreposer la vraie vie. françois nourissier
Un coup de soleil et de vent balaie la place du trocadéro.
Les pensées de paul valéry brillent en lettres d'or au fronton d'un palais républicain ; plus bas, trois mots claquent sur la pierre et m'offrent un titre : musée de l'homme. je suis preneur ! adjugé !
Le quart de siècle qui précède cette appropriation, nous avions fait, avouons-le, grande consommation de toutes les formes d'anthropologie : début de la vogue humanitaire, grand chic des " sciences humaines ", crédulités et optimismes divers.
Que d'homme ! que d'homme ! gide l'avait compris avec sa subtilité habituelle quand son å'dipe répond au sphinx : la réponse, c'est l'homme, quelle que soit la question.
Ils ne me font pas sourire les inconnus qui murmurent : " ah, si je vous racontais ma vie, quel livre vous en feriez ! " ils ont raison, ces naïfs. rien de plus émouvant qu'une vie réputée " ordinaire ", rien de plus amer, secret, étrange et étranger.
Les matériaux quotidiens font la comédie humaine : une tâche sur laquelle vous saignez; une mère qui glisse à l'absence ; une femme qu'enfin vous aimez après toutes celles que vous avez désaimées, perdues ; l'âge qui arme ses fusils. l'homme total et ordinaire méritait bien son musée. je lui ai donné l'apparence d'un carnet de croquis : onze autoportraits de m. tout-le-monde. voici le narrateur en père, fils, mari, en notable et en fantôme, en écrivain et en homme au rancart.
Un petit bourgeois était une confidence sournoisement subjective - une patate chaude. ici le conservateur a repris les choses en mains, mis de l'ordre, et il propose ce catalogue de mes expositions permanentes.
F. n.
Roman volé est le récit d'un fait divers.
C'est aussi une réflexion sur la possession, la dépossession, et la soustraction générale qui clôt toute vie. Une rupture du cours des choses produit chez le narrateur de longs échos : un vol. Quoi de plus banal, pourtant, qu'un vol ? À l'arraché, à la tire, à la roulotte, un casse, un saucissonnage : le vocabulaire est riche. Que nous vole-t-on, à ma femme et à moi, ce soir d'été ? Argent, colliers, bagues, passeports, clés de maison et de voiture, différents joujoux bancaires - panique ! Sans ses grigris, le roitelet d'Occident est nu.
Mais pourquoi, dans l'aérogare en train de glisser à la nuit, cet excès de désarroi ? Parce que l'on a aussi volé à l'écrivain son manuscrit en cours d'achèvement. Pas de double ? Pas de photocopie, de " mémoire ", de " disquette " ? Non, rien. Il n'est plus personne. Aussi désarmé et gueux que le clochard endormi sous ses emballages. Quel jeu le volé doit-il jouer ? Dramatiser ou minimiser ? Démangeaisons sécuritaires ou désinvolture ? On lui a volé ses rêves.
Il craint la récidive, le piège, le martyre, le ridicule. Il craint, si jamais on le retrouve, de devoir relire son manuscrit " d'un oeil neuf ", c'est-à-dire lavé par le vol, et de découvrir qu'il ne vaut pas tripette. Du moins le " travail de deuil ", comme dit le langage élégant, a-t-il commencé d'effacer la magie, la crédulité, l'illusion littéraires ? On ne va quand même pas faire la guerre pour Dantzig, ni un scandale pour un roman contestable ? Nos textes nous sont donnés, dites-vous.
Ils nous sont aussi volés : y voyez-vous une différence ? Création, imaginaire, personnages, etc. : sourdine ! sourdine !. F. N.
«Des Mémoires ? Certes non ! Le moins possible de grands décolletés, arquebusades, vieux maîtres bourrus. Des souvenirs ? Ce livre en est composé, comme de portraits, mais il ne cherche pas à être exhaustif, à n'oublier rien ni personne. Il procède plutôt par glissements, associations, hasards. S'il reconstitue une vie, c'est à travers des parfums, des colères, des plaisirs, des deuils et non pas des prouesses. L'auteur n'a pas cueilli un bouquet de fleurs d'index - d'ailleurs ne vous y cherchez pas, il n'y a pas d'index.
Une chronologie allusive laisse le récit se développer à sa façon. À peine ai-je voulu suggérer qu'il n'a pas été conquis sur la résistance habituelle que nous opposent les écrits autobiographiques, mais sur les ridicules et la panique inséparables de toute aggravation de l'étrange maladie de vivre. Un peu de gaieté était requise, bien entendu, pour dompter mes fauves et fauvettes dans leur cage dorée. En somme, une vie ordinaire : foi, agnosticisme, tristesses sociales, alliances amicales et amoureuses, peur ou lâcheté devant les crimes du siècle, tentations et dégoûts politiques.
