Du film de Margarethe von Trotta qui popularisa l'expression à la série de Marco Bellocchio autour de l'assassinat d'Aldo Moro, retour en noir et rouge sur cette période de violence systémique et politique qui enflamma la péninsule des années 60 aux années 80.
En 1978, Aldo Moro, président de la Démocratie Chrétienne, parti qui tient l'Italie d'une main de maître depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est enlevé à Rome et retrouvé assassiné cinquante-cinq jours plus tard dans le coffre d'une automobile. Cet événement suivi au jour le jour par les informations du monde entier a bouleversé l'Italie, l'Europe et le monde. Que voulaient les Brigades Rouges qui avaient enlevé Moro ? Quelle « spirale infernale » de terrorisme et d'assassinat a engendré cette mort ?
Quarante ans après, le livre du grand Sciascia reste d'une actualité glaciale.
La Horde d'or est un ouvrage de grande ampleur qui relève à la fois du livre d'histoire, de la compilation de documents, du témoignage à la première personne. Il associe analyse, documentation et écriture. Il fait partie de ces ouvrages "trans-genres" (pour reprendre une terminologie en usage dans d'autres domaines), qui apporte une information de première main et de première importance sur un moment crucial de l'histoire politique italienne, mais également européenne. Outre les deux rédacteurs principaux, l'un écrivain, l'autre libraire (décédé en 1998), de nombreux auteurs italiens ont participé à l'ouvrage, signant des contributions souvent importantes. On peut citer : Paolo Virno, Umberto Eco, Antonio Negri, Raniero Panzieri, Sergio Bologna, Oreste Scalzone, ou même ... Giorgio Amendola.
À ce jour, c'est encore l'unique ouvrage disponible sur l'ensemble des conflits sociaux en Italie entre 1968 et 1977. Le seul livre qui traverse l'ensemble des composantes de ce mouvement souvent ignoré, parfois mythifié. Sans doute, la formule « années de plomb » a-t-elle joué un rôle important dans cet effacement, puisqu'elle prétend encore en résumer la teneur et l'avenir. Elle marque surtout un manque d'histoire sur le « long mai» italien, et c'est à ce manque d'histoire que Primo Moroni et Nanni Balestrini ont voulu explicitement répondre, et à quoi s'est attelé un collectif d'auteurs, afin de raconter à nouveau, et livrer un panorama à la fois large et précis de ce qu'ils ont appelé, la « grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle» de l'Italie entre 1968 et 1977.
Outre des analyses et des contributions de témoins et de lecteurs de cette « grande vague », le livre réunit un ensemble de documents considérables, soigneusement choisis et dont un grand nombre serait tombé dans l'oubli sans le soin particulier d'archiviste qui caractérisa Primo Moroni, à l'initiative de l'ouvrage, dont la librairie ouverte à Milan en 1971 devint vite un repère incontournable pour l'ensemble de la gauche italienne. À ce titre, on trouve dans La Horde d'or aussi bien des chansons que des tracts, des récits et des témoignages, des analyses, des communiqués, des appels ou des articles, tous publiés à l'époque et relatifs aux événements qui ébranlèrent la société italienne.
En 1978, Aldo Moro, président de La Démocratie chrétienne, est enlevé et séquestré par Les Brigades rouges. Dans L'espoir d'être libéré, il écrit à ses proches, au gouvernement et au pape. En vain. Il sera assassiné. Découverts après sa mort, Les courriers réunis témoignent d'un pan tragique de L'histoire italienne et dressent Le portrait d'une des plus grandes figures humanistes du XXe siècle.
Stefano Guerra naît à la politique en 1968. Étudiant d'extrême droite, il participe aux affrontements de Valle Giulia, le campus universitaire de Rome, et c'est alors qu'il commet l'irréparable : il tue par accident un jeune homme, Mauro, qu'il voulait seulement menacer. Ce crime marque le début d'une longue dérive, du militantisme à la clandestinité, de la politique à la violence, à travers les événements les plus controversés de l'histoire italienne et dans un monde interlope où se mêlent les hommes politiques, les criminels et les agents des services secrets. Au cours de cette cavale sans issue, Stefano tombe amoureux d'Antonella, soeur de Mauro et fille d'un célèbre intellectuel communiste, qui ignore tout de son geste et de ses idées. Auprès d'elle, il cherche désespérément une rédemption qu'il trouvera à l'autre bout du monde, en Argentine.
