TANPINAR, Ahmet Hamdi
[TURQUIE] (Şehzadebaşı / Istanbul, 1901 – Istanbul, 1962). Ahmet Hamdi Tanpınar.
Il a également publié sous le nom de Mızrakçıoğlu. Il se situe au premier plan
des auteurs turcs du XX
e siècle : poète, nouvelliste, romancier,
essayiste, ce fin connaisseur de la littérature française fut également
professeur de littérature turque à l’université d’Istanbul. Il a élaboré
entre1920 et 1962 une œuvre unique nourrie de poésie et de musique classiques
qui réalise la jonction intellectuelle entre l’Orient et l’Occident.
« L’ironie souveraine d’Ahmet Hamdi Tanpınar lui assure un statut à part et il
partage maintenant, avec le nouvelliste Sait Faik, le privilège d’être considéré
comme le précurseur de la prose moderne... et post-moderne, une réévaluation
intervenue il y a dix ans. Pourtant, l’œuvre romanesque de Tanpınar présente un
caractère inachevé et lacunaire : outre deux grands romans,
Huzur [Sérénité, 1949] et
Saatleri Ayarlama Enstitüsü [L’Institut de remise à
l’heure des montres et pendules, 1962], il est l’auteur d’un récit (
Mahur
Beste [Mélodie d’antan], 1944-45) et de plusieurs textes parus en feuilleton
et dont la parution fut interrompue ou complétée de manière posthume :
Sahnenin Dışındakiler [Les personnages du fond de la scène, 1973] et
Aynadaki Kadın [La femme dans la lune, 1987]. Incomplète et en devenir,
cette œuvre reste fascinante, tout particulièrement parce qu’on y retrouve le
débat, classique depuis Ahmet Midhat Efendi, sur les rapports entre l’Orient et
l’Occident, dont ces romans semblent affirmer à la fois le point d’orgue et la
conclusion : l’ensemble des rapports historiques, culturels mais aussi
émotionnels, voire imaginaires que les deux mondes affectionnent lorsqu’ils se
regardent Dans
Sérénité, la fracture existentielle est incarnée par
quatre personnages (Ihsan, l’oncle, Mümtaz, le neveu, assistant à la faculté des
lettres, Nuran et Suat, les deux jeunes femmes qui se disputent l’amour de
Mümtaz) dont les échanges, amoureux, amicaux, intellectuels, couvrent l’ensemble
de la problématique de la Turquie ancienne, encore marquée par le raffinement de
la culture ottomane, face à son avenir, pour la dernière fois sans doute avant
que le choix des romanciers se porte sur les enjeux politiques inspirés par le
marxisme. La force du roman de Tanpınar vient aussi du respect des unités de
lieu et de temps : une seule journée de 1939, à la veille, donc, du début de la
Seconde Guerre mondiale, dans la ville d’Istanbul dont les différents aspects
architecturaux symbolisent des états d’âme. L’écrivain turc rejoint ici les
grandes expériences modernistes :
Ulysse de Joyce et
L’Homme sans
qualités de Musil. » (Timour Muhidine, « La question du roman », in
La
Turquie, Fayard, 2005).
* Bibliographie : Namık Kemal Antolojisi, anthologie (1942),
19. Asır
Türk Edebiyatı Tarihi I [Histoire de la littérature turque du XIX
e]
(1942 ; 2
e éd., 1956),
Abdullah Efendi’nin Rüyaları [Les rêves
d’Aptulah Efendi], nouvelles (1943),
Tevfik Fikret, étude (1944),
Mahur Beste [Mélodie d’antan], roman (en feuilleton dans la revue
Ükü,
1944-45, 1975),
Beş Şehir (
Cinq villes), essai (1946 ; éd. revue,
1960),
Huzur [Sérénité], roman (1949),
Sahnenin Dışındakiler [Les
personnage de l’arrière scène], roman (en feuilleton dans
Yeni Istanbul,
1950 ; 1973),
Yahya Kemal, étude (1954, 1963),
Yaz Yağmuru (
Pluie
d’été), nouvelles (1955),
Saatleri Ayarlama Enstitüsü (
L’Institut
de remise à l’heure des montres et pendules), roman (1961),
Şiirler [Poésies], poèmes (1961),
Edebiyat Üzerine Makaleler, articles sur la
littérature, éd. Zeynep Kerman (1969),
Yaşadığım Gibi [Comme j’ai vécu],
essais et lettres (1970),
Ahmet Hamdi Tanpınar’ın Mektupları, lettres,
éd. Zeynep Kerman, (1974),
Bütün Şiirler, poésies complètes (1976, 1989),
Hikâyeler, nouvelles complètes (1983),
Aynadaki Kadın [La femme
dans la lune], roman (1987),
Tanpınar’dan Hasan - Âli Yücel’e Mektuplar,
lettres, éd. C. Y. Eronat (1997),
Seçmeler, choix de poèmes, éd. Enis
Batur (1992),
Mücevherlerin Sırrı, articles non recueillis, 1928-1960,
éd. İlyas Dirin, Turgay Anar et Şaban Özdemir (2001).
