Nouvellement accueilli dans le *Petit Robert de la langue française”, le “wokisme” se définit comme un “courant de pensée d’origine américaine qui dénonce les injustices et discriminations ; mouvement, pensée woke." De la question sociale à la question raciale, un concept qui se vit comme un véritable bouillonnement de pensée.
Depuis peu, les militants de la cause woke défrayent la chronique en raison des actions qu'ils mènent dans les universités pour y interdire toute forme de pensée considérée comme attentatoire aux principes qu'ils défendent. Dans les débats en cours, un point essentiel est passé inaperçu. Avocats et adversaires du wokisme partagent un même mot d'ordre. Il faut, affirment-ils tous, «reconstruire» après avoir «déconstruit». Le projet est le même auquel étrangement souscrivent deux camps que, pourtant, tout distingue. En ce sens, le wokisme et l'antiwokisme se caractérisent pareillement par leur opposition à l'idée de déconstruction. Encore faudrait-il savoir ce que le mot signifie et se donner ainsi une chance de comprendre l'étrange «reconstructionnisme» qui prévaut aujourd'hui et dont la logique conduit fatalement à l'affrontement de deux identitarismes adverses. Car il importe moins, contre l'opinion unanime, de reconstruire enfin ce qui avait été hier déconstruit que de déconstruire encore ce qui prétend se reconstruire aujourd'hui. Selon une leçon que la littérature nous prodigue aussi, essentiellement réfractaire au diktat et aux simplifications d'un certain discours militant.
Une vague de folie et d'intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des « éveillés », emporte tout sur son passage : universités, écoles et lycées, entreprises, médias et culture.
Au nom de la lutte contre les discriminations, elle enseigne des vérités pour le moins inédites. La « théorie du genre » professe que sexe et corps n'existent pas et que seule compte la conscience. La « théorie critique de la race » affirme que tous les Blancs sont racistes mais qu'aucun « racisé » ne l'est. L'« épistémologie du point de vue » soutient que tout savoir est « situé » et qu'il n'y a pas de science objective, même pas les sciences dures. Le but des wokes : « déconstruire » tout l'héritage culturel et scientifique d'un Occident accusé d'être « systémiquement » sexiste, raciste et colonialiste. Ces croyances sont redoutables pour nos sociétés dirigées par des élites issues des universités et vivant dans un monde virtuel.
L'enthousiasme qui anime les wokes évoque bien plus les « réveils » religieux protestants américains que la philosophie française des années 70. C'est la première fois dans l'histoire qu'une religion prend naissance dans les universités. Et bon nombre d'universitaires, séduits par l'absurdité de ces croyances, récusent raison et tolérance qui étaient au coeur de leur métier et des idéaux des Lumières. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du bien et de la « justice sociale ». Il faudra du courage pour dire non à ce monde orwellien qui nous est promis.
Comme dans La philosophie devenue folle, Braunstein s'appuie sur des textes, des thèses, des conférences, des essais, qu'il cite et explicite abondamment, afin de dénoncer cette religion nouvelle et destructrice pour la liberté.
Un essai choc et salutaire.
La mécanique d'une chasse aux sorcières Encore inconnu il y a peu en France, le terme de «?woke?» a récemment envahi les réseaux sociaux et les journaux. Né des luttes antiracistes des Afro-Américains dans les années 1950, il revêt alors un sens positif?: celui d'être «?éveillé?», conscient politiquement. Mais il est aujourd'hui utilisé péjorativement pour attaquer toute forme d'engagement contre les discriminations. Pour ses détracteurs, la prétendue «?idéologie woke?» serait un nouvel avatar du «?politiquement correct?» ou de la «?cancel culture?» et infiltrerait les centres de pouvoir, des médias aux grandes entreprises, encourageant une déconstruction du monde par la bouche d'une génération radicalisée. Ainsi va la «?panique woke?». Et si cette panique cachait simplement une forme, classique mais violente, de réaction?? C'est cette offensive réactionnaire et sa mécanique idéologique qui sont ici décortiquées par Alex Mahoudeau, mieux connu sur les réseaux sociaux à travers le pseudonyme de «?Pandov Strochnis?».
Depuis quelques années, et dans le monde entier, nous voyons régulièrement les figures, les disciplines et les oeuvres les plus prestigieuses de la culture occidentale contestées et critiquées par une minorité de jeunes militants qui exigent leur exclusion de la culture commune. En un mot, leur effacement : cancel. Celle-ci ne serait, au fond, rien d'autre qu'un système de légitimation d'un ordre patriarcal, raciste et colonial.
Face à ces accusations, beaucoup sont perplexes. Pourtant, il s'agit de l'un des débats les plus importants de notre temps. Que répondre à ceux qui accusent Churchill d'avoir eu une vision du monde « raciste » ? À ceux qui font valoir que Carmen s'achève sur un « féminicide » ? Tout cela est vrai. Mais faut-il pour autant déboulonner les statues du Premier ministre britannique ou récrire la fin de l'opéra de Bizet ?
Telle est la question que Pierre Vesperini saisit à bras le corps, en mettant ses outils d'historien philosophe au service du débat d'idées.