Qui est Stefano Guerra? Un tueur psychopathe, un terroriste sans pitié? Ou bien un Pinocchio moderne en quête de père, un exalté qui fait son éducation sentimentale, un idéaliste pris dans la lutte des noirs et des rouges, néo-fascistes contre communistes? Dans la formidable épopée que narre Les noirs et les rouges, Alberto Garlini nous guide avec virtuosité à travers une période cruciale du passé récent, mais il nous livre également une réflexion d'une cruelle actualité sur la violence politique.
Luigi Calabresi a participé à l'enquête sur l'attentat de la piazza Fontana du 12 décembre 1969 en tant que commissaire de la police milanaise. Cet attentat à la bombe est généralement considéré comme le point de départ des années de terrorisme en Italie. Pendant l'enquête, un drame se produit : Giuseppe Pinelli, membre d'un groupuscule anarchiste, est arrêté, puis meurt au cours de sa garde à vue. Luigi Calabresi sera désigné comme le responsable de son décès par l'extrême gauche et une bonne partie de l'opinion publique italienne. Malgré une enquête et deux jugements qui ont clairement établi son innocence, Calabresi devient la cible d'une violente compagne de presse avant d'être abattu de deux balles, le 17 mai 1972. Son fils Mario revient ici sur les faits et sur ses souvenirs intimes liés à cette période, mais il va également à la rencontre d'autres familles victimes du terrorisme de l'extrême gauche afin d'évoquer plus largement l'évolution de la société italienne face à la mémoire de ces années-là. Des questions universelles telles que le rôle de la justice dans le travail de mémoire, ou la place des victimes dans nos sociétés, sont ainsi abordées sous l'éclairage de son histoire personnelle. Son récit, d'une extrême sobriété quoique empreinte d'une douleur toujours très vive, est tout simplement bouleversant.
Dans Les Ailes de plomb, Adriano Sofri revient sur la nuit du 15 décembre 1969 où Pinelli, anarchiste milanais, tomba de la fenêtre du commissariat dans lequel il était interrogé pour le massacre de la piazza Fontana.
L'attentat qui avait eu lieu l'après-midi même avait tué seize personnes et fait quatre-vingt-huit blessés. On considère que la mort de Pinelli est à l'origine de l'assassinat du commissaire Calabresi dont Adriano Sofri a été accusé (en tant que commanditaire). Le livre de Sofri est une reconstitution très minutieuse de cette journée et de ses contextes. Ce reportage dramatique qui mobilise toutes sortes de preuves est un livre d'écrivain.
Sofri y interroge la langue de l'époque : la langue de l'émancipation, celle de l'insurrection. Il ne cesse de se demander : que valait-elle ? Que peut-elle valoir aujourd'hui ? Le témoignage de Sofri est de nature à intéresser le lecteur français soucieux de comprendre ce qui a pu se passer alors en Italie et qui a donné lieu à l'une des périodes les plus sanglantes de l'après-guerre. Car son récit ne vaut pas pour les seuls protagonistes de cette ténébreuse affaire - il jette son clair-obscur sur un événement majeur de l'histoire récente italienne, sur sa postérité, sur sa valeur de paradigme historique et, par-delà, sur les relations qu'entretient encore l'Italie avec cette période où les rêves d'émancipation qui traversaient l'Europe ont pris dans ce pays une tournure dramatique.
En empêchant que la fenêtre de l'histoire ne se referme trop vite sur la mort de Pinelli, c'est bien sur notre présent qu'Adriano Sofri entrebâille les battants de son écriture.
Un homme traqué par la police italienne revient sur son passé, à la faveur d'un voyage dans un train de nuit. C'est un terroriste. Ce qu'il nous conte, de manière savamment décousue, souvent à la manière «distanciée» d'un roman d'espionnage, c'est l'histoire véridique d'un homme, d'un professeur d'université, devenu membre des Brigades rouges. Il s'interroge douloureusement sur le sens de son engagement, en voyant l'idéal révolutionnaire justifier les horreurs et la barbarie, et jusqu'aux règlements de compte entre camarades emprisonnés.