ANTHOLOGIES / REVUES
* « Essai d’interprétation des images de la vieille poésie amoureuse », dans
Akten des Vierundzwangzigsten İnternationalen Orientalisten - Kongresses München,
Wiesbaden 1959.
* Texte, dans
Istanbul rêvée, Istanbul réelle, Paris, L’Esprit des
péninsules, 1998.
* « Les hasards de Paris », extrait de
Yaşadığım Gibi (1970), traduit par
Timour Muhidine, dans
Paris
tanbul, Paris, L’Esprit des péninsules,
2000.
* « Lettre à Adalet Cimcoz », extrait de
Ahmet Hamdi Tanpınar’ın Mektupları (1974), traduit par Timour Muhidine, dans
Paris
tanbul, Paris,
L’Esprit des péninsules, 2000.
* « La véritable Istanbul », extrait de
Cinq villes (Paris, Publisud,
1995), traduit par Paul Dumont, , dans
Istanbul. Rêves de Bosphore,
Paris, Omnibus, 2001.
LIVRES (Traductions)
—
Cinq villes. Istanbul, Bursa, Konya, Erzurum, Ankara (
Beş Şehir,
1946 ; édition revue et corrigée, 1960), édition établie, présentée et annotée
par Paul Dumont, traduit du turc par Paul Dumont, René Giraud et Vedat Z. Örs.
[Paris], Éditions Publisud / Collection Unesco d’œuvres représentatives, 1995,
352 pages,
30.20 €
Cinq Villes est peut-être le plus remarquable recueil d’essais de la littérature turque
moderne : tableau historique, architectural, musical et littéraire du destin de
quatre grandes villes d’Anatolie auxquelles vient s’ajouter Istanbul, il faut y
voir un hommage à un double univers que la rupture de la fondation de la
République semble opposer. Seul un auteur de la trempe d’A. H. Tanpïnar pouvait,
mêlant souvenirs personnels et connaissances érudites, restituer pour le lecteur
le passage du monde ottoman au monde turc contemporain. Tel Mevlâna suivant
Chems de Tabriz, il nous entraîne à travers les splendeurs d’une culture
raffinée et multiple parfaitement restituée par l’élégance de sa phrase
proustienne. [
Quatrième de couverture]
—
Pluie d’été (
Yaz Yağmuru, 1955), nouvelles, traduit du turc par
Haldun Bayri. [Arles, Bouches-du-Rhône], Éditions Actes Sud, « Textes turcs »,
2006, 112 pages,
12.90 €
En 1942, à Istanbul, un homme découvre dans son jardin une jeune femme. Sous la
pluie, telle une apparition, elle est immobile près d’un arbre. L’homme est
écrivain, demeuré seul pour les vacances, cette créature ne tarde pas à le
troubler. Elle semble connaître les lieux, le jardin, les arbres, elle se confie
puis dans l’instant se reprend. Elle évoque des souvenirs d’enfance, semble
avoir d’étranges visions, puis elle disparaît pour, dit-elle, rejoindre son
mari. Fasciné par la beauté de l’inconnue, Sabri tente pourtant d’échapper au
désir. Mais quelques jours plus tard, elle réapparaît dans le jardin. Cette
fois, c’est une promenade sur les rives du Bosphore qui conduira Sabri aux
portes de l’infidélité... [
Quatrième de couverture]
—
L’Institut de remise à l’heure des montres et pendules (
Saatleri
Ayarlama Enstitüsü, 1961), traduit du turc par Timour Muhidine. [Arles,
Bouches-du-Rhône], Éditions Actes Sud, « Textes turcs », 2007, 374 pages,
24 €
A. H. Tanpinar évoque ici avec fantaisie, le passage de la Turquie vers la
modernité. Dans une société asphyxiée, un petit Oblomov de la prose Turque
dénonce l’absurdité de la bureaucratie et ceci sous le signe des montres et des
horloges, créations on ne peut plus rigoureuses de l’intelligence humaine tout
en demeurant d’une éternelle fragilité. [
Quatrième de couverture]