Les livres - ceux des autres, les miens - ont bâti ma vie et fini par me faire une maison. J'ai écrit pour habiter mes livres, pour habiter ma vie. À l'heure (tardive) où j'en suis, la mémoire s'abandonne aux grandes marées intérieures et secoue mon bateau.»
«En 1961, j'étais grand lecteur depuis vingt bonnes années. Une évidence s'imposa : les livres abrupts, secrets, qui nourrissaient en moi le plus d'énergie et de rêves, me constituaient aussi une famille : Montaigne, Rousseau, Constant, Michel Leiris. Les hors-la-loi de la première personne, les innocents de l'aveu. Ma résolution fut vite prise : occuper ma place, fût-elle modeste, dans cette histoire d'amour et de vacherie que l'autobiographie mène avec soi-même et avec le style, l'allure qu'exige le genre. Un petit bourgeois (1963) fut le premier d'une suite d'ouvrages qui en comptera - Dieu dispose... - sept ou huit le jour de mon départ».
François Nourissier, 2002.
Entretiens avec Frédéric Badré et Arnaud Guillon
" La maladie n'est pas allégorique.
Elle est mon sujet : je la situe, la décris. Ce que l'on pourrait appeler la peste-Camus n'est pas mon propos. Je rêve d'écrire une Description de la maladie de P. à la façon de la Description de l'Égypte que, publia Vivant Denon en 1809. C'est une forêt, la maladie ! un labyrinthe, une maison inconnue qu'on visite dans la nuit. Tout ce qu'il s'y passe ! Les mensonges à dévoiler, les vérités à contourner.
Regarde où tu marches. Je ne cherche pas à dire cela en disant ceci, ni ceci en disant cela, je vous raconte le paysage, droit devant, j'essaie de n'en pas détourner les yeux, alors que le conseil le plus souvent donné, avec une insistance grondeuse, bourrue, est justement de me carapater, de dérober (nul cavalier ne te ramènera sur l'obstacle), pas de dignité ! pas de grands airs, fais semblant de ne pas les voir, les garces postées là, à t'attendre, en blouses et bonnets, qui te disent : "Un peu engourdi, hein ? ce matin..." "
L'amour entre un homme fait et une femme réputée "trop jeune pour lui" ; l'amour d'un peintre pour son travail : tels sont les deux pôles de cette histoire. burgonde est une vedette de l'"abstraction lyrique". victoire est une de ces jeunes femmes inimaginables il y a trente ans : libres de ton et d'allure, capables de choisir ou de quitter un homme et d'élever seules un enfant que nulle convention ne leur a imposé. que se passe-t-il quand victoire et burgonde se rencontrent, se reconnaissent, s'aiment avec l'irrépressible douceur d'une rivière descendant à la mer ? pour le raconter cinquante personnages - artistes et aventuriers, riches et chambardeurs, provinciaux et cosmopolites, pieds-noirs révoltés et "barons" gaullistes -, ces années, 1962 à 1974, où la france traversa tragédies et opulence, vit déferler les modes d'amérique, ricaner l'avant-garde, vaciller sa société, changer ses moeurs. des voyages : de provence à paris, de suisse à new york, des galeries de la 57e rue aux fermes de long island et aux châteaux languedociens.
A la fois les fêtes de la vie et ses paresses, le feu du désir, le parfum de la solitude, l'ambition, l'argent, l'alcool, le féroce appétit des commencements et la sagesse narquoise des épilogues. la vie est un bal, un ciel d'orage, un estuaire aux sables mouvants. elle est aussi une formidable histoire pleine de fureur et de comique, de chimères et d'humour : un {roman}, en somme, un petit morceau de la comédie universelle.
Hector Vachaud, dit Vachaud d'Arcole, n'est pas un grand cavalier, un "dieu" de Saumur ni une vedette des concours hippiques. Il est seulement un "homme de cheval". Sa passion le fait vivre, des années trente à nos jours, dans une société singulière et archaïque. A travers elle, il découvre la comédie sociale, l'amitié, le bonheur d'enseigner et même, sur le tard, l'amour. Un étrange amour. A travers le prisme de la morale cavalière il voit les passions politiques, les courages et les lâchetés, enfin la métamorphose immense de la France.