Mais ce «juste» égaré n'est pas un personnage de roman, c'est l'auteur lui-même. Il nous livre ses souvenirs de brigadiste ; l'époque où il n'est encore qu'un simple sympathisant, puis les premiers contacts, l'engagement de plus en plus profond, l'entrée dans la clandestinité et enfin la vie en prison. Son livre est un journal, mais on pourrait dire aussi bien des «mémoires», ou même des «confessions», tant il mêle de registres différents, dans un style parfaitement maîtrisé. C'est aussi une belle galerie de portraits des membres des Brigades, en particulier de leur chef Moretti, ou d'autres figures, plus émouvantes, d'idéalistes naïfs qui seront impitoyablement écrasés.
Le regard sans complaisance - y compris pour lui-même -, mais d'une grande dignité, que l'auteur porte sur ces événements n'est jamais celui de l'historien ni celui de l'idéologue. Il nous rapporte des épisodes tour à tour glaçants, dérisoires, pathétiques, choisis uniquement pour ce qu'ils révèlent de ses sentiments de brigadiste, de ses relations avec ses camarades mais aussi avec ceux qui le rattachaient encore à la vie ordinaire : sa femme et ses enfants.
Sur l'un des scandales politiques les plus retentissants de la fin du XXe siècle, un récit au jour le jour, vif et très informé, nourri par les témoignages des brigadistes, la correspondance de Moro et les notes des différents protagonistes politiques.
Le 16 mars 1978, via Fani, à Rome, le président de la Démocratie chrétienne Aldo Moro est brutalement enlevé par un commando armé, et les cinq hommes de son escorte tués. Au coeur de ces années de plomb qui voient se succéder en Italie attentats d'extrême droite et d'extrême gauche, dans un climat de désordre et de guerre civile sans précédent, la revendication de cet acte de terrorisme est rapide : il est le fait des brigades rouges - trois hommes et une femme, qui pendant 55 jours retiendront l'homme d'État séquestré dans un appartement du centre ville. L'affaire va bouleverser le pays, et le monde. Aujourd'hui encore, l'historien se trouve confronté, à chaque page de ce volumineux dossier, à d'inquiétantes zones d'ombres. Services secrets de l'Est et de l'Ouest, organisations mafieuses, loges maçonniques, adversaires et compagnons politiques... Au fond, qui avait intérêt à la disparition d'Aldo Moro ?
Philippe Foro, directeur du département d'histoire de l'université de Toulouse, spécialiste de l'Italie contemporaine.
Dernier ouvrage paru : L'Italie fasciste, Armand Colin 2006.
Ils vivaient à Milan. Jeunes, révoltés, marginaux, ces jeunes hommes n´avaient pas d´autre projet politique que la « vengeance prolétaire ». En quatorze mois, entre avril 1978 et juin 1979, ils ont exécuté quatre personnes et fait quatre blessés graves. Ces vengeurs ont pour la plupart purgé leurs peines, à l´exception de quelques-uns.
Après son incarcération en France, puis sa fuite en 2004, Cesare Battisti - condamné à perpétuité - a finalement obtenu l´asile politique au Brésil, en 2011. Ce coupable parmi d´autres est devenu l´exemple du coupable.
Malgré les remous suscités par l´affaire, le dossier judiciaire est resté confidentiel. Ce livre retrace l´histoire, criminelle tout autant que politique, de ces « Prolétaires armés », et celle de leur procès. Repentis, « dissociés », ou simples condamnés, leur mémoire reste, bien loin des légendes romantiques, marquée par le plomb, la mort et la culpabilité.L´irruption de la « doctrine Mitterrand » dans l´affaire est un autre secret. Cette politique d´accueil des réfugiés des années de plomb a été discrétionnaire, et inégalitaire. Certains fugitifs, auteurs directs d´attentats, ont été refoulés secrètement, quand d´autres étaient admis au séjour par la justice. Pour des raisons plus politiques qu´humanitaires. Aujourd´hui, les États européens sont unis dans l´action antiterroriste. Et les soldats perdus du communisme ne passent plus pour des héros. C´est pour cela peut être que Cesare Battisti plaide l´innocence.