Lieu commun dans les sciences sociales et dans certains cercles militants, féministes et antiracistes en particulier, la notion d'intersectionnalité alimente dernièrement l'une des grandes paniques morales dont notre époque est coutumière : elle serait synonyme de « communautarisme », de « séparatisme ». Ce n'est absolument pas le cas, comme le montre ce livre riche, synthétique et vivant, qui a pour ambition d'introduire le concept auprès d'un large lectorat. Il s'agit d'un outil d'analyse des situations de tort, généralement constituées d'oppressions imbriquées. L'analyse intersectionnelle ne consiste pas à plaquer des notions génériques (la triade « race, classe, genre ») sur des faits, mais à développer une perception fine et située du caractère relationnel des oppressions.
L'intersectionnalité est en outre une pratique critique ayant la justice sociale pour horizon. En ce sens, elle ne se réduit pas au champ académique, loin de là. Les autrices font commencer son histoire dans les années 1960-1970, avec les pratiques intellectuelles et politiques de femmes non blanches et, plus spécifiquement encore, avec le féminisme noir et chicano de cette période. Puis elles expliquent comment cette approche s'est institutionnalisée et mondialisée à partir de la fin des années 1980. La pédagogie critique inspirée de Paulo Freire constitue un autre axe généalogique, plus inattendu, développé dans l'ouvrage. Ni communautariste, ni individualiste, ni victimaire, l'approche intersectionnelle souligne donc le caractère social et concret des identités, individuelles comme collectives, dans une perspective émancipatrice.
Ils sont nombreux à hurler avec les loups pour dénoncer les féministes et les antiracistes qui «assiègent» l'université pour y imposer la «rectitude politique». Pour stimuler la panique collective, on agite des épouvantails - political correctness, social justice warriors, islamo-gauchistes, wokes - et on évoque les pires violences de l'histoire : chasse aux sorcières, lynchage, totalitarisme, extermination. Or cette agitation relève d'une manipulation qui entrave la curiosité intellectuelle, la liberté universitaire et le développement des savoirs.
Issu du féminisme noir américain, le concept d'intersectionnalité est au coeur des mouvements féministes d'aujourd'hui. Il vise à révéler la pluralité des discriminations de classe, de sexe et de race. Ce livre, inédit en poche, propose une introduction à cette notion et à ses applications concrètes. Il comprend notamment la première traduction en France du célèbre article de Kimberlé Crenshaw qui est à l'origine de cette approche.
Les attaques contre les sciences sociales se font de plus en plus nombreuses. À travers elles, ce sont certains travaux critiques qui sont particulièrement visés, notamment ceux portant sur les discriminations raciales, les études de genre et l'intersectionnalité.
À partir d'un article de 2019, devenu référence et paru dans la revue Mouvements, entièrement revu et actualisé, voici, pour toutes et tous, une synthèse salutaire et nécessaire sur ce qu'est réellement la notion d'intersectionnalité. Les autrices, sociologues, s'attachent d'abord à rappeler l'histoire du concept élaboré il y a plus de trente ans par des théoriciennes féministes de couleur pour désigner et appréhender les processus d'imbrication et de co-construction de différents rapports de pouvoir - en particulier la classe, la race et le genre. Il s'agit ensuite de s'interroger sur les résistances, les « peurs », les discours déformants et autres instrumentalisations politiques que l'intersectionnalité suscite particulièrement en France. Mais justement, défendre les approches intersectionnelles, n'est-ce pas prendre en compte, de manière plus juste, les expériences sociales multiples et complexes vécues par les individu·es, et donc se donner les moyens de penser une véritable transformation sociale ?
Pour l'intersectionnalité : « Qui nos institutions académiques accueillent-elles et quels savoirs valorisentelles et font-elles éclore sont donc deux questions indissociables. Et ce n'est qu'en tentant d'y répondre et en donnant toute sa place à des travaux potentiellement porteurs de transformation sociale pour les groupes marginalisés que l'enseignement supérieur et la recherche pourront continuer de jouer un rôle politique et social en France, car elles produiront une recherche scientifique qui renouvelle notre compréhension du monde social et le donne à voir dans sa complexité. » Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz.
Vous êtes las d'entendre parler à tout-va d'identités, de diversités, de minorités ? Leurs sommations, leurs bûchers, leurs revanches victimaires vous impatientent ? Ce livre est pour vous. Il ne s'agit pas ici de dresser un nouvel état des lieux des avancées du wokisme, prête-nom des idéologies diversitaires, en France. Ces ouvrages existent. Ils sont nécessaires et précieux. Mais à quoi bon, objecte Bérénice Levet, multiplier les enquêtes, alerter sur l'extension du domaine des revendications identitaires, si nous n'avons rien de substantiel à leur opposer ? Réalité cruelle peut-être, mais criante : ânonner le catéchisme républicain ou faire tintinnabuler la clochette de l'identité nationale, ces voies empruntées jusqu'ici se sont révélées bien impuissantes à endiguer la déferlante wokiste. La philosophe se propose donc de prendre à bras-le-corps le défi qui nous est lancé. Pourquoi (et au nom de quoi) devons-nous refuser d'entrer dans Eschyle ou Colette comme dans Gauguin ou Balthus, Rameau ou Bizet, par le prisme féministe, lgbtiste ou racialiste ? Pourquoi devons-nous refuser de déboulonner les statues de Voltaire ou de Colbert comme de les escorter de cartels dits pédagogiques ? En quoi les black, gender, cultural studies sont une régression et non une avancée ? Une perte et non un gain ? Haut les coeurs !, nous enjoint Bérénice Levet. Si, de tous les pays attaqués par le wokisme, il ne devait en rester qu'un, que la France soit celui-là. Ayons le courage de la dissidence civilisationnelle !