Ecuyers, cavaliers, ascèse et luxe, parfums du passé, amazones gourmandes de chair fraîche, anciens combattants abusifs, abbés musclés, manitous de Vichy, juifs traqués, gagne-petit du marché noir, jeunes filles en fleur : une peinture moqueuse et féroce d'un demi-siècle de vie française sert de décor à la vie d'Hector Vachaud. Les "belles âmes" n'y sont pas toujours limpides ! Heureusement, les chevaux aux yeux fous, les aubes en forêt, le silence religieux des manèges servent d'antidote aux poisons et aux impostures de la nostalgie.
Polka, chienne teckel née en 1966, a frappé la vie de françois nourissier d'une véritable maladie du sentiment.
D'oú la lettre sans réponse qu'il adresse à sa diabolique petite compagne à robe alezane. occupant ses jours et ses nuits, polka force son maître à l'amour absolu, au repliement sur soi, au silence et par-dessus tout au regard plus que critique jeté désormais sur le monde extérieur, jugé frivole et lassant. l'écrivain poursuit sa méditation -sur la création littéraire, ses rencontres, l'actualité- à partir de la petite chienne, celle-ci jouant à son égard le rôle étonnant d'une confidente, ou d'une psychanalyste à quatre pattes.
Un peu moins d'un an après la parution de ce livre, polka mourait, un soir de décembre, dans les bras de son compagnon.
J'ai beau me moquer des écrivains qui prétendent avoir été "entraînés par leurs personnages", et autres sornettes, force m'est de reconnaître que certains récits doivent plus à la volonté, et d'autres, à la nécessité. Celui-ci, inclassable, m'a forcé la plume. J'ai essayé de le contourner ; de détourner son contenu vers d'autres textes ; d'en faire un roman, etc. Mais en fin de compte il m'a fallu l'écrire dans la forme qu'il avait prise, d'emblée, dans mes songes. Bratislava évoque, sans suggérer de réponses, les questions que posent l'âge, le passage du temps, la mémoire, l'oubli. Tous les humains en train de vieillir ont ces sujets dans la tête et en connaissent le harcèlement. Certains, comme j'ai d'abord tenté de le faire, veulent en distraire leur attention ; d'autres les affrontent : c'est à eux que ce livre s'adresse. Il existe en littérature des genres, des tons, des styles. Bratislava, dans l'esprit de l'auteur, appartient à la confidence plutôt qu'à la harangue, à la comédie plutôt qu'à la tragédie. Il n'est donc pas interdit de s'y amuser. F.N.
Le Cycliste du lundi est un recueil dessais, conu et prŽfacŽ par Franois Nourissier lui-mme. Il rassemble une centaine darticles sur 88 auteurs livrŽs ˆ la presse entre 1962 et 1978. Le manuscrit fut redŽcouvert ˆ la BnF aprs tre restŽ secret pendant plus de trente ans. Outre un Žcrivain brillant et un membre engagŽ du jury Goncourt, Franois Nourissier a ŽtŽ un trs grand critique littŽraire. Au l des articles de ce large panorama, Franois Nourissier prend de la hauteur, nous emporte et nous transmet sa curiositŽ pour les livres, les auteurs et son Žmotion face ˆ des oeuvres qui le bouleversent.
En 1950, impatient de mettre ma vie en mots, j'avais publié l'homme humilié, un essai sur les déplacements de populations en europe (je " faisais de l'humanitaire ", en somme) que le pr. massignon avait préfacé. mais l'eau grise, à l'automne 1951, fut mon premier roman. on y retrouve mes occupations et préoccupations de l'époque : crise d'un trop jeune couple qu'aucune douceur enfantine ne réchauffe encore, présence un peu fantomatique des réfugiés et dp's (displaced persons) en faveur de qui je travaillais. on aurait pu voir aussi dans l'emprunt à l'epithalame, de jacques chardonne, d'une citation d'où j'avais tiré mon titre, quelque pétition de principe en faveur d'une esthétique d'idées qui n'étaient pas les miennes. les jeunes gens sont ainsi : ils se jettent à la littérature comme des chiens fous sur un morceau de bidoche.
Vingt-trois ans, un premier roman, un parrain vaguement compromettant, la rage de faire du romanesque avec tout : je n'allais quand même pas me plaindre ! un demi-siècle a passé... je suis encore là ? il y a peut-être un peu d'impudence à ne m'être pas tu encore, j'en suis conscient. mais quoi ! en cinquante ans on en trace des chemins ! on monte le mur, pierre à pierre. inutile d'interpréter cette intéressante maçonnerie : contentons-nous de ne pas ébranler la base, le socle, le pied. " le pied du mur " : il existe même une expression qui dit bien où j'en suis, car rééditer son premier roman, c'est y être parvenu, ou revenu.