En proie aux barbaries des terroristes, aux corruptions des politiques et à la terreur qu'exerce la mafia, le pays s'est laissé lentement sombrer dans un chaos contre lequel des juges intègres et des journalistes héroïques se sont révoltés, payant le plus souvent de leur vie leur courage. De l'attentat de la Banque de l'Agriculture de Milan, le 12 décembre 1969, à l'installation du parti néofasciste d'un entrepreneur triomphant, possesseur des médias, la romancière raconte à sa manière, rigoureuse, limpide, documentée, émouvante et scandalisée l'enchaînement des tragédies et le désarroi des observateurs. Bombes lancées aveuglément dans les lieux publics et les transports, acharnement contre les magistrats et les enquêteurs, chantage, enlèvements, élections truquées, partis crapuleux, suicides inexpliqués, meurtres cyniques : c'est un tableau noir que Rosetta Loy dresse ici.
En France comme en Italie, il y a seulement quarante ans, la violence exercée au nom de la classe ouvrière était fortement exaltée. N'est-elle pas " l'accoucheuse de toute vieille société ", le prélude mais aussi l'instrument de la révolution prolétarienne que les nombreux groupes d'extrême gauche de l'époque appelaient de leurs voeux ? C'est dans cette attente de l'épreuve décisive que se développent, au sortir de 68, agit-prop et " actions exemplaires ". Pourtant, très vite, la violence finit par être abandonnée, parfois même abjurée, par la majorité de ceux qui la préconisaient. Seule l'Italie connaîtra le " passage à l'acte ", qui restera cependant résiduel par rapport au nombre initial de candidats-soldats de la Révolution. Comment expliquer cette séduction du recours à la violence, intense au-delà des Alpes, plus retenue en France ? Quels ont été les ressorts de cette critique des armes qui, le plus souvent, conduira au désengagement et au retrait dans la sphère privée ? Peut-on faire le deuil de la violence politique sans " tuer le mort " : cet idéal révolutionnaire qui la légitimait ? Telles sont les questions auxquelles Isabelle Sommier s'efforce de répondre, à l'heure où la France célèbre le quarantième anniversaire des événements de mai 1968.
Il n'y avait pourtant pas que le politique dans notre vie. « Le personnel est politique », comme les camarades féministes nous l'avaient fait comprendre, bon an mal an. En fait, alors que nous plongions la tête la première dans la dernière tentative de révolution communiste en Europe, c'est dans la sphère des relations interpersonnelles que nous étions en train de faire une révolution... Mais nous n'en avions pas vraiment conscience, pris comme nous l'étions dans des schémas anciens. Nous avions alors 20 ans, quelquesuns plus, d'autres moins. Et nous avions un désir débordant de mordre la vie, de plonger de tout notre corps dans une aventure enivrante, de profiter au maximum de tout ce que la vie pouvait nous offrir, ici, tout de suite, sans attendre ni le paradis céleste, ni le grand soir. « Qu'est-ce que vous voulez ? », nous demandait-on. On répondait : « Nous voulons tout ! » En 1979, après la mort accidentelle de trois activistes du groupe Autonomie ouvrière, dans la région de Vicence (Italie du nord), un grand coup de filet policier s'abat sur ses membres. Cette répression leur sera aussi fatale que les divisions internes qui émergent alors, dans les différents groupes armés, entre « repentis » et puristes.
Comment en est-on arrivés là ? Revenant sur la longue tradition de contestation ouvrière de Vicence, les mouvements amorcés en 1968 et l'influence du Chili de Pinochet sur la militarisation des groupes socialistes, ce livre insiste sur la continuité des luttes entre les années 1960 et les années 1970 : « Il n'y a pas une bonne et une mauvaise jeunesse, c'est la même, à des moments et dans des circonstances différentes. » Des rapports entretenus avec les Brigades rouges aux moyens d'action concrets - « autoréductions », sabotage de machines, création de comités ouvriers et étudiants ou blocage d'usines -, des limites de la lutte armée au rôle des intellectuels dans le militantisme, cet hommage à des camarades revendique la légitimité de se souvenir et la nécessité de perpétuer un combat pour un monde plus juste.