J'ai tenté, en écrivant Une histoire française, de boucler l'aventure commencée avec Bleu comme la nuit et poursuivie dans Un petit bourgeois. Le premier volume hésitait entre confession et invention ; le second fut agressivement autobiographique. Une histoire française, par pudeur ou par timidité, revient au compromis entre l'artifice romanesque et le pur, le simple aveu. François Nourissier
Il y a les enfants près desquels on vit et qu'on élève, plus ou moins mal. Il y a ceux dont on s'est détourné, sous prétexte de travail, de divorce ou de confort. Il y a ceux, aussi, pour un homme dont la vie a été passablement désordonnée, qu'il a peut-être procréés, qui grandissent loin de lui et qu'il ne connaîtra jamais. Jamais ? Que se passe-t-il si le destin fait se rencontrer ces humains si proches et si lointains ? Quels ravages va provoquer dans le coeur d'un homme vieillissant, déjà empêtré dans une paternité réelle, cette Bérénice qu'il ne sait pas s'il convoite comme on convoite les trop jeunes femmes ou s'il est bouleversé de découvrir en elle l'enfant à son image - l'enfant qu'il n'a pas eu, qu'il n'aura jamais, et qu'il serait tellement plus facile d'aimer que Lucas, son fils... Un homme, deux jours durant, est déchiré entre passé et présent, responsabilités réelles et engagements chimériques, - entre Lucas et Bérénice. {La Fête des pères} est un "tour de la paternité" en trente-six heures et neuf personnages, le condensé d'un interminable malentendu.
{Le Bar de l'Escadrille} est le roman d'un métier et d'un homme. L'homme, Jos Fornerod, est éditeur. Il est entré "dans le papier" comme on joue, comme on se bat, comme on rêve. Il y a trouvé la magie brûlante et les chiffres glacés, l'amitié et les rivalités, les petits miracles, les grands échecs, et bientôt les tentations qui découlent de la passion des livres : presse, cinéma, télévision. Il lui semble exercer "le plus beau métier du monde", en tout cas le plus dévorant, qui roule vie privée, amours, secrets, dans l'unique torrent de la vie professionnelle. Si l'action du roman se déroule sur deux années, c'est toute la vie de Fornerod qui est évoquée, des débuts dans un taudis de la rue de la Harpe à ses trente ans de combats, de fêtes, d'amertumes. Chaque personnage prend la parole à son tour et raconte un épisode tel qu'il l'a vécu - cent personnages, au premier rang desquels Jos, sa femme Claude, et une de "ses" romancières, Elisabeth, qui traîne tous les coeurs après soi. Le récit procède par grandes scènes : le tournage d'un film, un enterrement, un complot financier, des monstres sacrés au repos, une tragédie en montagne. Il y est aussi beaucoup question de l'amour d'un homme pour son épouse...
Le 26 septembre 1981 aurait dû être une journée ordinaire pour le docteur Fargeau si deux événements tout à fait inopinés - l'agression de sa maîtresse, l'accident de sa femme - n'avaient remis en question le sens de son existence. Le récit de cette funeste journée est ponctué par de nombreux retours en arrière qui reconstituent la vie de Fargeau : naissance en 1916, père prof d'histoire, amourettes, études de médecine, drôle de guerre, captivité, retour dans la France occupée, diverses tentations politiques, mariage "bourgeois", vie de médecin généraliste sans grand éclat jusqu'au jour où Fargeau comprend ce qu'il aime vraiment : le passé. Aussi bien le passé national - il est un homme de droite - que le temps qu'il passe sur ses patients. Bientôt, il ne conserve que ses malades les plus âgés et consacre tous ses soins à les aider à vieillir, à la fois confesseur et compagnon d'infortune. Dans ces mêmes années, Fargeau milite dans de chimériques organisations de nostalgie et de colère : les "Cercles Chateaubriand", une radio libre très "engagée" à droite, etc. Veuf, il se rapprochera de son fils unique, traîne-patins dans le Sud-Ouest, et ira finir doucement ses jours dans une institution de vieillards - bien sûr - appelée l'Ancienne Charité de Maussade où il "donnera des coups de main", bavardera, éructera, ricanera de la décadence du monde. Un roman sur l'âge, une fresque qui fait une large place à la bourgeoisie d'avant-guerre, aux Oflags et Stalags, à la fin de l'Occupation, à la France de la Libération et de l'épuration à "l'esprit de droite", toujours inscrits dans des lieux : le XVIIe arrondissement de Paris, La Muette, Auteuil, la Normandie "profonde", la région des Causses et de Cordes, Albi...
Veut-on savoir ce dont il est question dans ce livre ? L'auteur s'est permis d'emprunter quelques lignes à Aurélien, qui est une admirable histoire d'amour, afin de les placer en épigraphe de son livre.