Dans le numéro de mars 1973 de Rosso, le journal du groupe Gramsci de Milan, les ouvriers des ateliers Mirafori (Fiat) à Turin racontent que " tout commence le jour où ils font une assemblée sans les bonzes du syndicat ". Les déflés dans les usines vont bientôt se faire avec de jeunes ouvriers à leur tête, le visage masqué par un foulard rouge, qui punissent les chefs, les gardiens, les jaunes et les indics, cassent les machines, sabotent les produits finis. C'est le début d'une période où le langage, les comportements politiques, les formes de vie même sont bouleversés par le mouvement autonome, du nord au sud de l'Italie. L'Autonomie, écrit Tarì, n'est pas le nom d'une organisation : il désigne un communisme " impur, qui réunit Marx et l'antipsychiatrie, la Commune de Paris et la contre-culture américaine, le dadaïsme et l'insurrectionnalisme, l'opéraïsme et le féminisme ". Et il faudrait toujours se référer aux autonomies, celles des ouvriers, des étudiants, des femmes, des homosexuels, des prisonniers, des enfants, " de quiconque aurait choisi la voie de la lutte contre le travail et contre l'Etat, de la sécession avec le fantasme de la société civile et de la subversion de la vie ensemble avec d'autres. " Si le mouvement finit par succomber sous les forces conjuguées de la machine étatique et du Parti communiste, son histoire est celle d'une aventure révolutionnaire dont l'incandescence est plus que jamais actuelle.
Nous, opéraïstes est le récit, à la première personne, de ce que fut le mouvement opéraïste entre les années 60 et 70, et qui a imprégné la plupart des mouvements de la gauche extra-parlementaire en Italie et en Europe. Histoire d'une aventure politique et intellectuelle, de ses ouvertures comme de ses errements, de ses avancées comme de ses retentissants échecs, elle est d'un enseignement exemplaire pour la refondation d'une pensée critique en ce début du XXIe siècle, et se double, avec l'écriture de Mario Tronti, d'un petit chef d'oeuvre de 'style', où prime le « critère de l'honnêteté ».
Le livre de Mario Tronti est le texte philosophique le plus ambitieux produit par la « séquence rouge » italienne des années 1960.Il formule les positions de l'opéraïsme, en particulier celle de la centralité ouvrière incarnée par la figure de l'ouvrier-masse. Il y affirme le primat des luttes ouvrières sur l'histoire du développement capitaliste, l'irréductibilité de la classe ouvrière aux structures sociales propres au capitalisme moderne, la partialité assumée du « point de vue » ouvrier qui, seule, rend possible d'appréhender le système social du point de vue de son renversement. Alors qu'aujourd'hui la classe ouvrière passe de la centralité à la marginalité, il reste de cet ouvrage emblématique une véritable pensée de l'action dans le conflit, une « politique du conflit ».
Voyageant avec aisance et érudition de la pédérastie antique à l'interdit biblique, des bûchers d'antan aux lois anti-homosexuelles contemporaines, mario mieli déconstruit ici un à un les préjugés psycho-médico-sociaux les plus répandus sur l'homosexualité.
Ses éléments rendent sensible ce que fut l'âge d'or du militantisme homosexuel. la vision mielienne d'un possible dépassement des catégories identitaires de genre et d'orientation sexuelle dans l'exercice performatif de la transsexualité anticipe les travaux de monique wittig, de judith butler, également les aspirations queer actuelles, mais avec la fraîcheur et la pertinence propres aux esprits visionnaires.
Mieli ne craint pas de témoigner de son propre vécu, de ses désirs, de ses fantasmes, de son séjour en clinique psychiatrique. on rencontrera ici un être aux talents multiples de philosophe, écrivain, dramaturge, poète et acteur, qui n'a peut-être d'égal qu'un hocquenghem ou un pasolini - figures de proue dont les temps présents sont singulièrement avares.
Rendre en vers la parabole des mouvements contestataires des années soixante-dix, leur force, leur rage, leur déclin, c'est l'exploit réussi par Nanni Balestrini dans les textes ici réunis.
Par un savant équilibre entre la rigueur de la composition, qui repose sur des habiles techniques combinatoires, et une langue fragmentaire, portant inscrite en elle-même la trace d'une histoire en devenir, l'auteur donne vie à une mosaïque vaste et mouvante. Si Vivre à Milan reflète la radicalité et la complexité des conflits qui ont mis à feu et à sang l'Italie au cours de la décennie, Blackout apparaît incontestablement comme le grand poème épique de cette saison de révoltes.
Lamentation funèbre pour la mort du mouvement mais aussi ultime cri de rébellion et d'espoir, cette épopée des vaincus, dont l'architecture répétitive évoque un mythique éternel retour, vibre de l'élan des grands événements collectifs et résonne d'une multitude de voix, personnelles et publiques. Ce sont l'intimité et la suspension qui dominent enfin dans Hypocalypse, images poétiques de la condition existentielle d'incertitude et de repli liée à la fin des grandes aspirations collectives.
À l'orée des années soixante-dix, à Paris, à Rome, à Berlin, les mouvements de contestation nés dans le sillage des manifestations étudiantes de 68 se posent tous peu ou prou en même temps la question du recours à la lutte armée et du passage à la clandestinité. S'ils y répondent par la négative en France, ce n'est pas le cas en Allemagne ni en Italie, mais pour les trois pays s'ouvre une décennie de violence politique ouverte ou larvée qui laissera sur le carreau des dizaines et des dizaines de morts, sans compter ceux qui, restés vivants mais devenus fantômes, s'en sont allés peupler les années quatre-vingt de leurs regrets, leurs dépressions ou leur cynisme.
Témoin de cette décennie de rage, d'espoir et de verbe haut, le narrateur s'éveille au désir et à la conscience politique, qui sont tout un, mais quand son tour viendra d'entrer dans le grand jeu du monde, l'espoir de ses aînés se sera fracassé sur les murs de la répression ou dans des impasses meurtrières. Il aura pourtant eu, dans un bref entretemps, loisir de s'adonner aux très profonds bonheurs comme aux grandes détresses de la politique et du corps aux côtés de tous ceux qui, de Berlin à Bologne, de Billancourt à Rome, de Stammheim à Paris, tentèrent de combattre les forces mortifères qui, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'attachèrent à faire de l'Europe le continent à bout de souffle où nous vivons encore.
C'est l'histoire d'un qui s'appelle Accio. La scène est dans les années 60, en Italie : famille modeste, foi intacte. Accio nous prend par la main quand il est en bouton : tourment de la foi, lierre grimpant des tentations, école et parfum de confessionnal. On l'accompagne au fil d'une fugue, au vif des rixes et broncas familiales, on le suit au MSI, chez les néomussoliniens où il entre pour fronder un peu plus, joue les gribouilles et se fait sortir pour perturbation de concert (une fanfare américaine). Des tentations, le lierre grimpe encore et fleurit peu : branlette et déniaisement triste. Mais le noir de la chemise se fait libertaire au soleil de Francesca, tantôt radieuse « Walkyrie milanaise », tantôt statue de sel, et Accio passe du Duce aux camarades : action révolutionnaire, manifs, piquets de grèves, coups encore, coups toujours, jusqu'à la mort, la clandestinité. La boucle se bouclera comme de juste : dans un confessionnal. Ainsi va la vie d'Accio Benassi, fils, frère et foutu furieux, entre madone et uppercut, fraternité et rendez-vous manqués, coups de coeur et coups de boules : entre Guerre froide et années de plomb, dix ans dans la vie de l'Italie moderne.
Le roman d'Antonio Pennacchi (Il fasciocomunista) a été adapté au cinéma par Daniele Luchetti. Présenté au dernier Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard, il sortira dans les salles françaises le 12 septembre 2007.
Valerio et Olivia grandissent ensemble dans la magnifique villa de la famille Morganti, à Bologne : Olivia est l'héritière des Morganti, de riches entrepreneurs du bâtiment, et Valerio est le fils du jardinier. Après avoir partagé une enfance de rêve, ils ne cessent de se séparer, de se retrouver, puis de se perdre de nouveau. Valerio suit d'abord sa mère à Rome quand celle-ci quitte son père. Plus tard, alors qu'ils sont étudiants, c'est Olivia qui part à Paris pour échapper aux disputes de son clan. Chacun d'eux est animé de forces centrifuges qui les empêchent de poursuivre leur relation, aussi sincère que burlesque. Valerio est ambitieux et poursuit le rêve de devenir magistrat, Olivia, elle, tente désespérément de trouver son chemin. Autour d'eux, c'est toute l'Italie berlusconienne qui tangue comme un bateau ivre et avance inexorablement vers un naufrage tragicomique.
Le pays que j'aime parcourt l'histoire italienne récente, de 1975 à 2013, à travers le destin d'un couple, d'une famille et de toute une société. Les répliques fusent dans cette cruelle comédie à l'italienne, menée tambour battant grâce au talent de Caterina Bonvicini.
Le 15 mars 1972, près de Milan, on trouve, dans la boue, sous un pylône électrique, le corps déchiqueté du célèbre et riche éditeur Giangiacomo Feltrinelli, apparemment tué par l'explosion prématurée de la bombe qu'il s'apprêtait à poser. Vingt ans après, quatre amis de l'éditeur veulent faire un film de cette période de l'Histoire ? où, à la stratégie de la tension à coups d'attentats couverts par des franges de l'appareil d'État, ont succédé les «années de plomb» puis la déroute des partis armés et le déferlement des confessions de «repentis» ? qui a marqué à jamais leur jeunesse. Ils en évoquent les tensions, les affrontements et tentent de retracer l'aventure politique de l'éditeur, engagé comme eux à l'extrême-gauche, de lui rendre son identité mystifiée, occultée par la presse de l'époque, de comprendre la signification emblématique de sa mort qui a marqué pour toute la gauche un tournant crucial et qui les a placés, eux aussi, face à des choix décisifs.
Paolo et Luisa ne se connaissent pas. À bord du bateau qui les emmène sur l'île où sont détenus leurs proches, chacun ressasse la tragédie dont ils ont été victimes. Le fils de Paolo a été incarcéré pour des actes terroristes. Le mari de Luisa pour avoir tué deux hommes. Le vent se met à souffler trop fort, empêchant ces visiteurs d'un jour de regagner la côte. Ils deviennent pour une nuit les hôtes de Pierfrancesco, l'un des gardiens qui supporte de moins en moins cet univers carcéral si loin de ses préoccupations familiales. À la faveur de cet imprévu, Paolo et Luisa partagerons bien plus qu'une brève complicité amoureuse : tous deux parviendront à retrouver goût à la vie.
Un roman tout en subtilité et en émotion, doublé d'une puissante réflexion sur ces infimes moments de grâce qui font basculer les vies.
Palerme, 1978. Ils n'ont que onze ans, mais déjà leur passion est l'idéologie, leur modèle les Brigades Rouges. Rayon, Envol et Nimbe - leurs noms de guerre - suivent fiévreusement les événements de cette terrible année pour l'Italie, en particulier l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro, et décident de passer eux aussi à l'action. Mois après mois, ils s'enhardissent et, après les provocations et les gestes de vandalisme, se muent en véritables délinquants. Cette dérive passe également par la création d'un langage, l'alphamuet, qui réinvente la rhétorique des terroristes et remonte ainsi jusqu'aux racines du mal. Qu'y a-t-il au bout de cette plongée dans la violence ? Ne leur reste-t-il comme issue que le crime et la mort, ou les trois adolescents peuvent-ils encore retrouver l'amour, comme celui qui naît chez Nimbe pour Wimbow, la petite fille créole ?
Le temps matériel est un roman important, car c'est le premier qui prend à bras-le-corps la question du terrorisme et la traite avec les armes de la littérature. Il fallait oser raconter rien de moins que les années de plomb à travers les yeux de Nimbe, le jeune narrateur âgé de onze ans, et montrer combien c'est le langage qui met en mouvement le destin des hommes. Le temps matériel est habité de la première à la dernière ligne par une foi inébranlable dans le pouvoir des mots, par une ferveur qui brûle et l'alimente en un crescendo qui laisse le lecteur pantois, jusqu'à une issue inattendue et surprenante.
Giorgio est un traître, une balance et un indic.
Pour ajouter au pedigree, c'est un séducteur à la petite semaine, détrousseur de veuves. quand ciccio formaggio vient lui proposer un braquage à un milliard de lires, giorgio y voit l'occasion d'être enfin riche et peinard. même s'il faut pour cela flinguer à la douzaine et pactiser avec un flic pourri.